Il chante dans les bars le long des
quais de brume et d'argent. Rhône impétueux ou Saône lascive,
leurs musiques entrent dans son âme et dans son corps. Il se fond
dans cette ville des lumières, puise son essentiel dans son histoire
et traverse le temps. Poète ou révolté, errant d'un pont à
l'autre, d'une rive à l'autre, du passé au futur.
Sa famille venue d'Italie au début du
19ième siècle, a toujours vécu là,sur les pentes. Depuis les
immenses fenêtres de l'atelier de tissage de son grand père, il
apprenait le monde. La ville à ses pied, le parc et, tout au fond,
le Mont Blanc découpé sur l'horizon bleu. Dans l'atelier, deux
métiers modernes et deux autres anciens, acquis avant la guerre de
1914. Ceux-là étaient de vrais bijoux. En bois, à main, où l'ont
tissait à l'envers pour lever moins de fils et moins fatiguer la
ratière. Pour Noël, il lui offrait toujours un foulard créé et
fabriqué pour lui. Juste pour lui. Il se souvient surtout du petit
lapin blanc et du visage de clown mélancolique qui ressemblait à
son grand père. Lorsque celui-ci disparut pour rejoindre la paradis
des canuts, sa grand-mère déposa dans son cercueil un petit
pendentif. Le premier cadeau scellant leur éternel amour. Lui,
laissa le foulard au lapin, afin que son enfance accompagne
définitivement le vieil homme vers l'autre vie.
Il se murmura à lui-même « je
t'avais prévenu » essuya ses larmes et noua le foulard au
clown autour de son cou. Ce soir il va encore chanter. Le piano, la
fumée, les odeurs d'alcool cacheront son profond chagrin. Mais il
commencera par un poème qui parle à la fois de la mort, de la vie,
de ses origines. Il sait que son grand père l'entendra ...
Je
glisserai vers l’oubli
Doucement,
sans faire de bruit,
Comme
on traverse à la nuit
Les
vieux palais florentins,
Aux
murs griffés par le temps,
Aux
peintures trop pâlies.
Je
passerai de portes en portes,
A
travers des pièces immenses
Éclairées étrangement
D’ocre
et de ce vert usé
Que
l’on ne trouve
Qu’aux
fenêtres d’Italie.
Les
ombres blanches et
Diaphanes
de ceux que j’ai aimés
Seront
là pour m’accompagner,
Glissant
auprès de moi,
Sans
autre visage que ceux
Que
ma mémoire leur donnera.
Tout
au bout du couloir,
La
porte dernière laissera voir,
La
terrasse et sa lumière.
Celle
de l’été de Toscane,
Quand
vers le soir
Elle se charge
Elle se charge
D’une
poussière
D’or
et d’argent, et des senteurs
Des
collines autour.
La
lumière de la nuit
Où
je deviendrai rien
Dans
le grand tout.
Pour
renaître plus tard
Tu n'as pas ton pareil pour évoquer les canuts et les vieux métiers (et si je ne m'abuse, ça n'est pas la première fois).
RépondreSupprimerNostalgie italienne et photos... des cerises sur le gâteau !
J'ai dérivé au fil des souvenirs. Peu importe finalement la consigne qui se fait oublier derrière l'émotion.
RépondreSupprimerQue de poésie au fil des mots... au fil de l'eau....
RépondreSupprimerLyon étant un des paysages de mon âme, le textile, le métier de mon amour, je ne peux qu'aimer
RépondreSupprimerLes beaux textes de l'Arpenteur .. toujours un grand bonheur de les lire, relire, ou découvrir .... Merci !
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