lundi 9 novembre 2015

Chri - Comment ne penser à rien ?

Oui, comment ?

Comme j’en ai eu ma claque de me gaver de paracétamol mille, j’ai décidé de m’inscrire à un atelier de méditation.
J’habite un coin où tu ne peux pas faire un pas sans marcher sur un ostéopathe, un naturopathe, un acupuncteur, un rebooth, un chamane, un conseiller en énergie vitale, un rééquilibrateur sensoriel, un homéopathe, j’en passe et des meilleurs. Par ici, si tu es encore  malade c’est que  tu le veux bien, c’est que c’est ton destin, c’est que tu t’y prends comme un manche. Il ne se passe pas une fin de semaine sans que dans le moindre petit village soit organisé un salon Nature et Soins,  Âme et confort, Santé et jus de fraise. Par ici les rebouteux, les coupe feux et autres sorciers courent dans les ruelles, font la queue dans les boulangeries bios et tiennent un stand à la poste.
Aussi, il m’a suffi de juste secouer un peu le net et j’ai dégotté ce qu’il me fallait. Des cours de méditation pour débutant, dans un mas en pleine campagne tous les soirs de la semaine de 18h à 21h. La voix au téléphone m’a précisé que, bien entendu, je pouvais ne venir qu’une fois par semaine, que je n’étais pas tenu aux trois heures mais que c’était le même tarif. Cinquante la demi-heure, j’ai demandé si le premier mois, par exemple pouvait être gratis, elle n’a même pas répondu. Tant de largesse m’a laissé pantois. Je me suis dit que ce serait, malgré tout trop bête de passer à côté et j’ai dit à la voix comme on prend rendez vous : À demain soir, alors. C’est vous qui décidez pour vous et elle a raccroché.
Après coup, mais ça j’étais un habitué, j’avais ce qu’on appelle l’esprit d’escalier, sauf que le mien était plutôt en colimaçon… Après coup j’ai pensé que j’avais oublié de lui demander en quelle tenue il était bon de venir, si le verre d’eau était fourni, si on devait apporter son coussin enfin tous ces détails qui ne sont pas grand chose mais qui peuvent séparer une soirée réussie d’un cauchemar.
J’irai comme je suis : décontracté.
Le lendemain, je l’ai passé essentiellement à jeter un œil sur l’horloge de la mairie, celle de mon portable, celle de la voiture, bref à trouver que le temps s’écoulait comme un miel liquide épais : très lentement.
Et puis le soir est venu. Alors, j’y suis allé.
J’avais évidemment choisi la séance de dix huit heures. Il m’aurait été pas loin d’impossible d’attendre les dix neuf. J’ai garé ma voiture sur le côté du mas, dans le gravier, il y avait là deux ou trois autres véhicules plutôt des allemandes aux capots longs comme des anglaises.
Je me suis approché d’une porte éclairée comme en plein jour, nous étions en Novembre et les jours dégringelaient de plus en plus tôt.
Une chaîne avec au bout une cloche et ce n’était pas celui qui tirait.
Elle est arrivée silhouette gracieuse, vêtue d’un justaucorps noir, un sourire de madone sous Effexor accroché à son visage. J’ai espéré qu’elle pouvait encore ne plus sourire, si elle le voulait. Elle m’accueillit gentiment, m’a demandé mon prénom rapidement et a encaissé mon billet prestement. Avec le liquide l’énergie circule mieux paraît-il…
Je suis entré dans une salle bien chauffée mais avec au sol une moquette épaisse comme la joie de vivre d’un anorexique sur laquelle étaient posés des petits coussins circulaires de la largeur d’une paire de fesses moyenne. Nous étions six, cinq avec elle. Elle a allumé un bâton d’encens, sans doute odeur Nuoc Nam, elle a mis un cd de musique balinaise et la séance a commencé. Je me suis laissé porter.
C’est quand elle nous a demandé avec insistance de ne plus penser à rien que j’ai commencé à mouliner…
Oui, comment ne plus penser à rien ?

11 commentaires:

  1. J'ai pris un seul cours de yoga:je me suis endormie
    pourtant, je ne m'endors pas facilement
    depuis, je ne fais plus que du stretching et je ne dors plus, loll

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  2. Méditation zen, transcendantale, boudhisme, écouter son corps? Je ne sais quoi penser !

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  3. Quel talent,quelle plume, quel plaisir de lecture

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  4. Comme je l'ai dit en se laissant penser à tout, sans jamais arrêter de laisser filer toutes les pensées, à ce rythme-là comme dit Laura on s'endort... À cinquante la demi-heure, cela fait cher la berceuse, non ????

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  5. L'Arpenteur d'étoiles9 novembre 2015 à 19:24

    bien vu Chri, tout ton texte (fort bien écrit comme d'hab') nous emmène à la question du thème ... évidemment sans réponse ... j'adore :o))

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  6. Et bien oui, il y a du suspense dans ce récit incroyablement peu soporifique malgré le thème détente, inspiration, expiration, laissez aller, lâcher prise, et c'est là qu'on commence à penser, naturellement, et à ricaner dans ses moustaches comme le lecteur.

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  7. Hé oui, la chose est ardue et nécessite d'être assidu, 50 € pour l'encens et la musique...véhicules teutons et capots longs ...
    mais que c'est bien écrit - et bien pensé !

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  8. Je me suis si bien laissée prendre par ton texte que je n'ai pensé à rien, qu'à te lire! Avec grand bonheur!

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  9. "Avec le liquide, l'énergie circule mieux" : trop bon !... J'aime beaucoup ce pamphlet.

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  10. Merci à vous de votre lecture bienveillante. Namasté.

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  11. Un long et beau voyage en lecture avant d'arriver à LA question ! Et oui... comment faire?

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