samedi 28 mai 2016

Pascal - Le poète est voleur de feu



Les Ailes de la Poésie 

De la fange à l’Immaculée Conception, du Bonheur au Désespoir, du jour à la nuit, du baiser au crachat, de l’ascétisme à l’ivrognerie, la Poésie est partout. Le frisson d’un buisson, l’éblouissement d’une flaque, la prière du condamné, la plage de sable, l’irisation d’une véranda, le rot du mécréant, la Poésie est partout. Car telle est la vraie question : est-ce nous qui créons cette Poésie au travers de toute notre sensibilité exacerbée, tout notre voyeurisme naturel, cette empathie turgescente, harcelante et maladive, ou est-ce la Nature qui découvre en nous nos sens les plus affûtés et qu’on appelle délicatement Poésie, dans les livres ?...  Est-ce que cette poudre aux yeux est sincère ou n’est-ce qu’une hallucination ?... Est-ce les prémisses d’une quatrième dimension, un reflet de notre personnalité ou seulement un mirage de bout de piste ?...

Blottis en son sein, on se sent tout petits mais nous sommes invités au grand Bal des Sensations. Seconde après seconde, elle nous hérisse le poil, assèche la bouche, bloque la respiration, fait trembler nos fondations, jusqu’à faire chavirer nos principes les plus essentiels. Dans une alcôve, un champ de foire, un carnaval, un tripot, une cour des miracles, un coin de trottoir, un lit d’hôpital, elle est partout ; elle est plus généreuse que la Réalité flagrante, elle est plus doucereuse que le plus flatteur, plus amicale que le plus fraternel, et plus dangereuse que le venin le plus mortel. Une œillade, un sourire, une moue, l’éclat d’un bijou, la rondeur d’un genou, une tache de sang, elle est là, furtive et obsédante, glacée et brûlante, inutile et indispensable, paysanne et majestueuse, grain de poussière et galaxie…  

La Poésie, c’est l’école buissonnière, c’est Cendrillon toute la nuit, c’est Mozart et son Requiem, c’est assurément l’Insomnie pour ceux qui la traquent, c’est l’Aventure au bout de la Rue, c’est le Hasard à chaque soupir, c’est la statue qui sourit, la cascade qui fredonne, la route qui serpente, le gueux retrouvant sa monnaie.
Elle se fout bien des rimes pénibles de ceux qui la distillent avec leurs plumes affolées, des pinceaux de ceux qui la peignent entre leurs cadres emprisonnants, des voix de ceux qui la chantent sur les gammes bariolées d’impressions blanches et noires.
Sans façon, elle détruit jusqu’à la Folie ceux qui l’emprisonnent en la recherchant dans leurs excès les plus sombres…  

La Poésie est la plus belle des clés de l’Amour. Car l’Amour, l’Amour est le palpitant chef d’orchestre de nos Emotions les plus fondamentales. C’est notre maîtresse à tous ;  elle est la fusion de nos sens au creuset de la Vie ; elle est Synchronisation, Harmonie, Charme, Sublimité, Beauté, Inspiration, Bonheur, Liberté. Pendant une récréation, une homélie, une grève, un calvaire, une retraite, elle est là, elle nous guette, elle nous titille, elle nous traque à notre insu ; elle nous décoche ses flèches de couleur, allume nos impressions les plus secrètes, enflamme les parfums les plus capiteux, provoque Vent et Passion, Feu et Illumination, Tourmente et Chaos, Ivresse et Sérénité.   

Bien sûr, nous sommes tous des Voleurs ! On nous a donné la Vie, un prénom et c’est le diable qui nous donnera l’absolution ! En attendant, aux filtres grands ouverts de nos sens les plus enthousiastes, cueillons la Poésie pendant qu’elle se soupire ! Croquons dans le Fruit de la Volupté ! Versons des larmes heureuses ! Volons sur les Ailes de la Poésie ! Le roulis d’un navire, les sanglots longs, le parfum d’une fleur, le galbe d’un sein, la Chanson de la Nature, la Poésie est partout…

Ecoutez ! Ecoutez la cadence des soldats en bataille, des amants empressés, d’une clique harassée, de la pluie en mitraille, ils sont passés par ici ! Ecoutez ! Ecoutez… L’hymne d’une nation, ces refrains de chansons, ces murmures d’oraison, ils repasseront par là ! L’enfant qui pleure, la femme qui gémit, l’homme qui meurt, la Poésie est partout.

Ici-bas, à l’arme blanche et larme à l’œil, à larme blanche et l’arme en joue, nous sommes tous des poètes ; athées, bigots, tartufes, sincères, nous sommes tous des poètes ; brigands, assassins, souteneurs, charcutiers, carabins, vendangeurs, morutiers, prêtres : oui, nous sommes tous des poètes. Moutons, élégants, désœuvrés, laids, affairés, loups, nous sommes tous des poètes. Filles de Joie ou filles de roi, femmes fatales ou femmes actuelles, vieilles bigotes ou vieilles folles, nous sommes tous des poètes. Fils de pute ou fils indignes, hommes de paille ou hommes de Neandertal, vieux cons ou vieux savants, nous sommes tous des poètes.

*Passent les jours et passent les semaines ; j’irai par la forêt, j’irai par la montagne, et la courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur…

Tissons, tissons l’Unisson, en reliant avec du fil d’Amour toutes nos sensations entre elles, et planons enfin sur la voile du Bonheur, vers l’Intense Extase et Ultime Vibration ; telle est la quête suprême de tous les poètes et… nous sommes tous des poètes…

*Apollinaire, Hugo, Eluard

5 commentaires:

  1. magnifique démonstration enflammée qui nous présente la Poésie, qui est en tout, et en tous, et de ses effets sur nous
    alors, tissons, comme nous le faisons chaque semaine ici :)

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  2. Pffffioouuu je suis épantelée...
    Quel formidable réquisitoire pour cette maîtresse échevelée et implacable !
    Merci pour ce moment de bonheur matinal fort comme un verre d'absinthe à jeun.
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. Maestria magistrale... ;-)

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  4. Arpenteur d'étoiles29 mai 2016 à 12:09

    bien sur que la poésie est partout, mais malheureusement bien peu la reconnaisse. Nous sommes tous poètes et toujours sans le savoir.
    Un sacré texte en tout cas !!

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