On
a braqué le singe qui lit
« Ça
c'est passé où ? » demanda l'inspecteur La Bavure, le
téléphone rivé à l'oreille.
« Au
6 Place du Tertre... à Montmartre, chef » répondit Ouatson
« vous verriez le foutoir... »
La
Bavure ne tenait pas à voir le foutoir, il voulait juste qu'on mette
les pognes sur les ouistitis qui l'avaient contraint à sortir du lit
en pleine nuit.
Il
repoussa la couette sur le fessier callipyge de Ouatelse qui ronflait
comme
une toupie. Personne ne devait savoir au 36 Quai des Oeufs Frais que
le chef couchait avec sa subordonnée.
La
Bavure connaissait bien la boutique haute en couleurs, mi bric-à-brac
mi brocante, mi librairie. Il s'ébroua au bord du lit ; oui, ça
faisait beaucoup de mi mais l'extravagance d'Emile Boyer, son
propriétaire au temps des années folles – fils de chiffonnier,
anarchiste, peintre et marchand de frites – ne le laissait pas
indifférent et il adorait flâner dans le quartier.
« Qu'est-ce
qui s'passe ? » marmonna Ouatelse sans même ouvrir les
yeux.
« On
a braqué Le singe qui lit » répondit La Bavure
« Rendors-toi »
« Au
zoo de Vincennes ? » lança t-elle en émergeant des
brumes de sa nuit.
La
Bavure soupira : « Non, à Montmartre »
Elle
lui tendit ses lèvres : « Y'a un zoo à Montmartre,
maint'nant ? »
« Rendors-toi »
se contenta t-il de dire et, résistant à la tentation il fila vers
la salle de bains.
« Vous
verriez le foutoir... » répétait Ouatson « tous les bouquins
en haut des étagères ont été bouffés... tout le reste est
intact... et y'a ni échelle ni escabeau... des monte-en-l'air chef,
des funambulistes ! »
Bien
que tout à fait réveillé La Bavure n'entravait rien à l'affaire.
Quel
taré avait bien pu grimper au plafond pour bouffer des bouquins ?
« Interrogez
les voisins du Singe qui lit, Ouatson» aboya La Bavure, agacé.
A
l'autre bout, ça bafouillait : « Euh... le singe Killy,
chef ? C'est qui ça ? »
La
Bavure soupira : « Ouvrez vos châsses Ouatson et lisez
l'enseigne... vous verrez que vous êtes à la librairie du Singe qui
lit... interrogez le voisinage et rappelez-moi»
« Si
c'est un singe qu'a fait l'coup, chef... sans doute qu'y cherchait un
magot » crut bon d'ironiser Ouatson.
La
Bavure s'apprêtait à exploser quand Ouatelse déboula dans la salle
de bains, vêtue de sa seule toison pubienne.
Il
lui jeta une serviette à la hâte et reprit : « C'est pas
une heure pour les calembours, Ouatson ! Y'a jamais eu d'singe
dans cette boutique »
Mutine,
Ouatelse lui renvoya la serviette au visage.
« Ni
gorille, ni chimpanzé, ni orang-outan, ni macaque, c'est clair ?
» tonna t-il en repoussant fermement Ouatelse.
Elle
eut une moue de dépit et reprit le chemin de la chambre en ondulant
des hanches.
La
Bavure transpirait : « Pour votre gouverne Ouatson,
autrefois les compagnons typographes étaient surnommés les singes
et il se trouve que le proprio était typo, compris ? »
Ouatelse
s'était retournée : « J'ai une copine qu'adore les
bouquins, elle dévore tout c'qu'elle trouve... alors, pas étonnant
que votre type ait tout bouffé »
Sur
ce postulat tout féminin La Bavure referma la porte de la salle de
bains.
Ouatson
avait cru percevoir une voix féminine : «Vous n'êtes pas
seul, chef ? »
La
Bavure toussa : «Bien sûr que si. Vous avez autre chose,
Ouatson ? »
« Euh...
oui chef, notre ouistiti a bouffé tout l'rayon des D... »
« Quel
rayon Dédé ? Gide, Malraux ?»
« Le
rayon des D, chef... de Darwin à Dutourd»
La
Bavure soupira : « Darwin... décidément on est cernés
par les singes ! »
« Viens
te coucher mon biquet» geignait Ouatelse
Finalement
qu'importait qu'un macaque ait dévoré Charles et sa théorie sur
l'évolution des espèces, qu'importait que l'homme descende du singe
ou la femme de la babouine, La Bavure – dit mon biquet – succomba
à la seconde sommation... pourvu qu'au 36 on ignore sa relation.
L'homme descend du singe annonça Charles d'une voix sentencieuse, et le singe de l'arbre crut bon d'ajouter son adjoint (de culasse).
RépondreSupprimerOui 100 lignes pour demain Végas ?
:))
SupprimerAh bien joué.
RépondreSupprimerDélirium pas très mince !
La vache qui rit
le signe qui lit
cochon qui s'en dédit!
T'es pas un peu resté en garde à vue dans l'enquête du notaire ? ;-)
Je ne savais pas que les compagnons typographes portaient le surnom de singe.
RépondreSupprimerJe ne l'entends plus aujourd'hui mais il y a quelques années il était fréquent que les ouvriers appellent leur patron le singe. D'ailleurs, j'ai failli partir sur cette idée mais l'aventure de ma copine à Bali m'a davantage inspirée. CQFD.
j'aime beaucoup les enquêtes de tes détectives
RépondreSupprimerc'est un feuilleton désopilant, et qui a du singe...heu, du chien :)
Hé ! Hé ! C'est toujours sympa de retrouver tes macaqueries au jus de poulaille. Bravo !
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