En cette saison, les oiseaux nous réveillent tôt et le soleil, s'il darde ses rayons, a la fâcheuse tendance à agiter les particules en suspend dès 6h30.
Donc, rien d'insurmontable, sauf que là... le soleil n'y était pas... pas de beaux jours depuis une semaine..et la mer agitée ressemblait à une dalle de béton mouvante.
Si l'on ne peut prédire ce qu'il va se passer à 8h en début du mois de juin, on peut tout au moins essayer de le programmer. Et croyez moi, c'est vraiment ce que j'ai tenté de faire. Les horaires de marée étaient parfaits, il ne me restait juste qu'à prendre une pelle et creuser un sillon . Les filles aiment ça, les symboles.. Je le sais. Et je voulais qu'elle sache que pour elle je changerai le cours des choses, j'embellirai le monde, je construirai l'avenir... J'allais écrire l'histoire...
Elle... C'est Perrine...
Elle vivait chez sa tante à Cricqueville en bessin... petite ville inconnue, pour qui ne l'a jamais traversée. Cela dit, qui a croisé Perrine à Cricqueville ne peut que se souvenir de l'endroit... Elle avait les yeux noisettes et ses baisers étaient frais et collants comme les embruns du matin. J'en étais tombé raide dingue juste après les vacances de Pâques. Il était évident que c'était la bonne..
J'enfourchais mon vélo, enfin celui que mon grand frère m'avait confié, et qu'il ne reprendrait plus. Puis je me dirigeais vers la plage. Sous le regard goguenard de soldats en faction, je creusais , je traçais nos prénoms et entourais d'un cœur le tout, suffisamment en recul pour que l'eau n'efface pas trop vite l'alliance que je gravais.
Lorsque Perrine irait regarder la mer... elle découvrirait à coup sûr la trace de mon passage sur ce lieu désert, à l'abri de la folie des hommes... C'était simple mais tellement évident. Déballer sur le sable mes sentiments, le cœur vaillant... Perrine n'y résisterait pas! Le monde était à moi, à nous !
Si l'on ne peut prédire ce qu'il va se passer à 8h en début du mois de juin, on peut tout au moins s'en souvenir... Je ne sais pas ce qui explique que l'on m'ait laissé tracer sur le sable mon message ce 5 juin 1944... Sans doute étais-je l'élément rassurant , celui qui rendait le lieu anodin, presque " normal"... Toujours est-il que le souvenir que j'ai tracé ce matin là, n'a jamais été lu .
Mon histoire n'a pas eu le temps de marquer le cœur de Perrine. Aujourd'hui, quand je repasse sur la pointe du Hoc , mon histoire se mêle à la grande Histoire... J'étais un enfant, et je me souviens. J'avais le cœur brisé.
Une très belle narration pour un bel élan d'amour, avec l'histoire en second et dernier plan...J'aime bien !
RépondreSupprimermerci Maryline!
SupprimerIl est vrai qu'en ce 5 juin 44, la mer agitée au propre comme au figuré ressemblait à une dalle de béton mouvante...
RépondreSupprimerLa mer agitée est bien la seule chose que je puisse réellement imaginer... le reste continue à sembler tellement inconcevable..
SupprimerUn texte émouvant qui colle bien à la réalité du moment.
RépondreSupprimerMerci Marité. ;-)
SupprimerLe métis normand/guadeloupéen, caennais de cœur à jamais, petit-fils de résistant(e)s et de déporté(e)s ne peut qu'applaudir cette "blue note" faisant face à l'Histoire avec une belle histoire humaine. Bravo, mapie ♥
RépondreSupprimerMerci Tiniak, la normande que je suis, est très touchée par ton commentaire ;-)
RépondreSupprimerComme il est beau ce texte est tellement évocateur du Débarquement, en lui donnant une touche émouvante d'amour. Et cette folle espérance de temps meilleurs…
RépondreSupprimerVraiment une réussite !
Merci beaucoup AlainX , cela me touche ;-)
SupprimerJe n'ai pas les mots, mais j'aime vraiment beaucoup ce texte comme une mise en abyme mêlant les "histoires".
RépondreSupprimerMerci ;-))
Supprimermagnifique et bouleversant ton texte mêlant l'histoire naïve et touchante sur fond de Grande Histoire !
RépondreSupprimerMerci Tissause. Les petites histoires dans la Grande Histoire me permettent d'imaginer l'inimaginable.
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