samedi 22 juin 2019

Bricabrac - 14 ans et demi


Étoiles



Le samedi, il n’y a pas grand-chose à faire dans le coin à 14 ans et demi. On prend nos mobylettes et on file au stade municipal tirer des penalties. Quand il y en a marre, on va traîner sur le parking du cinéma L’Étoile, on achète dans le hall un cornet géant de pop-corn, qu’on picore en regardant les photos des stars sur les affiches. C’est pour ça que tout le monde nous appelle la bande des cinés.

Je ne me rappelle plus lequel d’entre nous, ce jour-là, a proposé d’aller faire un tour au club d’astronomie, qui organisait une journée portes ouvertes à la salle polyvalente, ni à la suite de quels palabres nous convînmes que l’idée n’était pas naze. La nuit commençait à tomber. L’animateur nous a installés autour d’un des télescopes posés sur la pelouse. « La première chose, dit-il, c’est de se familiariser avec le matériel. Je reviens vous voir. »

On a trouvé facilement comment ça marche. Au point qu’il nous a fallu moins d’un quart d’heure pour faire une découverte. La science sert à ça, avons-nous pensé avec fatalisme, mais quelle découverte ! Des astres blancs avec un cœur jaune en fusion, dans un nébuleux fouillis de queues de comète agitées par le vent interstellaire, sur lesquelles s’affairaient des extraterrestres à la tête rousse, avec un ventre noir et le thorax rouge brique. « Hé, venez voir, chef. »

Il a collé son œil une nanoseconde, sans paraître impressionné. Ou alors il était vexé, parce que la nouvelle galaxie ne porterait pas son nom. Mais il s’est quand même rattrapé, tout en essayant de nous en mettre plein la vue avec des mots savants. « Vous êtes fortiches, a-t-il concédé. Avec leurs tiges pubérulentes et ces feuilles lancéolées, vous êtes tombés sur des stellaires holostées, qu’on appelle aussi langues d’oiseaux. »

L’un de nous a demandé timidement si on pouvait savoir à combien d’années-lumière c’était. Cette fois, il a ri. Il nous a montré le viseur, à l’autre bout du télescope. « C’est de ce côté-ci qu’il faut regarder, les gars. Et faites attention à ne pas vous laisser bouffer, c’est plein de fourmis rouges dans l’herbe », a-t-il dit en s’éloignant.

6 commentaires:

  1. Chouette de te relire pour ces dernières semaines 😊
    Avec un texte qui fleure bon les explorateurs en herbe, genre "Arthur et les minimoys"

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  2. Merci Tisseuse pour cette double lecture des "explorateurs en herbe(s)". Microcosmos et lignes fractales

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  3. Par le petit bout...
    Par le petit bout...
    De la lorgnette !
    Tu aurais pu tomber sur une Epeire diadème comme dans "l'étoile mystérieuse" ! ];-D

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  4. Mais tu as raison, moussaillon. Tonnerre de Brest, j'y retourne

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  5. Ah l'astronomie...tu sais bien que c'est ma passion. Tu me prends par les sentiments, là.
    Même le cinéma s'appelle l'Etoile...
    Ravie de te revoir... ;-)
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  6. Ouh la la, j'ai capté l'attention d'une star

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