mardi 20 septembre 2016

Laura Vanel-Coytte - Traîtres mots

Les Faux-Saulniers
(de Gérard de Nerval, 1850)

Contrairement à ce qu’on peut penser, cette œuvre de mon écrivain préféré n’a pas grand-chose à voir avec le boutoué et l’univers de la saliculture. Cela peut sembler paradoxal car « Saulnier » est bel et bien un synonyme de « paludier » c’est-à dire celui qui récolte le sel. Les faux-Saulniers sont des trafiquants de sel. Le personnage principal de cette œuvre est le Valois, paysage, d’ailleurs, où se situent de nombreuses œuvres de Gérard de Nerval. Si vous ne connaissez pas ce territoire, il faut aller le découvrir entre la Picardie et l’Ile de France actuelles. Comme il y a beaucoup de cours d’eaux petits et grands, le paysage est celui du « vert paradis des amours enfantines » de Charles Baudelaire [1] et de Nerval, mes deux auteurs fétiches.

C’était il y a « seulement » 166 ans, une époque qui a beaucoup inspiré notre époque contemporaine, le début même, par bien des aspects de ce qu’on appelle le moderne par Baudelaire notamment. Cependant, dans la campagne, on ne songeait pas encore à motoculter.
L’enquête que Nerval mène dans ce récit le mène de Paris à Senlis via Soissons et il faut imaginer d’une part que le poète ne prenait pas forcément le chemin le plus court et d’autre part, que les trajets se faisaient dans une voiture à cheval et c’est là que le bât blesse pour nous, obsédés de vitesse alors que l’objectif même de ces voyageurs était de prendre le temps de voir, écrire. Les « Touristes » loin d’être des acharnés du « tout compris » et du « low coast » faisaient au contraire « Le grand Tour » ; il n’était pas à la portée du premier venu tout de même.

Comme on avait découvert que l’eau était expansible, on avait pu inventer la machine à vapeur puis le chemin de fer mais le rythme du voyage était loin de celui d’aujourd’hui et dont beaucoup se plaignent pourtant.
Aucune alerte information secondaire sur un fait divers déjà passé de mode ne venait ponctionner le temps de celui qui mettait toute son énergie et sa pauvre bourse dans le voyage en Italie sur les pas de Stendhal ou en Orient comme Nerval.
Son ami Théophile Gautier, lorsqu’il est (sans doute) passé par le Sud-ouest pour son « Voyage en Espagne », ne pensait pas à réoccitaniser cette région qui devait être fière déjà de ses traditions et de sa langue.

On a souvent ranger -parce qu’on aime bien ranger dans des cases- Nerval parmi les auteurs mineurs, les « petits maîtres » disait-on avec dédain et sans bégayer. On devait d’ailleurs sûrement imaginer que Nerval bégayait ; cet être chétif et fou. N’a-t-il pas effectué plusieurs séjours chez le Docteur Blanche, là où il y a quelques années, j’ai vu un consulat ?

Nerval s’intéressait à beaucoup des choses qui l’entouraient (comme moi) et c’est sûrement pour ça qu’il a écrit des œuvres dans tant de domaines différents : théâtre, poésie, récit de voyage etc. Je ne sais pas s’il a eu le temps de s’intéresser à l’industrie et à la production en tubulaire. Il est mort si jeune, trop jeune. J’ai haï cette rue de la Lanterne où il se serait pendu.

[1] Moesta et errabunda dans Les Fleurs du Mal

6 commentaires:

  1. Heureux que ces mots hétéroclites t'aient permis d'évoquer ton écrivain préféré et cette oeuvre peu connue, Laura !

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  2. Ton texte est bien écrit et m'a appris de surcroît plein de choses sur Nerval, que je ne connais que par
    « les Filles du Feu. »
    Merci beaucoup
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. J'ai beaucoup apprécié cette analyse de Nerval, au point que je vais l'emprunter à la Bibliothèque commune. Mine de rien, il s'est fortement intéressé à la motoculture sans toutefois prétendre réoccitaniser une partie de la France. Il avait d'autres chats à fouetter, Dieu merci! Et j'apprécie ta façon de nous mener à ton gré hors du sujet sans en avoir l'air et de nous parler d'un auteur que je brûle désormais de connaître!

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  4. J'en suis baba : comment as-tu fait pour écrire un texte aussi littéraire avec ces mots pour le moins hétéroclites ? Je te tire mon chapeau !

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  5. Vegas: cette œuvre m'est venue dès que j'ai vu le sens de "boutué"
    Célestine: tant mieux pour cet auteur que je connais grâce à mes recherches
    Lorraine: deux lectrices de plus pour Nerval; mes recherches n'ont pas été vaines
    Marité: je le connais assez bien pour avoir tiré 3 livres de mes recherches
    Merci à tous

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  6. stouf
    Ho lala Lolo...il faut que tu respires ! !https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=IEexx5BR5eY&list=RD6JMCgVFYAqQ

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