Les fleurs séchées.
Pas facile, votre taf[1],
messieurs de Larousse.
Non, je ne m'adresse pas à
vous, fins limiers (en existerait-il de
grossiers ?) de la police secrète, mais à vous qui semez à tout vent, vous,
doctes Laroussiens qui devez décider chaque année de qui va entrer dans vos
pages, ou pire, en sortir (comment se résoudre à jeter les fleurs séchées qui y
gisent ?), tels d'impitoyables césars[2] :
pouce en haut, pouce en bas, like2, pas like, vie ou mort…
Encore que de telles
révolutions permanentes[3]
perturbent probablement plus les scrabbleurs[4] que
nos écoliers.
Eux savent bien qu'il
suffit de demander tout ce qu'on veut, même la dernière dissert toute faite, à
Mr Google, le nouveau génie de la lampe, vu que tout est emmagasiné dans ses
data, comme les traces du vivant depuis la nuit des temps dans les sédiments, la
vase, la glace ou l'ambre.
Tout, oui, même les fleurs
séchées qui soupirent dans la corbeille à papiers, le délicieux gourgandine,
le si précis brouée[5]
largement aussi indispensables que biloute2 !
Biloute ! un petit accès de
démagogie ? pour montrer que vous avez l'esprit cool, mes.sieurs.dames qui
semez à tout vent …
Rien que cette entrée
aurait mérité un referendum, une votation, de même que la survie de l'accent
circonflexe, qui peut mettre en ébullition les réseaux sociaux quand l'actualité
est un peu vide.
On sait bien que vous ne
faites qu'entériner des usages, du moins en principe, car qui, en dehors des
spécialistes pointus, emploie couramment le mot akathisie[6], par
exemple ?
Dans le silence de la
mer, l'officier
allemand occupant se livre, soir après soir, à de longs monologues face à la
jeune fille et son grand père mutiques contraints de l'héberger. Un jour il dit
:
Les Anglais, on pense aussitôt : Shakespeare. Les Italiens
: Dante. L'Espagne : Cervantès. Et nous, tout de suite : Goethe. Après, il faut
chercher. Mais si on dit : et la France ? Alors, qui surgit à l'instant ?
Molière ? Racine ? Hugo ? Voltaire ? Rabelais ? ou quel autre, ils se pressent,
ils sont comme une foule à l'entrée d'un théâtre, on ne sait pas qui faire
entrer d'abord...
Mais pour la musique, alors c'est chez nous : Bach,
Haendel, Beethoven, Wagner, Mozart... Quel nom vient le premier ? [7]
Nous serions le verbe, et eux l'émotion ? Clichés,
bien sur ! mais il n'y a pas de fumée sans feu, toutes les Anglaises ne
sont-elles pas rousses ?
Et puis quand même, que dire (sinon laisser les
mauvais esprits évoquer les capillotracteurs et autre sodomiseurs de diptères),
que dire d'une langue qui a un mot précis (épanode)
pour désigner “la répétition de groupes de mots qui semblent fonctionner de
manière autonome alors que la poursuite du texte montre que ces termes étaient
en réalité les annonces d’un développement dont ils constituent les éléments”
?
Alors qu'elle ne sait pas traduire
des mots absolument essentiels comme Waldeinsamkeit (Allemand) l’harmonie avec la nature éprouvée quand on
se promène seul en forêt, Komorebi (Japonais) la lumière du soleil qui passe entre les feuilles des arbres, Yakamoz
(Turc), le reflet de la lune sur la mer, Schadenfreude
(Allemand) sentiment de plaisir ressenti
lorsqu’il arrive une tuile à une personne qu’on déteste.
Trêve de chipotages, dit Beaumarchais
: chez nous, tout finit par des chansons, C'est
une langue belle à qui sait la défendre, elle offre les trésors de richesses
infinies, les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre, et la
force qu'il faut pour vivre en harmonie[8]
[1]
Entrée dans le Larousse 2005 (source https://orthogrenoble.net/mots-nouveaux-dictionnaires/mots-entres-petit-robert-puis-petit-larousse/= )
[2]
Césarisé, liker, biloute entrées 2019
[4]
Pourquoi il est pas rentré, celui-là ?
[5]
Pluie subite et courte
[6] Entrée 2012. Impossibilité de rester assis,
presque exclusivement employé pour désigner un effet secondaire des traitements
neuroleptiques
[7]
Pour la philo, sans doute balle au centre
Sans chipotage : excellentissime ☺
RépondreSupprimerBeau travail de recherche Emma, j'ai retrouvé un vieux mot d'argot, ce mot s'était niché dans les tréfonds de ma pauvre cervelle, je te le livre Emma, cherche sa signification, avec internènette ça ne devrait pas être trop difficile : MOUJINGUE.
RépondreSupprimerQuoi de plus beau qu'un vieux Larousse pour y conserver précieusement ses fleurs séchées
RépondreSupprimerc'est capital de garder certaines vieilles éditions !
RépondreSupprimerc'est édifiant pour les nouvelles générations : ma fille a ainsi pu constater qu'on n'y trouvait pas les mêmes mots !!!!
C'est carrément un article d'encyclopédie que tu nous offres là !
RépondreSupprimerA nous d'inventer aussi ce qui manque : Pour la Schadenfreude je propose le "bienfaitpoursatronche" ! ;-)
Tu es un dictionnaire à toi toute seule Emma. ;-)
RépondreSupprimerIl est des mots comme des gens : ils s'en vont mourir pour faire de la place...
Parmi les mots désuets qui ne sont plus dans le Larousse j'aime : baliverner, nigauder, gaminer...parce qu'ils parlent d'eux-mêmes et ont un air de parenté et sont légers.
D'ailleurs, cela pourrait faire un thème d'écriture ici : un texte où l'on n'emploierait que des mots inusités. Je dis ça...
Merci pour cette leçon, courte mais intéressante ! (Je me souviens de la grand-mère d'une amie qui aimait beaucoup employer le délicieux " gourgandine " ;-) !!!)
RépondreSupprimerRiche patchwork ! 'vais peut-être remettre ma tartiflette pour demain, tiens ;) Bravi !
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