mardi 4 juin 2019

Maryline 18 - C'était donc 8h du matin

Coquelicots, campanules, etc.

C'était donc huit heures du matin, au début du mois de juin. Sur le chemin des collines, sous le soleil encore timide, les coquelicots s'éveillaient, déployaient leurs pétales flamboyants. En jupettes pourpre, sur leurs longues tiges, fièrement dressés, ils s'étiraient et se balançaient, caressés par un vent léger.
Rosaline, s'était levé tôt pour aller remplir ses panier d'osier. Ce matin, le bleu du ciel semblait s'être échoué à ses pieds. Quelle merveille, ce tapis de campanules, comme tombées de l'azur en centaines d'étoiles bleuies ! Elle y cueillait les fleurs avec précaution. Elle y ajouterait de belles tiges de lavande et quelques beaux cornets de gentiane ondulés.
La rosée s'était déjà évaporée, la journée s'annonçait chaude. Avant de garnir son deuxième panier, celui réservé aux herbes médicinales et aux baies, elle s'offrit une pause. Assise au milieu des oeillets et de l'ail sauvage, elle mordit dans son pain garni d'un fromage de chèvre fondant. Un curieux papillon s'approcha alors et s'éleva aussitôt. Il tournoyait au dessus de sa tête. Ses ailes noires intriguèrent la jeune femme. Voulait-il lui faire découvrir d'autres senteurs ? Il partit et revint près d'elle, comme pour l'inviter à une promenade impromptu.
Aussitôt rassasiée, elle le suivit, insouciante, mais il s'arrêta brusquement devant la grotte, celle où résidait Madame Nezcrochu, la sorcière aux maléfices tant redoutés depuis des lustres. Une forme presque inhumaine, puante et récitant des litanies incompréhensibles, à chaque rencontre fortuite.
Rosaline recula d'un pas, tituba et se cogna sur la sorcière qui ricana en constatant sa peur. Son front ruisselait et son coeur battait à lui rompre la poitrine. Elle crut un instant s'évanouir.
-Que lui voulait-elle ?
L'oeil malicieux et perçant, la sorcière s'approcha. Rosaline sentit l'odeur forte de son haleine écoeurante. Elle ferma les yeux de peur de croiser son regard noir.
-Bonjour ma belle, je t'attendais ! Hi, Hi, Hi...!
Sa voix rocailleuse glaça instantanément son sang. Son rire rebondit en échos sur les flancs des collines alentour. Elle en fut comme paralysée, de longues minutes.
-J'ai une bonne nouvelle pour toi ma belle...Un oiseau de toute beauté se posera sur ton panier et picorera ta plus belle fraise !  Son chant t'ensorcellera, Hi, Hi, Hi...! Grace à lui, tu seras riche !
Etonnée par la teneur de la prédiction qui semblait être plutôt de bon augure, Rosaline retrouva la force de déguerpir. Elle laissa tomber de nombreuses fleurs dans sa fuite. Il lui fallait maintenant, en cueillir d'autres pour confectionner les bouquets qu'elle vendrait bientôt au marché. Retrouvant peu-à-peu son calme, elle pensa à ramasser de la joubarde pour se protéger des maléfices que Nezcrochu aurait put chuchoter dans son dos.
Des fraises, la sorcière avait bien parlé de fraises...Il lui fallait en trouver de toute urgence ! Rien de plus facile, elle connaissait les coins aux framboises et aux baies de genévriers, elle trouverait bien quelques fraisiers sauvages ! Il lui fallait aussi du plantain, pour ses graines recherchées et ses feuilles au subtil goût de champignon, et aussi du raifort, de la menthe, de la citronnelle, quelques orties et des fleurs de camomille.
Elle se sentait dans son élément, tout occupée à sa cueillette.
Les fraises étaient succulentes...Mais comment reconnaîtrait-elle l'oiseau fabuleux, celui qui la rendrait riche ? Un oiseau ne possédait aucune fortune, si ce n'est celle, évidente, de la liberté ! Voulait-elle parler d'une autre forme de richesse ?  Une belle énergie guidait ses gestes et accompagnait ses réflexions.
De retour au village, alors qu'elle disposait ses compositions florales et ses herbes aromatiques sur un tapis de fougères séchées, elle leva plus d'une fois le nez en l'air pour surveiller l'arrivée, à tire-d'aile, d'un mystérieux oiseau. Elle l'imaginait assez grand, avec des plumes multicolores et une certaine élégance en vol. Sur une belle assiette, elle déposa l'offrande rouge et sucrée.
Pendant toute la saison des fraises, elle recommença. Puis vint celle des cerises et puis celle des mirabelles. A chaque fois elle disposait les plus beaux fruits dans l'assiette. Toutes sortes d'oiseaux arrivaient pour s'en régaler, en échange de remerciements sifflotées. Ainsi atterrissaient sur le tapis de fougères : perdrix, pic verts, mésanges, tourterelles, pies bavardes...  
Elle ne prit conscience, que des semaines plus tard, de la nature de cette nouvelle richesse. Chaque jour, elle espérait cet oiseau merveilleux. Chaque matin elle se levait, le coeur en fête, et mettait tout son amour à choisir les plus beaux fruits, en pensant à cette rencontre.
Cette vieille et laide sorcière avait allumé en elle l'étincelle de l'espoir.
Tous les oiseaux, aussi communs soient-ils étaient devenus ses amis, elle n'était plus seule à présent...Ils l'accompagnaient maintenant dans les forêts, à la recherche de champignons et de noisettes.
En secret, elle continuait à regarder quand même le ciel...

10 commentaires:

  1. Un joli conte pour petits (et grands) enfants. ];-D

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  2. Merci Andiamo ! Il n'y a pas d'âge pour aimer les contes, moi je redeviens une toute petite fille dès que j'en lis un :)

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  3. vegas sur sarthe5 juin 2019 à 17:54

    Chouette ! Un joli conte plein d'espoir… on en manquait justement :)

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  4. Je me donne du mal...j'espère bien que l'espoir qu'il contient sera contagieux ! :), merci Végas !

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  5. Je ne peux qu'ajouter mon compliment à ceux d'Andiamo et Vegas : un fort joli conte Maryline qui enchanterait les enfants (tout le monde sait qu'ils adorent les vilaines sorcières au nez crochu et les oiseaux merveilleux)
    J'ai beaucoup aimé : "un oiseau ne possède aucune fortune si ce n'est celle de la liberté" et je me permets d'y adjoindre : et quelle fortune inestimable que la liberté pour les oiseaux et les hommes !

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  6. Merci Marité, écrire un conte n'est pas un exercice facile...il faut transmettre le message souhaité de belle façon, en restant cohérent ! Ton commentaire m'encourage à recommencer !Pour rebondir sur ce que tu as ajouté fort à propos, certaines libertés riment malheureusement avec de grandes solitudes pour les hommes...

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  7. C'est beau et doux comme une histoire dite au chevet d'un enfant. Merci, maryline ♥

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  8. Merci à toi, ton commentaire me touche !

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  9. Voici un conte qui invite chacun à regarder le ciel au cas où... Un joli conte philosophique, merci ! ;-)

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