Coquelicots, campanules, etc.
C'était donc huit heures du matin, au début du
mois de juin. Sur le chemin des collines, sous le soleil encore timide, les
coquelicots s'éveillaient, déployaient leurs pétales flamboyants. En jupettes
pourpre, sur leurs longues tiges, fièrement dressés, ils s'étiraient et se
balançaient, caressés par un vent léger.
Rosaline, s'était levé tôt pour aller remplir
ses panier d'osier. Ce matin, le bleu du ciel semblait s'être échoué à ses
pieds. Quelle merveille, ce tapis de campanules, comme tombées de l'azur en
centaines d'étoiles bleuies ! Elle y cueillait les fleurs avec précaution. Elle
y ajouterait de belles tiges de lavande et quelques beaux cornets de gentiane
ondulés.
La rosée s'était déjà évaporée, la journée
s'annonçait chaude. Avant de garnir son deuxième panier, celui réservé aux
herbes médicinales et aux baies, elle s'offrit une pause. Assise au milieu des
oeillets et de l'ail sauvage, elle mordit dans son pain garni d'un fromage de
chèvre fondant. Un curieux papillon s'approcha alors et s'éleva aussitôt. Il
tournoyait au dessus de sa tête. Ses ailes noires intriguèrent la jeune femme.
Voulait-il lui faire découvrir d'autres senteurs ? Il partit et revint près d'elle,
comme pour l'inviter à une promenade impromptu.
Aussitôt rassasiée, elle le suivit,
insouciante, mais il s'arrêta brusquement devant la grotte, celle où résidait
Madame Nezcrochu, la sorcière aux maléfices tant redoutés depuis des lustres.
Une forme presque inhumaine, puante et récitant des litanies incompréhensibles,
à chaque rencontre fortuite.
Rosaline recula d'un pas, tituba et se cogna
sur la sorcière qui ricana en constatant sa peur. Son front ruisselait et son
coeur battait à lui rompre la poitrine. Elle crut un instant s'évanouir.
-Que lui voulait-elle ?
L'oeil malicieux et perçant, la sorcière
s'approcha. Rosaline sentit l'odeur forte de son haleine écoeurante. Elle ferma
les yeux de peur de croiser son regard noir.
-Bonjour ma belle, je t'attendais ! Hi, Hi,
Hi...!
Sa voix rocailleuse glaça instantanément son
sang. Son rire rebondit en échos sur les flancs des collines alentour. Elle en
fut comme paralysée, de longues minutes.
-J'ai une bonne nouvelle pour toi ma
belle...Un oiseau de toute beauté se posera sur ton panier et picorera ta plus
belle fraise ! Son chant t'ensorcellera,
Hi, Hi, Hi...! Grace à lui, tu seras riche !
Etonnée par la teneur de la prédiction qui
semblait être plutôt de bon augure, Rosaline retrouva la force de déguerpir.
Elle laissa tomber de nombreuses fleurs dans sa fuite. Il lui fallait
maintenant, en cueillir d'autres pour confectionner les bouquets qu'elle
vendrait bientôt au marché. Retrouvant peu-à-peu son calme, elle pensa à
ramasser de la joubarde pour se protéger des maléfices que Nezcrochu aurait put
chuchoter dans son dos.
Des fraises, la sorcière avait bien parlé de
fraises...Il lui fallait en trouver de toute urgence ! Rien de plus facile,
elle connaissait les coins aux framboises et aux baies de genévriers, elle
trouverait bien quelques fraisiers sauvages ! Il lui fallait aussi du plantain,
pour ses graines recherchées et ses feuilles au subtil goût de champignon, et
aussi du raifort, de la menthe, de la citronnelle, quelques orties et des
fleurs de camomille.
Elle se sentait dans son élément, tout occupée
à sa cueillette.
Les fraises étaient succulentes...Mais comment
reconnaîtrait-elle l'oiseau fabuleux, celui qui la rendrait riche ? Un oiseau
ne possédait aucune fortune, si ce n'est celle, évidente, de la liberté !
Voulait-elle parler d'une autre forme de richesse ? Une belle énergie guidait ses gestes et
accompagnait ses réflexions.
De retour au village, alors qu'elle disposait
ses compositions florales et ses herbes aromatiques sur un tapis de fougères
séchées, elle leva plus d'une fois le nez en l'air pour surveiller l'arrivée, à
tire-d'aile, d'un mystérieux oiseau. Elle l'imaginait assez grand, avec des
plumes multicolores et une certaine élégance en vol. Sur une belle assiette,
elle déposa l'offrande rouge et sucrée.
Pendant toute la saison des fraises, elle
recommença. Puis vint celle des cerises et puis celle des mirabelles. A chaque
fois elle disposait les plus beaux fruits dans l'assiette. Toutes sortes
d'oiseaux arrivaient pour s'en régaler, en échange de remerciements sifflotées.
Ainsi atterrissaient sur le tapis de fougères : perdrix, pic verts, mésanges,
tourterelles, pies bavardes...
Elle ne prit conscience, que des semaines plus
tard, de la nature de cette nouvelle richesse. Chaque jour, elle espérait cet
oiseau merveilleux. Chaque matin elle se levait, le coeur en fête, et mettait
tout son amour à choisir les plus beaux fruits, en pensant à cette rencontre.
Cette vieille et laide sorcière avait allumé en elle l'étincelle de l'espoir.
Tous les oiseaux, aussi communs soient-ils
étaient devenus ses amis, elle n'était plus seule à présent...Ils
l'accompagnaient maintenant dans les forêts, à la recherche de champignons et
de noisettes.
En secret, elle continuait à regarder quand
même le ciel...
Un joli conte pour petits (et grands) enfants. ];-D
RépondreSupprimerMerci Andiamo ! Il n'y a pas d'âge pour aimer les contes, moi je redeviens une toute petite fille dès que j'en lis un :)
RépondreSupprimerChouette ! Un joli conte plein d'espoir… on en manquait justement :)
RépondreSupprimerJe me donne du mal...j'espère bien que l'espoir qu'il contient sera contagieux ! :), merci Végas !
RépondreSupprimerJe ne peux qu'ajouter mon compliment à ceux d'Andiamo et Vegas : un fort joli conte Maryline qui enchanterait les enfants (tout le monde sait qu'ils adorent les vilaines sorcières au nez crochu et les oiseaux merveilleux)
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé : "un oiseau ne possède aucune fortune si ce n'est celle de la liberté" et je me permets d'y adjoindre : et quelle fortune inestimable que la liberté pour les oiseaux et les hommes !
Merci Marité, écrire un conte n'est pas un exercice facile...il faut transmettre le message souhaité de belle façon, en restant cohérent ! Ton commentaire m'encourage à recommencer !Pour rebondir sur ce que tu as ajouté fort à propos, certaines libertés riment malheureusement avec de grandes solitudes pour les hommes...
RépondreSupprimerC'est beau et doux comme une histoire dite au chevet d'un enfant. Merci, maryline ♥
RépondreSupprimerMerci à toi, ton commentaire me touche !
RépondreSupprimerVoici un conte qui invite chacun à regarder le ciel au cas où... Un joli conte philosophique, merci ! ;-)
RépondreSupprimerUn grand merci Mapie !
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