« Je suis née à quatre heures du matin, le neuf janvier
mil-neuf-cent-huit, dans une chambre aux meubles laqués de blanc, qui donnait
sur le boulevard Raspail. »
Oui j’aurais pu commencer ainsi mes mémoires, mais d’abord,
je suis encore un peu jeune pour me retourner sur ma vie, et puis, je suis née
plus tard, beaucoup plus tard, et dans un deux-pièces où mes parents s’aimaient
comme deux pigeons, qui donnait sur le Garlaban couronné de chèvres de Pagnol.
Et pour te dire toute la vérité, je n’ai jamais été trop rangée…
Ah Simone, si tu savais comme être une femme libre est
toujours aussi compliqué. Palpitant, certes, émouvant, formidable, tout ce que
tu voudras, mais compliqué.
Et encore, je ne me plains pas. J’aurais pu naître au Yémen,
ou en Afghanistan sous les talibans, ou au fin fond de l’Afrique, pilant le mil
en regardant tomber mes seins vidés comme des outres en peau de zébu.
J’aurais pu être pute sur un trottoir à Manille ou à Tanger,
pour d’autres colonies de vacances… J’aurais pu être exposée en vitrine à
Amsterdam, ou vendue à la sauvette dans les bas-fonds de Fortalerza. Interdite
d’études, de conduite, de téléphone, murée dans un sac, enfermée derrière un
grillage, mariée de force à huit ans, violée, excisée, et lapidée ou brûlée
vive pour me punir d’adultère…
Mais je suis née comme toi, dans le pays des Lumières, et
ton Deuxième Sexe a bercé mon adolescence de rêves flous et beaux. J’avais des
fleurs dans le cœur et les cheveux, Hare Krishna à mort, le guide du routard
dans la poche. Je fumais des gauloises bleues, la la la…les beaux jours…
C’était bien chez Laurette. Alors je sais, parfois on est un
peu difficiles à comprendre (ou à supporter) avec nos hormones en dents de
scie, nos lunatismes, notre encombrante féminité. Mais ça devrait pouvoir se
régler entre gens de bonne volonté. Je connais des hommes tellement
merveilleux, et si soucieux de cet équilibre fragile sur lequel repose l'avenir
de notre engeance…
Eh bien, imagine-toi, chère Simone, que plus de cent ans
après ta naissance, on est pourtant encore en train de se battre pour ne pas
être prises pour des gourdes, des objets, des poupées. Encore en train de crier
« ni putes ni soumises » encore indignées, révoltées contre des choses que tu
pensais en passe de se résoudre, et dont je t'épargne la liste…
Alors elle est où la sortie de secours, Simone, pour les
femmes, et surtout pour celles victimes de violence, tombant sous le joug d’un
crétin allumé par son cerveau reptilien ? Faudra-t-il que, comme le disait
Jean-Sol Partre, ton vieux complice, nous en soyons réduites, pour qu’on nous
respecte, à déclarer :
« Je vais laisser
pousser ma moustache » ?
Où lire Celestine
Aux moustaches des furieux de la marée chaussée bottée gantée j'ai toujours préféré les Bacchantes ! ];-D
RépondreSupprimerSi tu le dis... ;-)
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
Si tu es née chez Pagnol, au pays d'Honorine et de la pomponnette, tu n'es pas tout à fait mauvaise... et je comprends maintenant tes combats et tes coups de gueule!
RépondreSupprimerDes sorties comme ça, j'en redemande
Pas tout à fait mauvaise ...j’aime ton sens de litote !
RépondreSupprimerEh oui je suis née au pays du Papet...même si physiquement je me sens quand même plus proche de Manon que d’Ugolin... :-)
¸¸.•*¨*• ☆
Il fait rêver, ce Garlaban ! Mais en parlant de chèvres, n'oublions pas, dans le même coin, celle de monsieur Seguin, qui combattit le loup toute la nuit.
RépondreSupprimerEt rappelons que l'Homme est un loup pour l'homme.. aussi ! ;-)
Bons coups de cornes, Céleste nièce !
Mes coups de corne ne font pas bien mal...
SupprimerJe n’ai que les mots comme armes...
