vendredi 30 novembre 2018

Panserbjorner - Le chemin de l'école


Sur le chemin de l’école.

Ce matin, le chemin de l’école a un goût amer.
Nous sommes le 21 novembre 2018. Hier, c’était la journée Internationale des Droits de l’Enfant. Je le sais parce qu’on en a parlé à l’école. Ça fait soixante quatre ans que la Convention relative aux Droits de l’Enfant a été signée. Puis sont arrivées la Déclaration Internationale des Droits de l’Enfant. Puis la Convention de Genève il y a vingt neuf ans… J’ai appris que la plupart des pays du monde avaient signé cet accord garantissant un minimum de droits aux enfants. Ça m’a bien fait rire moi, parce que chez moi, en France, chacun de mes droits est respecté. Je ne voyais pas l’intérêt de faire tous ces textes.

Et puis j’ai compris.

Le soir, à la télévision, ils ont parlé aussi de cette journée des droits de l’enfant. Mais ils ne disaient pas la même chose que ce que le maître nous avait dit. Enfin, c’était pas vraiment pareil. Ils ont montré des vidéos d’enfants des quatre coins du monde. Ils avaient le même âge que moi. Ou presque. Mais ils n’étaient pas comme moi. Pas les mêmes vêtements, pas les mêmes maisons, pas les mêmes vies… J’étais si différent d’eux. Eux, ils vont pour certains dans des écoles qui coûtent si cher que leurs parents doivent faire des prêts à la banque pour les scolariser. Moi, mon école est gratuite. Et puis il y en a d’autres qui doivent faire des dizaines de kilomètres pour aller à l’école. A pieds. Pieds nus parfois. Alors que moi je râle tous les matins pour faire les 900 mètres qui séparent ma maison de mon école. Et puis il y a des classes où il n’y a que des garçons,… Et d’autres où il y a plus de quarante élèves. D’autres où il n’y a même pas de classe, juste un rassemblement d’enfants sur un bateau, ou sous un arbre… Mais ça me rassurait quand même ! Tous les enfants du monde entier avaient accès à l’école ! Comme ce qui était écrit dans les Droits de l’Enfant !

Enfin, ça, c’était avant que je ne regarde les informations après.

Il paraît qu’il y a 265 millions d’enfants dans le monde qui ne peuvent pas aller à l’école. Et 250 millions qui subissent directement les conséquences de conflits ou de guerre. Je ne sais même pas combien de zéros il faut mettre pour écrire millions en chiffres… Ça fait beaucoup, c’est sûr…
Après ce petit reportage, on a vu un monsieur en costume se féliciter d’avoir vendu « de l’armement à l’export »… J’ai regardé ma mère, j’avais pas compris de quoi il parlait. Maman m’a dit que c’était un ministre français, et qu’il avait vendu des armes à d’autres pays. Ça m’a fait pensé à mon correspondant égyptien, Mohad. Avec Maman, on lui écrit tous les mois, ou presque. On lui envoie des stylos et mes cahiers qui ne sont pas finis pour qu’il les utilise dans son école. C’est une association qui nous a proposé ça, un jour, dans la rue. Moi j’étais d’accord: avoir un copain à l’autre bout du monde, c’était le rêve pour moi… C’est après que j’ai appris qu’il était orphelin, parce qu’il y avait des « conflits » dans son pays.
D’un coup, j’ai eu mal au ventre… Je ne sais pas si Mohad est au courant que pendant que je l’aide à aller à l’école, les chefs de mon pays aident à continuer le conflit dans son pays, donc à faire perdre leurs parents à d’autres enfants peut être…

Pourtant la France a signé les droits des enfants… Et ça dit que les enfants doivent être protégés des conflits… Je ne comprends plus rien.

Et puis il y a eu ces images: des enfants si maigres, des enfants à qui il manquait des morceaux de main ou de jambe, d’autres avec des armes entre les mains. Des vraies, pour la vraie guerre, pas pour jouer… J’ai la tête qui tourne, pleine de questions. Pourquoi les chefs de la France vendent des armes à ces pays où il y a la guerre ? Pourquoi ils signent des papiers, des promesses, qu’ils ne tiennent pas ? J’ai posé la question à ma mère. Elle m’a répondu en souriant de toujours garder mon regard d’enfant sur le monde et de ne jamais me résigner…. J’ai pas compris le rapport avec ma question…

Alors ce matin, sur le chemin de l’école, j’ai une idée. Je vais proposer un truc au Président de la République: moi maintenant, je connais des chansons, des films, des émissions qui dénoncent toutes ces différences, ces injustices entre les enfants du monde. J’ai vu que les promesses faites il y a des années ne sont toujours pas tenues partout dans le monde. Alors je vais envoyer tout ça au Président, lui demander de tout regarder, de tout écouter. Après tout, il n’est peut être pas au courant de ce qu’il se passe pour les enfants. Lui, il est Président des adultes…
En attendant, je serre les lanières de mon cartable, je souffle un nuage de fumée à cause du froid, et je me hâte, fier de moi. J’avance d’un pas décidé vers la porte en bois massif au dessus de laquelle brillent les mots « liberté, égalité, fraternité » alors que résonne la sonnerie de début de la classe.

7 commentaires:

  1. une bonne idée qu'il a le p'tit bonhomme !
    je crois bien que les présidents du monde entier auraient bien besoin de retourner voir ce qui se passe dans les écoles de leurs pays... et pas pour y faire de la représentation devant les télés :(

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  2. La çonnerie résonne aussi sans la cédille… ceux qui n'ont pas accès à l'école et à l'orthographe ne comprendront pas, ce qui ne m'empêche pas de penser à eux
    .
    Merci d'avoir traité ce sujet grave de si belle manière, Panserbjorner

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  3. Tu fais bien de commencer tôt, petit, y a du boulot !

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  4. Bravo pour ton texte et poursuivons les parrainages d'enfants afin que tous aillent sur le chemin de l'école : Plan international France : https://www.plan-international.fr/

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  5. Si petit et la tête déjà si remplie. J'ai vu ces émissions impressionnantes où des gamins traversent la savane, les fleuves ou les montagnes pour rejoindre leurs écoles. Rétrospectivement, j'ai eu un peu honte d'avoir réclamé un vélo à mon père, parce que mon école était à cinq cents mètres...

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  6. C'est chouette, les gosses !
    Ce serait si simple d'avoir leur logique...
    Oui mais voilà.
    Merci pour ce beau texte vrai et plein d'espoir.
     •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  7. C'est dit avec beaucoup de simplicité et de vérité, car c'est dit à travers le regard et liberté d'esprit de l'enfant. Les adultes ont souvent à apprendre ou réapprendre des enfants.. ;-)

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