Christine
Enfant, Christine a d’abord voulu être institutrice, comme beaucoup de petites filles, semble t -il. Une variante : puéricultrice, assez banal également dans la gent féminine des écoles maternelles et primaires. Pourtant, elle n’était pas très « poupées », « dînettes », « maîtresse » et autres jeux de fillette. Elle préférait les trains électriques, les « lego », « meccano », les billes. Bref, elle était ce qu’on appelle un « garçon manqué. » Christine n’était pas non plus très coquette et elle aurait eu du mal à l’être avec ses genoux toujours ornés de croûtes disgracieuses dues à de fréquentes chutes. Elle avait les cheveux courts et portait souvent des pantalons. On la prenait souvent pour un garçon. Choix personnel ou volonté maternelle ? Sa mère lui a raconté qu’elle ne réclamait pas tel ou tel vêtement comme l’a fait plus tard sa sœur et qu’elle l’habillait donc à son goût, en garçon. Pourquoi ? Peut-être sa mère voulait-elle un garçon…
Ou est-ce le comportement de Christine, ses jeux, son physique qui l’ont incité à l’habiller ainsi ? Il faudrait qu’elle lui pose cette question (et d’autres) mais depuis qu’elle a adopté un mode de vie radicalement différent du sien, la communication qui a longtemps été facile entre elles, s’est dégradé. Surtout quand elle lui pose des questions qu’elle n’a pas envie de se poser….Pourquoi elle, si féminine (dans sa conception de la féminité), n’a t-elle pas chercher à faire de Christine une petite femme ?Est-ce qu’inconsciemment Christine cherchait déjà à prendre le contre-pied des « modèles » féminins qui l’entouraient : sa mère, sa grand-mère, deux femmes-femmes qui s’échangeaient leurs perruques (c’était la mode dans ces années-là), leur maquillage, leurs vêtements etc.… ? Longtemps enfant unique (jusqu’à huit ans), toujours choyée, surprotégée (au physique comme au moral), calme, sage, Christine était devenue une adolescente maladivement timide et manquant cruellement de confiance en elle. Son bonheur résidait dans sa réussite scolaire (excellente élève encore à ce moment-là), ses lectures et le cocon familial ; ce dernier était minuscule (par sa composition) et fermé. On n‘en sortait guère et peu de gens y entraient. Non contente de ne pas mettre en valeur la fillette qu’elle était, la mère de Christine avait « décidé » de lui faire perdre le peu de confiance qu’elle avait dans sa valeur à l’adolescence, seuil critique comme le dit si souvent.
Enfant, Christine a d’abord voulu être institutrice, comme beaucoup de petites filles, semble t -il. Une variante : puéricultrice, assez banal également dans la gent féminine des écoles maternelles et primaires. Pourtant, elle n’était pas très « poupées », « dînettes », « maîtresse » et autres jeux de fillette. Elle préférait les trains électriques, les « lego », « meccano », les billes. Bref, elle était ce qu’on appelle un « garçon manqué. » Christine n’était pas non plus très coquette et elle aurait eu du mal à l’être avec ses genoux toujours ornés de croûtes disgracieuses dues à de fréquentes chutes. Elle avait les cheveux courts et portait souvent des pantalons. On la prenait souvent pour un garçon. Choix personnel ou volonté maternelle ? Sa mère lui a raconté qu’elle ne réclamait pas tel ou tel vêtement comme l’a fait plus tard sa sœur et qu’elle l’habillait donc à son goût, en garçon. Pourquoi ? Peut-être sa mère voulait-elle un garçon…
Ou est-ce le comportement de Christine, ses jeux, son physique qui l’ont incité à l’habiller ainsi ? Il faudrait qu’elle lui pose cette question (et d’autres) mais depuis qu’elle a adopté un mode de vie radicalement différent du sien, la communication qui a longtemps été facile entre elles, s’est dégradé. Surtout quand elle lui pose des questions qu’elle n’a pas envie de se poser….Pourquoi elle, si féminine (dans sa conception de la féminité), n’a t-elle pas chercher à faire de Christine une petite femme ?Est-ce qu’inconsciemment Christine cherchait déjà à prendre le contre-pied des « modèles » féminins qui l’entouraient : sa mère, sa grand-mère, deux femmes-femmes qui s’échangeaient leurs perruques (c’était la mode dans ces années-là), leur maquillage, leurs vêtements etc.… ? Longtemps enfant unique (jusqu’à huit ans), toujours choyée, surprotégée (au physique comme au moral), calme, sage, Christine était devenue une adolescente maladivement timide et manquant cruellement de confiance en elle. Son bonheur résidait dans sa réussite scolaire (excellente élève encore à ce moment-là), ses lectures et le cocon familial ; ce dernier était minuscule (par sa composition) et fermé. On n‘en sortait guère et peu de gens y entraient. Non contente de ne pas mettre en valeur la fillette qu’elle était, la mère de Christine avait « décidé » de lui faire perdre le peu de confiance qu’elle avait dans sa valeur à l’adolescence, seuil critique comme le dit si souvent.
