mercredi 22 novembre 2017

Chri - Vide-greniers

Vie de Grenier.

___ C’est quoi ton p'tit nom ? Qu’a fait l’caporal qu’enregistrait les arrivées.
___ Heu Grenier M’sieur pourquoi ?
___ C’est Caporal qu’on dit mon gars, caporal, retiens bien ça ! Si j’te d’mande c’est pour savoir mon gars, pour savoir et surtout  pour avoir un nom à graver sur la plaque que t’auras au cou jusqu’à ta mort, pardine. Grenier avec un r à la fin ?
___ Ben oui M’sieur.
___ Caporal j’t’ai dit d’dire. Dis donc mon garçon t’es tête en l’air toi, remarque c’est rien que normal pour un grenier.
Et les autres autour de s’esclaffer.
C’est qu’il n’en menait pas large avec ses dix sept ans tout juste le petit père Grenier….
Il avait à peine débarqué du train comme les milliers d’autres qui accouraient de toutes les régions de France. Pas plus que les autres il ne savait ce qui l’attendait. S’ils l’avaient su, tous, au lieu de venir le sourire aux lèvres et la fleur à la boutonnière, ils auraient fait demi-tour et foutu le camp à grandes enjambées.
C’est qu’on était au début d’Août quatorze, ils avaient laissé derrière eux les champs à moissonner et pensaient bien être de retour pour engranger le foin ou battre les blés. Ils étaient partis en pleurant sous les sourires dès que l’affiche avait été placardée dans les villages, dès que les Gardes Champêtres avait fait leurs annonces sur les places accompagnés de roulements de tambour approximatifs. Et puis, ils étaient venus dans cette région dont ils ignoraient tout, même l’existence.
Alors, ils avaient souffert et s’étaient battus. Pour les plus chanceux, ils avaient survécu dans le froid, la boue, les rats,  la peur, le bruit, la faim, les bombes, les charges, les hurlements, les gaz, le sang, la mort… Pour la plupart, ils avaient l’habitude de se battre, ils savaient affronter plus forts qu’eux mais c’était contre les saisons, le chaud, le vent, la pluie, le gel.
Grenier, lui s’était battu autant que les autres. Il avait fait ce qu’on lui demandait de faire en essayant de rester vivant.
Ça n’avait pas suffi. En Décembre quinze, un obus en avait décidé autrement.
Il ne retournerait jamais dans sa ferme. Il pourrirait là, en morceaux épars, dans cette tranchée perdue.
C’était la vie de Grenier, Jean Baptiste, dix huit ans mort dispersé, en lambeaux par un obus de soixante seize engagé dans un canon de l’autre côté des tranchées par un gosse de vingt

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12 commentaires:

  1. magnifique !
    et cependant si triste :(
    je recommande dans ce thème le film "Au revoir là haut"

    et ton image du corps dispersé est tellement saisissante par rapport à certains vide-greniers :(

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  2. C'est toute l'horreur de cette guerre, des mômes qui n'avaient pas 20 ans parfois, morts sans avoir embrassé une fille une fois dans leur vie !

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  3. Bravo Chri d'avoir interprété le thème sous cet angle. Et de magistrale façon. J'ai aimé le clin d'œil "la vie de grenier". ;-)

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  4. On trouve de tout dans les vide-greniers... ton interprétation du thème est surprenante, touchante et triste à la fois

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  5. Excellent ce titre calembour.
    Et belle histoire triste.
    Un enfant qui meurt, c'est un enfant qui meurt, quel que soit le côté d'où viennent les bombes...
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  6. Dans ce texte, un Chri du coeur, à la belle écriture.

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  7. Quelle originalité pour répondre à cette consigne ! ... l'Histoire et l'émotion en plus... merci :-)

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  8. Cette contribution emplie d'humour noir ne plaira guerre aux anciens combattants qui officient ici ! ;-)

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    1. ah la la !!! Joe, tu ne crois pas si bien dire :)
      et nous allons finir, administrateurs des Impromptus, épars, sur le champ de bataille de l'écriture...

      par contre, très heureux de voir que ce thème a plutôt bien marché, et que les commentaires vont bon train !!!

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  9. @ Joe Désolé si je vous ai froissé! :-)

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