La garçonnière.
Le remue-ménage dans la
cuisine. Les casseroles valsent. Depuis que je suis rentré, elle me
regarde de travers. Qu'est-ce qui se passe ? Je sens que ça va
barder. Pourquoi ? That is the question. Une bricole qui l'a
foutue en rogne, un rien. Comme d'habitude. Mais j'ai
l'habitude. Ça lui passera. Ah, la voilà ! Nous y
sommes.
E - Dis-moi, Juju,
que fait cette clé dans ta poche de jean ?
L - Une clé ?
Quelle clé ? De quoi parles-tu ?
E - Cette clé qui
est tombée de ton pantalon.
Voilà qu'elle me fourre
cette satanée clé sous le nez. Et merde ! J'ai oublié de la
planquer dans le tiroir de mon bureau, au boulot. Qu'est-ce que je
vais lui dire ? Elle est là, l'œil soupçonneux à me scruter.
L - Montre-moi s'il te plaît. Non. Je ne
comprends pas. Elle n'est pas à moi. D'ailleurs, tu vois bien
qu'elle ne correspond à aucune porte de la maison.
E - Je ne te le fais pas dire ! Tu peux
m'expliquer ?
L - Je ne sais pas moi. Elle appartient sans
doute à un collègue et je l'ai ramassée par erreur.
E - Mon pauvre Juju ! Tu me prends pour une
bille ?
Eh bien, me voilà propre ! Elle devient
écarlate. Elle ne va pas tarder à piquer sa crise. Comment faire ?
L - Écoute bibiche.
Ce n'est pas ce que tu crois...
E - Je ne crois rien.
Je veux que tu m'expliques, c'est tout.
J'ai beau chercher. Je ne
sais pas comment m'en sortir. Pourtant, il ne faut pas qu'elle sache.
Pas encore. Je vais tenter un truc.
L - Ah, je me
souviens ! Que je suis bête. Roland m'a demandé la semaine
dernière de lui prêter mon taille-haie et de le déposer dans sa
remise à la campagne. J'ai oublié de lui rendre sa clé. Donne-la
moi, il faut absolument que je la lui remette demain.
E - Pas question. Tu
te payes ma tête, je le vois bien. Je te connais, tu ne sais pas
mentir. Je veux savoir ce que tu fais de cette clé. Tu me trompes,
c'est ça ? La clé ouvre un petit nid ? Eh bien, ou tu me
dis la vérité ou tu te casses, c'est clair ? D'ailleurs, tu
n'attends sûrement que ça.
L - N'importe quoi !
Tu m'insultes . Je ne t'ai jamais menti. Je t'aime et je ne veux
pas te perdre.
E - Paroles,
paroles...Vous êtes tous les mêmes. Vous ne pensez qu' à ce que
vous avez au dessous de la ceinture. J'ai arrêté de travailler pour
élever nos enfants. J'ai tenu la maison. Une esclave. Voilà ce que
j'ai été toutes ces années. Une esclave. Et maintenant, je
découvre que tu te paies une garçonnière pour recevoir tes p. Que
je suis malheureuse ! J'ai toujours été malheureuse en
définitive.
Ça y est : elle
sanglote. Je vais être obligé de lui dire. Zut et zut.
L - Tu ne crois pas
que tu exagères ? Malheureuse, toi ? Tu n'as jamais manqué
de rien. J'ai travaillé comme un fou pour toi et les enfants. Ils
font leur vie loin de nous aujourd'hui. On ne pourrait pas être un
peu tranquilles, tous les deux ? Ne gâche pas tout, je t'en
supplie.
E – Mais qui
gâches je te le demande ? Tu ne manques pas d'air. J'en ai
marre. Je vais me fiche à l'eau tiens !
Et ça déborde !
Après tout, je vais lui dire. Ce sera tant pis pour elle à la fin.
L - Bon. Tu
l'auras voulu. Suis-moi puisque nous en sommes là. Et n'oublie pas
la clé !
E - Tu n'aurais
pas l'audace de me montrer ton lupanar tout de même ? Ce serait
un comble.
L - Tu verras
bien. En voiture !
Je l'observe du coin de
l'œil. Elle se demande où je l'emmène. Je ne sais pas comment elle
va réagir. J'aurais tellement aimé lui faire la surprise au mois de
juin. Tant pis. Nous avons une quinzaine de kms à parcourir. Ah,
nous voilà arrivés. Elle regarde, éberluée.
L- Allez, viens.
Donne-moi la main.
E - Mais...mais c'est
la vieille maison dont nous rêvions pour le week-end ! Elle a
changé. Comme elle est belle ! Juju, je ne comprends pas. Que
faisons-nous ici ?
Nous traversons le petit
jardin encore en désordre, montons trois marches de pierre usées
par les années.
L - Maintenant,
ouvre cette porte. Oui. Avec ta clé. Je voulais attendre la date
anniversaire de nos 40 ans de mariage pour t'offrir cette petite
maison de campagne. Mais voilà. Ce sera un peu en avance mais quelle
importance après tout.
E - Oh Juju, mon
amour !
Voilà, comme quoi tous les hommes sont bons, les Dames nous méritent elles vraiment ?
RépondreSupprimerMais oui Andiamo : tous les hommes sont bons et les femmes sont soupçonneuses !
SupprimerUtiliser sa maison de campagne comme garçonnière, c'est gonflé :)
RépondreSupprimerMais non Vegas, ce n'est pas ça justement !
SupprimerJ'avais bien compris :))
SupprimerC'est surtout que le Juju, comme presque tous les hommes, ne se rappelait plus du tout de la date d'anniversaire de leur mariage, et que pour une fois, il a été sauvé par son amnésie.
RépondreSupprimerUne belle histoire d'amour !
RépondreSupprimerBon suspense 😉
RépondreSupprimerBelle idée bravo ☺
très jolie chute !
RépondreSupprimerSurprenant, mais bien trouvé, et la chute est belle en effet.
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