Naguère
Je
faillis dégringoler en descendant l’échelle de meunier, les bras
chargés de nos costumes des dimanches et des jours d’enterrement,
et tenant à la main la jeannette et le fer à repasser en fonte. Une
araignée avait tissé sa toile de soie dans mes cheveux gris,
gluante comme la chassie qui colle mes cils le matin.
Un
bel arôme de chicorée s’échappait d’une cassolette en
fer-blanc posée sur le poêle. Une jungle de lianes, des rubans de
bloomers et de crinolines pleurant des larmes de lessiveuse, pendait
au conduit galvanisé qui traverse la pièce. Ma mie, rayonnante,
fourrageait dans le foyer avec la pince à feu pour en tirer des
charbons rubiconds comme des rouges-gorges ou des crimes de sang. La
remerciant d’un baiser d’autrefois, j’en remplis le fer.
Par
la fenêtre encore grise de nuit, on apercevait les montagnes
saupoudrées de neige et les cols amidonnés. Quand j’en eus fini
avec ma chemise et mon gilet, j’attrapai le fer à gaufrer et
plissai les dentelles de son caraco de brocart. Les manches à volant
de son corps sage de satin m’occupèrent un tendre et long moment.
Quand
nous eûmes consommé notre brouet d’orge, nous nous rendîmes à
pied à l’église par des venelles pavées, bordées de roses
anciennes. Le bedeau sonnait le glas d’un air lugubre. Une linotte
mélodieuse jouait à l’harmonium des airs d’antan. Après nous
avoir rappelé pourquoi nous étions là, le chanoine expédia
l’affaire rondement, car déjà deux vieux chevaux fatigués
attendaient sur le parvis de tirer le corbillard, précautionneusement
entre les étals de la brocante, qui battait son plein sur la place.
Nous
sommes rentrés doucettement, bras dessus bras dessous, croisant une
noce qui arrivait en dansant la chaconne. L’enterrement nous ayant
émoustillés, nous grimpâmes à l’échelle de meunier, sans même
prendre le temps de boire un lait de poule à la cannelle.
Quelle belle vie de grenier nous menons, dit ma mie, tandis qu’elle
passait par-dessus tête son jupon de batiste et le lançait
jusqu’aux poutres en bois de châtaigner, entre lesquelles il
tournoya avec langueur avant de se poser sur une malle de souvenirs.
et voilà que tu nous peins une vie de grenier fabuleuse :)
RépondreSupprimerje finissais par me languir de tes textes tels des contes émouvants, avec ce regard décalé et surréaliste qui va bien à ta prose
merci, Bricabrac, d'avoir accepté de répondre à mes suppliques ainsi qu'à celles de Célestine
je trouve pour ma part, qu'au vu de la réalisation, nous avons bien fait, et j'espère que cela redonnera envie à ta plume de frétiller :)
Nul doute que l'amidon des cols redonnera un peu de vigueur à ces ébats d'outre-tombe! J'ai adoré :)
RépondreSupprimerOuf ! c'est si délicat de faire un cadeau ! il m'a fallu courir mes magasins tout le dimanche
RépondreSupprimeril te suffisait de faire les vide-greniers de la région :)
SupprimerComme je suis contente de te lire à nouveau Bricabrac ! Tes textes, à la hauteur de celui-ci, délicieusement suranné, me manquaient.
RépondreSupprimerMince j'étais au fond du jardin, je n'ai pas entendu le délicat grelot du portail de bois qui annonçait ton retour...
RépondreSupprimerAinsi tu es revenu, les bras chargés d'offrandes, de guipures et de falbalas, pour notre plaisir.
J'espère que tu mesures avec un broc d'étain les litres de larmes que nous avons versées, Tisseuse et moi, cependant que les ruisseaux s'évadant de nos joues commençaient à dévaler le grand escalier, refaisant les chutes d' Iguazu au milieu du salon d'apparat. Mariette, la soubrette, jetait des cris d'or frais tandis que les perruches affolées quittaient leurs cages pour aller se percher sur le bord du tableau représentant l'oncle Gustave de retour de la chasse. C'est alors que les faisans du tableau ont pris leur envol, secouant au passage le monumental lustre de cristal qui s'est effondré sur les invités dans un fracas d'étoiles brisées, lançant dans toutes les directions de petites étincelles de lumière coupantes qui se sont fichées dans les robes à faux-culs des dames et les lorgnons des messieurs.
Enfin, bref, il était vraiment, vraiment temps que tu arrêtes le désastre.
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Lait de poule à la cannelle pour tout le monde ! C'est ma tournée ! ;-)
Supprimerest-ce bien raisonnable, Célestine ?
Supprimerne penses-tu pas que ce lait de poule agrémenté de cannelle risque de nous faire tourner la tête ?
:)))
Il est vrai , chère Tisseuse, que c'est un breuvage dont il ne faut abuser !
SupprimerMais pour fêter le retour de notre ami, un peu de folie...
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Que de mots gentils, et pleins d'esprit, moi j'en manque pour y répondre. C'est du miel (tiens, il y a encore des abeilles sur la terre ?)pour le lait de poule. Hélas, je manque aussi de temps, entre les séances d'acupuncture (aïe, mais vous me faîtes mal, là !) et les convocations à la gendarmerie, qui n'est pas un salon de beauté croyez-moi (ouille, allez-y mollo quand même !)
RépondreSupprimer... mais je reviendrai, c'est sûr !
SupprimerJ'espère qu'ils ne te font pas mal !
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