lundi 30 novembre 2015

L'Arpenteur d'étoiles - Nos profs

My english teachers

La première s’appelait mademoiselle Mouton ; cela ne s’invente pas. Apparence de jeune bourgeoise plutôt coincée, chignon blond sur une nuque un peu raide et, bien entendu, jupe plissée bleu marine. Elle était Miss Sheep ce qui ne faisait pas beaucoup avancer les choses Nous apprenions les (bonnes) mœurs de la famille Wilson dont les enfants Betty et John s’ingéniaient à se trouver in the kitchen, ou in the bedroom pendant les heures de cours. Le livre avait un cache en plastique que nous apposions sur la page de droite pour masquer le texte que nous tentions de deviner à l’aide des images visibles sur la page opposée.
Miss Mouton faillit me dégoûter à tout jamais de la langue anglaise.

Dans la sixième moins « littéraire » que la nôtre, sévissait un autre prof répondant au nom de mister Wilson (juste retour des choses). On comprenait assez rapidement qu’il venait d’outre manche (from the other side of the Chanel) Il expliquait le mot « shoe » en mettant la sienne sur le bureau, son pluriel en posant la paire, ce qui était paraît-il fort spectaculaire. Je n’ai jamais su si le reste de son accoutrement (il passait parfois dans les couloirs, grande ombre squelettique et dégingandée) suivait le même chemin au cours des autres leçons.

Puis vint en cinquième mademoiselle Sénéclauze. Nous aurions été djeun’s aujourd’hui, nous aurions dit d’elle : « c’t’une bombe c’te meuf !», « elle doit être grave bonne !» ou « ‘tain j’la kiffe à donf. Clair !». Son décolleté profond, ses mini jupes, sa taille de guêpe et sa façon d’arranger sa coiffure d’un mouvement léger d’une rare féminité ne m’ont aidé à réaliser que de très infimes progrès, trop occupé que j’étais à ramasser inlassablement mon crayon qui s’ingéniait à tomber sous mon bureau, placé devant le sien.

Ensuite se succédèrent toute une série de jeunes filles à l’aspect varié mais non avarié. Une certaine mademoiselle Maillard frôlait l’hystérie lorsque des cafards tombaient de l’épaisse tenture en velours rouge, qui servit un temps de porte à la salle de classe. Nous continuions, quant à nous, à récupérer consciencieusement nos gommes, taille-crayons ou stylos plumes baladeurs, histoire d’affiner nos connaissances des dessous féminins.

En première vint une autre bombe assez ahurissante. Soixante-huit était passé par là. Elle s’appelait mademoiselle Cresson. Elle piqua une vraie crise de nerf lorsque mon ami Frédéric à qui elle avait intimé l’ordre de prendre la porte, lui demanda « what can I do with the door miss, please ? », après l’avoir posément dégondée. En cela, il avait obéi à la lettre à la demande de notre professeur.

De mes english teachers lors des études supérieures je n’ai à vrai dire que peu de souvenirs. Si ce n’est en cinquième année, où une femme d’âge mur vraisemblablement très heureuse d’enseigner aux jeunes adultes que nous étions, me marqua d’avantage que les autres. Grande, elle était de ces femmes qui allient à la perfection une véritable élégance et une étonnante vulgarité, capables de dire avec le sourire les pires horreurs. Certains matins sa bouche charnue se faisait plus carnassière et ses paupières lourdes et bleutées ne laissaient planer que peu de doute sur ses activités de la nuit précédente. Nous avions désormais des idées tout à fait précises sur ce que les filles pouvaient porter sous leurs jupes, robes ou jeans, mais la vue fugace de son porte-jarretelles quand elle croisait et décroisait les jambes, nous tenait malgré tout assez en haleine.

J’ai dû reprendre il y a quelques années des cours de perfectionnement (financés par la société dans laquelle je travaillais) de cette sacré langue anglaise. Il s'agissait exclusivement de conversations téléphoniques avec des anglophones de tous les coins de la planète. Une sacrée familiarisation avec les accents écossais, irlandais, africaner, australien ou américain. J’ai pu me rendre compte que toutes les professeures que j’ai citées plus haut m’avaient malgré tout donné des bases pas si friables que cela. En tout cas ces cessions m’ont permis d’être moins mutique lors des world meetings of my business unit.

Quoiqu’il en soit, les seuls participants avec lesquels j’ai eu le plus de mal à communiquer étaient les anglais et les américains. Le reste du monde fait de réels efforts pour écouter et chercher à comprendre ce que les autres tentent d’exprimer. D’ailleurs, lors de la première intervention que j’ai assurée lors d’une de ces fichues réunions mondiales, le premier à poser une question fut mon collègue californien. Il souffrait d’un jet lag d’enfer, avait dormi quasiment pendant la totalité de mon exposé et s’est réveillé juste pour demander la parole. J'ai juste compris sa première phrase « good job, guy ! ». Pour la suite j’ai prié notre responsable marketing, qui elle, parlait cinq langues, de répondre à ma place, ce qu’elle fit avec une grande gentillesse et un petit sourire limite énervant.

5 commentaires:

  1. Si certains profs placent la barre très haut, les élèves ont une fâcheuse habitude à étudier au raz de l'estrade... mais c'est en commençant par le bas qu'on est sûr de gravir un jour !

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  2. Excellent... Ah! Ces garçons... Lol, j'ai bien ri, surtout avec le coup de la porte. J'ai eu plus de chance que ça avec un ou deux profs d'anglais, mais pas longtemps malheureusement...

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  3. Au fur et à mesure que je te lisais, je me disais qu'il serait rigolo de retrouver ici un.e élève dont j'aurais traversé la vie !
    À mi-parcours, j'eus un hoquet de surprise : il fut un temps où je m'appelais Mademoiselle Maillard !
    Ouf ! Je ne fus jamais prof d'anglais, et n'ai jamais eu la phobie des cafards.
    Mais je me souviens bien de certains de mes élèves qui ne faisaient pas exprès de laisser tomber leurs gommes. À cette époque, je me demandais la raison de leur maladresse. Merci de m'avoir éclairée, quelques 45 ans plus tard ! ;)

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  4. On note, ici comme ailleurs, un cruel parallèle entre éveil au savoir et éveil aux émotions sexuelles...
    des priorités bien difficiles à établir.
    Sacré parcours avec l'anglais.

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  5. Sacrées profs qui t'ont laissé des traces en tout cas.

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