Un étrange parfum flottait dans les couloirs de cette bâtisse à l’abandon. Dès qu’elle eut mis le pied dans l’entrée, une sensation oppressante la saisit.
Ce parfum elle l’identifia sans hésitation ; un mélange de chocolat, d’eau de javel, de crésyl et aussi oui, mais oui de lilas. Unique…
Ce matin-là, elle avait décidé d’aller sur le terrain voir une construction ancienne « à retaper » qu’un ami agent immobilier lui avait indiquée. Elle, la restauration de vieux machins c’était son truc, son job.
Le coin lui sembla familier ; quelques images floues sortirent de sa mémoire. Elle ferma les yeux pour laisser ses souvenirs l’envahir ; la magie fit le reste.
Flashback
Elle a quatre ans,
Elle revoit cette grande maison cossue, presque carrée, un toit à quatre pentes et ses fenêtres rondes en œil de bœuf.
Elle revoit les volets de bois peints en vert jade et la porte d’entrée aux montants en chêne vernis. Elle revoit le rosier grimpant croulant sous les abondantes inflorescences qui dispensent un parfum puissant, subtil mélange entêtant de rose de Damas et de pointe citronnée, le long de la barrière le lilas sauvage dont les épis mauves se délitent au gré du vent…
Derrière ses paupières closes une petite fille court en riant aux éclats, sans chaussures ni chaussettes dans la pelouse dont les brins d’herbe lui gratouillent et lui chatouillent la plante de ses pieds nus. Elle se dirige vers la silhouette accroupie près du mur en pisé derrière la maison. Un chapeau de paille sur la tête, il « grabotte » son potager avec tant de soin. Elle se souvient de son « parrain » qui explique si bien les secrets de la nature.
Les larmes lui vinrent aux yeux. Pourtant elle n’était pas d’une nature nostalgique. Le passé ne l’intéressait pas. De passé, elle en a si peu. Abandonnée à la naissance, elle avait grandi d’abord dans les pouponnières de la DASS. Elle était un dossier sur lequel un tampon rouge s’étalait en gras « non adoptable ». Les rouages administratifs, elle ne les connaissait pas. Tout ce qu’elle savait c’est que pour elle foyers et famille d’accueil s’étaient succédé.
Ses paupières se referment ; Julie. Elle s’appelle Julie, ce prénom, une carte dans le couffin l’indiquait. C’était une gamine adorable, le genre auquel on s’attachait facilement si bien qu’on la changeait de famille de temps en temps de peur que l’affection que les accueillants lui portait ne soit nocive. Intelligente et douée, elle comprit très tôt que c’est en travaillant à l’école qu’elle arriverait à être quelqu’un. Puisqu’elle n’avait pas d’identité, elle devait se la forger.
La petite fille, c’était elle. Dans cette maison, un demi douzaine de gamins orphelins ou pensionnaires vivaient là, souvent de passage. Elle était restée un an puis… Son destin était ailleurs. Julie respira à plein poumons… si c’est à vendre alors ?
Beau et nostalgique retour en arrière sur une gamme de fragrances délicates.
RépondreSupprimerNostalgie et, évidemment, les parfums et les odeurs ravivent les souvenirs
RépondreSupprimerCeux de cette petite fille orpheline sont à la fois tendres et douloureux
Magnifique et émouvant! Merci.
RépondreSupprimerPuissance de la nostalgie, qui abolit le temps et nous ramène parfois si près de l'autrefois...
RépondreSupprimerAh...l'enfance et ses odeurs ineffables qui nous surprennent un jour, à un détour de notre chemin d'adulte. Que c'est bien raconté !
RépondreSupprimer¸¸.•*¨*• ☆
Une histoire qui pourrait ressembler à tant d'autres... mais dont les mots sonnent et résonnent...
RépondreSupprimerUn récit qui fait vaciller et osciller!
D'un passé déconstruit, il conduit vers un avenir en reconstruction...
Une ode à la résilience !