Louis habitait Aigues-Mortes depuis toujours, comme son père et son grand-père avant lui, et comme d'ailleurs tous ses aïeux qui devaient bien remonter jusqu'à Saint Louis... Il vivait au cœur de la vieille ville non loin de la porte des Moulins. Il lui était ainsi facile de rejoindre les "salins" où il avait été embauché comme paludier. C'est Augustin, le paternel, qui, selon la tradition, lui avait appris à manier le boutoué pour récolter le sel. Louis aurait pu être heureux de cette vie qu'il avait choisie. Mais là où le bât blessât fut la naissance de son petit frère Paul. Il en fut si perturbé qu'il se mit à bégayer. C'est la jalousie disait Augustin. Mais non répliquait sa femme. Il ne peut pas être jaloux, il sait bien que l'amour est expansible ! Pourtant les enfants grandirent côte à côte, usant ensemble leurs chaussures sur les remparts de la ville. Louis, donc, entra aux salins. Paul quant à lui avait pris goût aux études. Il était devenu ingénieur et passait sa vie à construire des ponts tubulaires à travers le monde. Quand il revenait au pays, il étalait de grandes théories pour "réoccitaniser" la région, disait-il, lui redonner sa splendeur du temps des troubadours. Il en arborait d'ailleurs fièrement le drapeau à l'arrière de sa voiture. Il n'hésitait pas à ponctionner des anecdotes locales pour émailler ses démonstrations. Ce qui était paradoxal, c'est que, plus jeune, il avait haï toute la communauté et ses coutumes... Dès que Paul commençait ses discours, Louis dérangé par la véhémence de ce frère si peu présent, sortait de la ville et se rendait au potager qu'il aimait cultiver un peu plus loin. Il se prenait à motoculter pendant des heures. Tout le terrain y passait et sa colère s'envolait, il en revenait apaisé. Après tout, Paul était son frère. Il n'en avait qu'un, et mis à part ses folies occitanes il était attentionné et aimant avec les parents, ce que Louis appréciait particulièrement. Alors il rentrait, donnait l'accolade à son frère et lui disait : on se le boit ce pastis ?
Ah la grande fratrie des amateurs de pastis...
RépondreSupprimerJoli texte Mabata pour clore ce thème en beauté
Moi aussi j'ai aimé Aigues-Mortes quand je l'ai découverte...
RépondreSupprimerOui très beau texte sur l'amour fraternel qui dépasse les petites rancoeurs.
RépondreSupprimer¸¸.•*¨*• ☆