mardi 5 janvier 2016

Chri - Patafatras

Faire le vide.

Après lui avoir brièvement parlé au téléphone, il a raccroché assez vite, il était en rendez vous m’a-t-il dit presque à voix basse. Il m’avait fixé un jour et une heure pour la semaine suivante. Ne soyez pas en retard avait-il ajouté d’une voix neutre. Pas menaçante, neutre. J’ai entendu qu’il ne fallait pas que je sois en retard. Point.
Ensuite, j’ai passé la semaine à attendre cette date si précise : Disons 15H15 mardi après midi.

J’ai même fait une fois ou deux le trajet en transport en commun puis en voiture pour savoir à quelle heure partir pour n’est pas devant chez lui vers 15h 30 par exemple. Il y avait un bar pas loin, je m’arrangerais pour avoir le temps de prendre un café donc d’y entrer à 15H. A 15h12 j’ai poussé la grille qui menait à son cabinet, j’ai traversé la cour, cherché son nom sur les boites aux lettres, j’y ai trouvé son numéro de porte  et je suis entré dans une minuscule salle d’attente où il n’y avait qu’un fauteuil club en cuir, une autre porte, la pièce était éclairée par une jolie lampe coiffée d’un abat-jour jaune posée sur un guéridon ancien, sur lequel on avait posé quelques revues d’art traitant toutes ou à peu près du surréalisme ainsi que quelques numéros d’une revue littéraire assez pointue. On était pas chez un plombier.

J’avais à peine posé les fesses sur le rebord du fauteuil qu’il a ouvert l’autre porte et m’a proposé d’entrer avec un sourire de bienvenue. Son cabinet n’était meublé que d’un autre fauteuil club en cuir marron d’une bibliothèque ancienne à la tête d’une méridienne en cuir recouverte d’un plaid gris à franges. Il m’a invité à m’asseoir sur le canapé et pendant que je me baissais, il s’est laissé tomber dans le profond du cuir du fauteuil. Il s’est saisi d’un crayon gris, d’une sorte de calepin au format d’une feuille A4, il en a extrait une feuille vierge et après m’avoir regardé assez longuement, suffisamment pour qu’un trouble s’accroche à mes deux genoux, et d’une voix posée, sereine m’a demandé :
Alors, qu’est-ce-qui vous amène ici, je veux dire qui vous a donné mon adresse parce que pour ce qui est de ce qui vous amène vous aurez peut-être l’occasion d’en… parler, plus tard... Était-il au maximum de son humour ? Je me suis demandé.

Je ne le savais pas encore, je m’en doutais seulement, c’est à cet endroit, dans cette pièce, sur ce canapé là,  j’étais à deux doigts d’entreprendre une longue et incroyable entreprise de débarrassage d’armoire terriblement cadenassée, fermée à triple tours dans laquelle j’avais enfoui malgré moi quelques fantômes, une ribambelle de souvenirs sur lesquels j’allais travailler d’arrache cerveau, d’arrache cœur, d’abord assis puis allongé toutes les semaines, le même jour  à la même heure…

10 commentaires:

  1. Toutes les conditions sont présentes, il ne reste plus qu' à laisser le ruban se dérouler. ..et laisser coup r, laisser courir....
    Une longue mise en scène qui nous frustre du contenu plus précis. Mais nous le savons tous ,la curiosité est un vilain défaut!

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  2. Je pense que pour "l'autre", 15H15 c'est la bonne heure pour la sieste...

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  3. @ Clemence Quinze ans d'analyse serait peut-être un poil indigestes... :-)

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    1. 15 années, mazette, c'est bien long...;)

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    2. L'armoire est pleine à craquer... :-)

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  4. @ Vegas Oui, oui une sieste flottante.... :-)

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  5. Belle idée que d'avoir saisi le thème au sens symbolique du terme : bravo !

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  6. Retourner l'armoire, un grand coup de pied dans la fourmilière des souvenirs anciens...

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  7. Faire le vide dans certains placards n'est pas toujours chose aisée mais dans celui-ci, pour sûr, l'humour occupe une place de choix.

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  8. Arpenteur d'étoiles7 janvier 2016 à 08:15

    le travail commence et dans 15 ans minimum ton armoire sera (peut-être) rangée, étiquetée et ... refermée ... il ne te reste plus qu'à écrire la suite :)

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