¸¸.•*¨*• ☆
magnifique ! j'adhère, comme tu l'imagines sans peine, puisque je suis issue du même genre de courant de pensée et de temporalité :)
RépondreSupprimermais cependant, les "crétins allumés par leur cerveau reptilien" sont parfois nos frères, pères, amis, et même fils
engendrés et élevés par une société, mais aussi par des mères, et épousés par des femmes
nous tous, parents, pédagogues, éducateurs, citoyens, nous co-créons tous les salauds et leurs victimes, dans nos complaisances, nos mesquineries, nos lâchetés, nos habitudes, nos méconnaissances
nous sommes tous dans le même bateau, femmes et hommes, pour essayer de rectifier la barre de la vie humaine
alors prenons les rames, ensemble :)
Certes.
SupprimerLes conditionnements sont parfois tels que les femmes elles-mêmes programment leur soumission...
Cependant j’ai bien regardé : aucun homme de ma famille n’est un gros lourdaud reptilien.
Je dois avoir de la chance. :-)1
Tu parles à une convaincue : j’ai enseigné pendant des dizaines d’annees la coopération et non la guerre
Bisous ma tisseuse
¸¸.•*¨*• ☆
J'aime bien; les Simone ont beaucoup oeuvré pour la gent féminine; après Simone de Beauvoir, il y eut Simone Viel qui améliora considérablement la condition de la femme. Jamais deux sans trois; à quand la prochaine Simone ? :)
RépondreSupprimerMerci Pascal.
SupprimerC'est vrai, n'oublions pas Simone Weil, la philosophe, et j'ai un faible pour Simone Signoret qui était une maîtresse femme qui ne s'en laissait pas conter. ;-)
¸¸.•*¨*• ☆
super texte tout est dit et tu fais d'une pierre deux coups...
RépondreSupprimeravec le sourire
Oui, j'aime bien de temps en temps, joindre l'agréable à l'agréable et l'utile à l'utile...
SupprimerMerci Lilou ☀️
¸¸.•*¨*• ☆
Quel magnifique plaidoyer pour notre cause Célestine ! Il était opportun de s'adresser à Simone. On a bien avancé grâce à elle et bien d'autres mais tout n'est pas gagné et il s'en manque. J'espère que les femmes du futur seront respectées mieux que nous le sommes encore actuellement. Mais qui sait ? Peut être à l'avenir, n'y aura t-il qu'un seul sexe !
RépondreSupprimermerci beaucoup Marité
Supprimerje passe mon temps à aller sur les autres textes et j'oublie de revenir sur le mien...
Je ne souhaite pas qu'il y ait qu'un seul sexe. mais que les deux vivent en harmonie, ah oui, ça j'aimerais bien...
¸¸.•*¨*• ☆
Magnifique Célestine... Il y a du chemin encore à faire, tout ça semble bien fragile face à l'épaisse lourdeur...
RépondreSupprimerOui, fragile en apparence. Mais les femmes ont une force magnifique: celle des hommes qui les comprennent. Ensemble, ça ira loin !
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
Dans la famille "BalanceTonPorc", j'ose dire : Femen, huh ! Que d'la gueule ! On n'a jamais vu tes nibs, dans l' coin (#freethenipple !!). En même temps... on n'en demande pas tant ;) Voire, on s'en tape (peut-être d'autres), hein, ?
RépondreSupprimerWoooki, je sors ! ('faisait longtemps que j'avais pas dit ça, ici : "...je sors") !
R-E-S-P-E-C-T, my sister's not my enemy! :p
Je ne suis pas certaine d'avoir bien pigé le message...Tu n'as pas peur d'écorner un peu ton image de poète, là ?
SupprimerJ'aime rire (et même montrer mes nibs) mais je trouve l'endroit mal approprié.
Alors je reste juste sur ta dernière phrase, cher Tiniak.
Bises
¸¸.•*¨*• ☆
Bonjour, Célestine,
RépondreSupprimerJe suis en train de lire "L'amour et les forêts", horrible histoire contemporaine de violence conjugale, tant physique que psychologique... et l'un des moyens de torture de l'homme, dans un contexte précis, est d'appeler son épouse "femme à moustache"...
Alors, je souris en lisant ta dernière phrase : en fonction du contexte, le symbole prend un sens tout différent.
Merci pour ce texte bien ancré dans le Sud...
@+
Turquoise
Je comprends que lisant ce livre, la phrase (qui était une contrainte d'écriture de lakevio) prend un relief particulier.
SupprimerMais en quoi mon texte est-il ancré dans le sud ? (mis à part le fait que je suis né au pays de Pagnol)
Bises
¸¸.•*¨*• ☆