Les Ailes de la Poésie
De
la fange à l’Immaculée Conception, du Bonheur au Désespoir, du jour à la nuit, du
baiser au crachat, de l’ascétisme à l’ivrognerie, la Poésie est partout. Le
frisson d’un buisson, l’éblouissement d’une flaque, la prière du condamné, la
plage de sable, l’irisation d’une véranda, le rot du mécréant, la Poésie est
partout. Car telle est la vraie question : est-ce nous qui créons cette
Poésie au travers de toute notre sensibilité exacerbée, tout notre voyeurisme
naturel, cette empathie turgescente, harcelante et maladive, ou est-ce la
Nature qui découvre en nous nos sens les plus affûtés et qu’on appelle
délicatement Poésie, dans les livres ?... Est-ce que cette poudre aux yeux est sincère
ou n’est-ce qu’une hallucination ?... Est-ce les prémisses d’une quatrième
dimension, un reflet de notre personnalité ou seulement un mirage de bout de
piste ?...
Blottis
en son sein, on se sent tout petits mais nous sommes invités au grand Bal des
Sensations. Seconde après seconde, elle nous hérisse le poil, assèche la
bouche, bloque la respiration, fait trembler nos fondations, jusqu’à faire
chavirer nos principes les plus essentiels. Dans une alcôve, un champ de foire,
un carnaval, un tripot, une cour des miracles, un coin de trottoir, un lit d’hôpital,
elle est partout ; elle est plus généreuse que la Réalité flagrante, elle
est plus doucereuse que le plus flatteur, plus amicale que le plus fraternel,
et plus dangereuse que le venin le plus mortel. Une œillade, un sourire, une
moue, l’éclat d’un bijou, la rondeur d’un genou, une tache de sang, elle est
là, furtive et obsédante, glacée et brûlante, inutile et indispensable,
paysanne et majestueuse, grain de poussière et galaxie…
La
Poésie, c’est l’école buissonnière, c’est Cendrillon toute la nuit, c’est
Mozart et son Requiem, c’est assurément l’Insomnie pour ceux qui la traquent,
c’est l’Aventure au bout de la Rue, c’est le Hasard à chaque soupir, c’est la
statue qui sourit, la cascade qui fredonne, la route qui serpente, le gueux
retrouvant sa monnaie.
Elle
se fout bien des rimes pénibles de ceux qui la distillent avec leurs plumes
affolées, des pinceaux de ceux qui la peignent entre leurs cadres
emprisonnants, des voix de ceux qui la chantent sur les gammes bariolées
d’impressions blanches et noires.
Sans
façon, elle détruit jusqu’à la Folie ceux qui l’emprisonnent en la recherchant
dans leurs excès les plus sombres…
La
Poésie est la plus belle des clés de l’Amour. Car l’Amour, l’Amour est le
palpitant chef d’orchestre de nos Emotions les plus fondamentales. C’est notre
maîtresse à tous ; elle est la fusion de nos sens au creuset de la
Vie ; elle est Synchronisation, Harmonie, Charme, Sublimité, Beauté, Inspiration,
Bonheur, Liberté. Pendant une récréation, une homélie, une grève, un calvaire,
une retraite, elle est là, elle nous guette, elle nous titille, elle nous
traque à notre insu ; elle nous décoche ses flèches de couleur, allume nos
impressions les plus secrètes, enflamme les parfums les plus capiteux, provoque
Vent et Passion, Feu et Illumination, Tourmente et Chaos, Ivresse et Sérénité.
Bien
sûr, nous sommes tous des Voleurs ! On nous a donné la Vie, un prénom et c’est
le diable qui nous donnera l’absolution ! En attendant, aux filtres grands
ouverts de nos sens les plus enthousiastes, cueillons la Poésie pendant qu’elle
se soupire ! Croquons dans le Fruit de la Volupté ! Versons des
larmes heureuses ! Volons sur les Ailes de la Poésie ! Le roulis d’un
navire, les sanglots longs, le parfum d’une fleur, le galbe d’un sein, la Chanson
de la Nature, la Poésie est partout…
Ecoutez !
Ecoutez la cadence des soldats en bataille, des amants empressés, d’une clique
harassée, de la pluie en mitraille, ils sont passés par ici !
Ecoutez ! Ecoutez… L’hymne d’une nation, ces refrains de chansons, ces
murmures d’oraison, ils repasseront par là ! L’enfant qui pleure, la femme
qui gémit, l’homme qui meurt, la Poésie est partout.
Ici-bas,
à l’arme blanche et larme à l’œil, à larme blanche et l’arme en joue, nous
sommes tous des poètes ; athées, bigots, tartufes, sincères, nous sommes
tous des poètes ; brigands, assassins, souteneurs, charcutiers, carabins,
vendangeurs, morutiers, prêtres : oui, nous sommes tous des poètes. Moutons,
élégants, désœuvrés, laids, affairés, loups, nous sommes tous des poètes. Filles
de Joie ou filles de roi, femmes fatales ou femmes actuelles, vieilles bigotes
ou vieilles folles, nous sommes tous des poètes. Fils de pute ou fils indignes,
hommes de paille ou hommes de Neandertal, vieux cons ou vieux savants, nous sommes
tous des poètes.
*Passent
les jours et passent les semaines ; j’irai par la forêt, j’irai par la
montagne, et la courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur…
Tissons,
tissons l’Unisson, en reliant avec du fil d’Amour toutes nos sensations entre elles,
et planons enfin sur la voile du Bonheur, vers l’Intense Extase et Ultime
Vibration ; telle est la quête suprême de tous les poètes et… nous sommes
tous des poètes…
*Apollinaire, Hugo, Eluard
magnifique démonstration enflammée qui nous présente la Poésie, qui est en tout, et en tous, et de ses effets sur nous
RépondreSupprimeralors, tissons, comme nous le faisons chaque semaine ici :)
Pffffioouuu je suis épantelée...
RépondreSupprimerQuel formidable réquisitoire pour cette maîtresse échevelée et implacable !
Merci pour ce moment de bonheur matinal fort comme un verre d'absinthe à jeun.
¸¸.•*¨*• ☆
Maestria magistrale... ;-)
RépondreSupprimerbien sur que la poésie est partout, mais malheureusement bien peu la reconnaisse. Nous sommes tous poètes et toujours sans le savoir.
RépondreSupprimerUn sacré texte en tout cas !!
!!!!! Rêve général !!!!!
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