lundi 10 juin 2019

Andiamo - 14 ans et demi

Premier baiser.

Quatorze ans ! L'âge du certif' dans les années 50, l'âge où l'on donne sa collection de Spirou et ses "Dinky toys", aux cousins plus jeunes que soi, l'âge où les filles abandonnent les socquettes pour leur première paire de bas, l'âge où les garçons se lavent les dents avant de sortir le Dimanche, l'âge enfin où l'on quitte l'enfance, pour risquer un pas dans le monde fascinant des ados ! Et enfin l'âge où l'on commence à s'intéresser au sexe opposé... Opposé à quoi ou à qui, au fait ?

Vous souvenez-vous de votre première pelle, galoche, saucisse, gamelle, patin, etc., etc ? Moi, OUI !
Mais je soupçonne tout le monde de s'en souvenir, même ceux qui jouent les blasés, les repus, les "j'en ai rien à s'couer" !
La première fille que j'ai embrassé, vraiment j'veux dire (le palot quoi !), j'avais entre quatorze et quinze ans à la louche hein ? Pas en avance ? Dans les années cinquante, c'était pas si fastoche que ça, et puis t'as fait beaucoup mieux toi ?

Donc, ma première "fiancée", on l'appelait "Pépée", va savoir pourquoi ? C'était la frangine du beau-frère d'un copain, pas très grande, moi non plus à l'époque, brunette, frisée, pas très expansive, tout le contraire de moi, mais les extrêmes... dit-on...

Un dimanche, on avait rencard au cinéma "Le Prado", LE ciné chic de Drancy : fauteuils rembourrés partout, et surtout, le balcon !
Nous prenons nos places, on n'offrait pas l'entrée aux demoiselles, trop fauchés pour ça, juste de quoi payer notre ticket, et encore...
Nous nous installons, au balcon, dernier rang, le dos contre la cabine du projectionniste. Au-dessus, les rais de lumière, changeants, tourbillonnants, s'enchevêtrant dans une symphonie de couleurs, le film non-décrypté avant qu'il devienne visible sur l'écran !
Je me place à côté de Pépée... Première partie, les actus, dessins animés, documentaire, la préparation des rameurs pour la course Oxford-Cambridge ! Hyper bandant pour une mise en condition !
De temps en temps, un regard furtif sur ma voisine, guettant un encouragement, un sourire, une invite, un "vas-y-donc grosse bête !", un p'tit quelque chose qui me fasse penser : "ça y est, ça va être le grand jour, ELLE veut bien que je tente" !
Mais rien, une statue, un marbre, pas un cillement de paupières, pas un p'tit glissement qui l'aurait rapprochée de mon siège. Moi, je ne pouvais pas me serrer davantage, plus et je pétais l'accoudoir !

L'entracte.... Et je n'avais toujours rien fait ! Les potes, qui bien sûr nous mataient, se foutaient de ma gueule : "Ouais, tu t'déballonnes, tu flippes, les foies, et tout, et tout".
Je crois bien que ce jour là passait "Thérèse Raquin" de Marcel Carné, avec Simone Signoret, Raf Vallone (tu sais le mec qui ressemblait à Burt Lancaster,et non pas Brut Lancastré !), Jacques Duby, etc.
Le film commence, j'aurais bien voulu qu'il soit déjà terminé, je n'en menais pas large, pourquoi fallait-il que ce soit toujours les garçons qui prennent l'initiative ? Aujourd'hui, si un mec plaît à une nana, elle est capable de lui faire du rentre-dedans ! Autrefois, lapuche, nada, et elles qui nous croyaient vachement courageux, entreprenants même, tu crois qu'elles se rendaient compte que l'on pétochait grave ? Dis, tu crois ?

