Ne penser à rien
Si c'est possible: oublier
son cartable au beau milieu d'un pré ! Et dis, tu ne devais pas
passer chez Adrienne, pour le lait ? Mais qu' a-t-elle dans la tête,
cette gosse ?
A rien, Violette, tu ne
penses à rien, jamais!
Violette, elle entend,
mais les mots s'effilochent, se perdent au milieu des petits nuages
qu'elle contemple dans sa tête, elle pense à la lune qui se regarde
dans la rivière et doit se trouver bien jolie, aux nuits où elle
sort sans bruit par la petite porte de la cuisine pour aller écouter
les flûtes des crapauds, la petite chouette dans le haut sapin, et
tous les bruits de la nuit; elle pense aux jolis yeux de la vache
Jonquille, un nom de fleur, comme le sien: quand elle arrive à la
clôture, Jonquille vient à sa rencontre, et la laisse caresser son
muffle tout tiède... Elle pense, Violette, aux petits champignons
qu'elle est toujours la première à découvrir dans les grands prés
là-bas derrière, et dont elle respire le délicieux parfum, couchée
à plat-ventre dans l'herbe humide, aux noisettes qu'elle va croquer
quand elle et Gaëtan font l'école buissonnière, Gaëtan qui lui
demande: «A quoi tu penses, dis, Violette, quand t'as cet air tout
bêta ? Et elle, elle répond: «à rien», elle ne dit pas qu'elle
pense à si elle était grande, et Gaëtan aussi, comme ce beau
cavalier dont elle croise parfois le chemin, et qui lui fait un
gentil salut...Elle pense, Violette, à la grandeur du ciel, à son
adorée Mère-Grand qui est maintenant tout là-haut, et qui doit la
regarder encore avec son bon regard, elle pense au rouge des fraises
des bois, au bleu des clochettes, aux oreilles si douces du chat
Maraud, à l'endroit où il cache son ronron...
Mais tout ça, c'est vrai,
c'est penser à rien !
je la trouve adorable, Violette, elle qui regarde la vie avec l'intensité des rêveurs et des poètes
RépondreSupprimerC'est surtout penser au meilleur, aux petits bonheurs tout simples, à tout ce qui est devenu invisible aux yeux des grands qui pensent trop...
RépondreSupprimerTiens, j'ai l'impression soudain de revenir en enfance...
RépondreSupprimerExactement la même réflexion qu'ABC me venait à l'esprit à propos de l'enfance qui, heureusement, pense à tout ce que les adultes ont oublié. A ce que les grands considèrent comme ne penser à rien.
RépondreSupprimerGarder un regard d'enfant
RépondreSupprimerLe tout du rien n'est pas rien du tout.
RépondreSupprimerOn ne nous a appris ni à penser ni à ne rien penser, mais ces pensées-là, qui n'en sont pas, sont poétiques et refont naître en nous d'agréables souvenirs...
Une délicieuse façon de ne penser à rien. A rien d'utile, mais à tant de merveilles!
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce vagabondage de petits riens...
RépondreSupprimerUn joli texte, fait de petits riens courant vers le grand tout;...
RépondreSupprimerEt un souvenir qui me revient... "La maison des Bories" et sa petite Zagourette, le nez au ras des pâquerettes et des coccinelles....
ça fait du bien,merci
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