Inutile de dire qu'on était dans
une guerre ouverte. Dès qu'il franchissait les bornes je le corrigeais.
Pourtant je n'aimais pas ça, je me disais à chaque fessée, c'est pour lui. Je
n'y prenais pas de plaisir.
La vie n'avait rien de facile. La
vie était un combat. Je voulais qu'il le sache. Je voulais qu'il comprenne
qu'il y avait des règles.
Il m'arrivait de pleurer après
l'avoir corrigé. Il m'arrivait de me remettre en question. Il m'arrivait
d'ébranler mes principes. Il m'arrivait d'obéir à ma femme lorsque le soir elle
me racontait les méfaits de notre enfant. Les « Tu vas voir ton père
lorsqu'il va rentrer » me contrariait. Mais je m'exécutais.
Je n'avais pas l'idée de le
formater. Je me voyais en lui. Je le voyais en moi. Je n'avais pas oublié les
châtiments que mon père m'infligeait. Je savais que j'étais incapable de pardonner.
Il est des marques sur les fesses qui ne s'effaceront jamais.
Je l'aimais. J'étais
impardonnable. Je le battais dès le moindre écart. Je reproduisais ce que
j'avais vécu.
Vengeance ?
Je lisais. Il détestait ça, me
jetant les livres à la figure. J'écrivais ça le faisait ricaner.
Quant il eut 16 ans on s'est
battu. Il avait plein de vengeance. Il était jeune. J'étais en sang. Mes dents
n'avaient pas résisté. Pouvais-je lui en vouloir ?
Je voyais en lui la hargne que
j'avais, la violence que j'étais incapable d'expulser. Plus je le regardais
grandir plus je savais qu'il était mien. Il me ressemblait. Lui-même le vivait
mal. Il en rejetait l'idée. Son visage prenait mes couleurs. Je retrouvais en
lui la forme de mes yeux. Ça m'arrangeait de le penser.
Pourtant.
Lorsque sa mère demanda le
divorce j'étais consterné. Elle me reprocha mon éducation sévère pourtant elle
m’aiguillonnait chaque jour. C'était mon fils.
Elle aimait quelqu'un d'autre,
voulait partir.
Qu'elle s'en aille c'était son
choix mais qu'elle me sépare de mon fils m'était incompréhensible, invivable.
Je ne l'avais pas frappée
pourtant !
C'est devant le Juge des Affaires
Matrimoniales alors que je voulais une garde partagée, qu'elle sortit les
analyses d'ADN.
Incontestablement je n'étais pas
le père.
J'avais imaginé qu'il prolongeait
mes manques. J'avais imaginé qu'il me ressemblait. Je perdais les pédales. Je
balbutiais. J'essayais de dire qu'il y avait erreur. Je contestais. Hurlais.
Je ne pouvais me résoudre à
l'évidence. Il n'était pas le fruit de mes entrailles. Je l'aimais autant que
s'il était mien.
Je giflais le juge et ma femme.
La colère m'étouffait. Soit, il n'était pas mon fils. Soit, il ne me
ressemblait pas mais je lui avais consacré ma vie et j'avais peine à croire que
du jour au lendemain je sois déchu.
C'était un môme bien. D'imaginer
qu'il n'avait aucun trait en commun avec moi m'était insupportable. Pourquoi
avais-je cru déceler des ressemblances ? L'amour est-il autant
aveugle ?
Je m'étais trompé, fourvoyé,
était-ce possible à ce point ?
oups... Ton texte est difficile mais en même temps plein de réalités et d'amours contradictoires.
RépondreSupprimerPagnol disait à Marius lorsque celui-ci réclamait son fils élevé par Panisse :
"le père c'est celui qui aime"...
Avec le sourire
Comment dire ? Il m'est plus facile d'écrire des textes difficiles, vas savoir pourquoi. Et tu sais que le "noir" est un peu ma marque de fabrique.
SupprimerET tu as sans doute raison le père est celui qui aime.
Bises Lilou.
Dans l'amour d'un "père" qui se voit dans la prunelle des yeux de son "fils"... pas facile de voir l'erreur.
RépondreSupprimerUn texte marquant qui interpelle...
Pourtant l'erreur est là ! ;-)
SupprimerJ'aime bien marquer les esprits.
“La mère tient plus à ses petits que le père. Elle sait qu'ils sont d'elle, le père le présume.”
RépondreSupprimerEuridipe, - 480 av J.-C / - 406 av J.-C
Tu vois, ça ne date pas d'aujourd'hui !
C'est qui J.-C. ?
SupprimerMoi c'est F.M. ne lis pas S.M.
Histoire sombre et attristante mais la vie, sans fard et bien réelle, est là, parmi ces lignes.
RépondreSupprimerIl m'arrive de voir des choses saisissantes à la télé que je réécris à ma façon.
SupprimerFanny de Marcel Pagnol
RépondreSupprimerCésar : [...] Cet enfant, quand il est né, il pesait quatre kilos...Ceux-là, c'est sa mère qui les a faits. Maintenant, il arrive à sept...Ces trois kilos de plus, c'est trois kilos d'amour. Moi, j'en ai donné ma petite part. Sa mère en a donné beaucoup, naturellement ; mais celui qui en a donné le plus, c'est Honoré. E toi, qu'est-ce que tu lui as donné ?
Marius : La vie.
César : Les chiens aussi donnent la vie : pourtant, ce ne sont pas des pères...
Waouh quel texte !
SupprimerUn texte saisissant.....
RépondreSupprimerC'est le mot
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