Je me rapproche, pas fier, j'en mène pas large, j'ai l'bigorneau qui frémit même pas ! Je sens bien que mes copains me guettent, j'entends leurs ricanements à la con, les coups d'coude, l'air faussement détaché du greffier qui vient de lâcher une pêche sous le buffet, et qui se tire en loucedé, innocent, faux-cul, sournois, et j'en passe...
Puis, hardi, je passe mon bras, le gauche, sur son épaule, elle ne moufte pas, mais ne tente pas un rapprochement non plus, faut que j'fasse tout, bordel, comme dans la vie (vont pas être contentes, tant pis !). Je me liquéfie, je transpire, je ruisselle, faut y aller, ne pas se dégonfler, je penche ma tête vers elle, elle ne tourne même pas la sienne ! Pas coopérative, c'est plus de la pudeur, c'est carrément la mise à l'épreuve, le parcours du combattant, les trois jours des anciens appelés du contingent, l'épreuve initiatique des tribus primitives !
Je me suis encore approché, je peux sentir son parfum, un truc léger, de la lavande peut-être ? Le genre "sent-bon" que l'on mettait aux bébés. Ça me fait tout drôle, je n'ai jamais ressenti ça auparavant, cette peur, et à la fois l'envie d'aller plus loin ! Un bisou furtif sur la joue, le baiser "papillon", comme sa peau est douce ! TOC, TOC, dans ma poitrine. Y'a dix minutes, j'roulais ma caisse devant les potes ! Putain, il est moins fier le garenne !

Alors je me penche davantage, incline la tête, nos bouches se touchent enfin...

Et, tout à coup, la fougue, nos dents se heurtent (ben oui, on savait pô, t'as été plus malin toi ?). A quinze ans, les dents sont solides ! Et puis, c'est la galoche, l'éléphant bleu, le car-wash, la douche haute-pression, la glotte karchérisée ! Putain, le détartrage ! Plus un morceau d'ragoût dans les chailles, les amygdales explorées à donf, c'est niagaresque ! On bave partout, on sait pas, ça dégouline, mais tellement merveilleux !
Ça y est, je l'ai fait, j'manque d'air, je suffoque, elle aussi sûrement, mais on ne veut pas lâcher le morceau, c'est trop bon, trop bon!. Et puis, tout en bas de moi, mon bonheur qui grandit, qui grandit…




16 commentaires:

  1. vegas sur sarthe10 juin 2019 à 19:10

    On s'y croirait ! Et ton petit crobard ressemble à Marie Laforêt, non ?

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    1. Je referais bien un p'tit tour du côté du Prado !
      Oui c'est la belle Marie, magnifique visage, sans doute l'un des plus beau à mon sens. ];-D

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  2. je me souviens bien que ce thème du "Premier baiser" était une des tes propositions de thème :)

    quelle fougue en tout cas !
    une conclusion en apothéose :)

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    1. Tisseuse : oui j'avais proposé ce thème, j'imaginais des textes plus hilarants les uns que les autres !
      La faim de baisers avait justifié tous mes moyens ! ];-D

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  3. relis le passage où Julien Sorel ose enfin prendre la main de madame de Rênal et tu verras que malgré ses 18 ans il est bien moins dégourdi que toi à 14 ou 15 ;-)

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    1. Adrienne : Autres temps... Quatorze ans c'est aussi l'âge où j'ai pris le métro seul, et puis j'ai toujours beaucoup aimé les Dames. ];-D

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  4. laura vanel-coytte12 juin 2019 à 07:19

    premiers baisers... échangés

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    1. Laura : Même chez les garçons il laisse un doux souvenir ];-D

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  5. Tu as une façon de raconter qui me fais toujours sourire ! Merci pour ta bonne humeur communicative !

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    1. Maryline : Merci, et si je te fais sourire, j'en suis ravi, de ma vie déjà longue, je préfère garder QUE les bons souvenirs. ];-D

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  6. La patine du patin.
    Souvenirs intacts !

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  7. Sacré Andiamo : souvenir intact, raconté avec une telle verve ! J'en raffole de tes textes polissons. Mais là, tout de même tu n'en menais pas large hein ?
    Bien sûr, on se rendait bien compte,nous les filles, que vous osiez à peine. Mais on attendait de vous, les garçons que vous fassiez les premiers pas. Et je crois que ça nous faisait bien marrer...

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    1. Marité : Bien sûr je"flippais grave" comme disent les d'jeuns ! Mais je pense (et peu d'hommes l'avoueront) que le jour de notre premier baiser, nous n'en menions pas large ! ];-D

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  8. Oh la la c'est formidable comme tes souvenirs sont restés intacts...
    Jusqu'aux petits détails peu ragoûtants, mais qui donnent tellement de sel à la chose !
    Bref, que celui qui n'a jamais roulé des patins au cinoche te jette la première cacahuète!
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    1. Célestine : la première fille qu'on a pris dans ses bras, Brassens l'a si bien chanté cet hymne au patinage artistique!
      Plus tard, de lèvres en lèvres, de quais en quais, de ponts en ponts il y a des baisers que l'on n'oubliera jamais... ];-D

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