Au niveau intellectuel, Christine ne posait pas de problèmes : toujours dans les premières et de grandes ambitions (archéologue, conservatrice de bibliothèques etc.).C’est au niveau physique qu’elle ne convenait pas à sa mère. Non seulement, elle n’était toujours pas coquette mais en plus elle était grosse ; tout au moins, c’est ce que sa mère lui disait. Cela pouvait être insidieux au quotidien ; sa mère au petit déjeuner lui disait qu’elle ne devrait pas se présenter au petit déjeuner avec une chemise de nuit aussi courte alors qu’elle avait de si « grosses cuisses. »Entre parenthèses, c’était « l’hôpital qui se fout de la charité » car le moins que l’on puisse de sa mère, c’est qu’elle était « bien portante. » (doux euphémisme).Si elle était grosse, ce n’était peut-être pas seulement du à son alimentation mais aussi à l’héritage maternel… Ah ! l’alimentation, sujet de discorde éternel avec sa mère.
Elle ne grignotait pas entre les repas (à cette époque) mais à table, elle avait bon appétit. Lorsqu’elle demandait une deuxième fois d’un plat, sa mère la resservait en lui lançant un regard noir ; plus tard, elle refusait : « Tu as assez mangé. » Quelquefois même, elle retire le plat si vite que personne n’a le temps de se resservir. Ca, c’était le quotidien mais il y avait les disputes où l’on lui balançait des « grosse fainéasse », « grosse tanche » (sa mère vend des articles de pêche) ; j’en passe et des meilleurs. Bien sûr, elle croyait sa mère et se sentait de plus en plus mal dans sa peau. Pourtant, elle sait maintenant que son poids de cette époque était idéal par rapport à sa taille et compte tenu d’une assez forte ossature (qui lui venait de sa mère….).Les photos attestent qu’elle était une adolescente avec des fesses (est-ce un crime ?), des hanches marquées(comme beaucoup de femmes, je crois), une taille fine ; en bref, normale. Elle pouvait porter des pantalons moulants sans honte avait plutôt tendance à cacher ses formes si décriées : des pulls larges de son père, des jupes noires que sa mère lui achetait : « Ca mincit, le noir…. »Plus tard( très tard), elle a eu une poitrine qui bien sûr était trop importante et qu’il ne fallait pas montrer.
Christine avait une amie, Véra, un peu plus vieille qu’elle et qui surtout, était son antithèse : brushing parfait, maquillage et tenues féminines. La mère de Christine disait : « On dirait qu’elle sort toujours d’une boîte. » Ca peut ressembler à une critique mais elle aurait bien aimé que sa fille en prenne de la graine. Elle devait lui faire pitié : un satellite qui tournait toujours autour de son soleil.
Christine suivait Véra et Véra plaisait aux garçons. Seulement, sa conversation était faible et ça ne suffisait pas à certains. Alors, Christine ramassait les miettes : « elle est belle mais … toi, tu es intelligente. »Elle savait déjà qu’elle était pas trop bête (à l’école elle réussissait mieux que Véra.) mais elle voulait être ce qu’elle n’était pas aux yeux de sa mère : belle. Alors, un jour, elle a « décidé » qu’elle était belle et qu’elle pouvait plaire ; ça a du marcher car elle s’est mise à attirer les garçons comme des mouches. Elle a rattrapé « le temps perdu » : papillonnant de ci, de là, flirtant (çà n’était encore que ça) outrageusement puis jetant les pauvres garçons dès qu’ils commençaient à s’attacher à elle. Elle ne voulait pas être aimée mais plaire. Sa mère (et d’autres) avait fait ça avant elle mais elle a mis plus de frénésie à collectionner les conquêtes comme autrefois les bons points à l’école. Elle voulait se prouver (et inconsciemment le prouver à sa mère) que malgré sa « grosseur » et son « manque de féminité », elle pouvait plaire. Sa mère s’en est-elle rendu compte ? Qu’elle plaisait, qu’elle le faisait en quelque sorte pour elle ? Au vu de tout ce qui s’est passé ensuite, il semble qu’elle ne s’est rendu compte de rien… Mais Christine y avait pris goût… aux baisers, aux caresses (parfois poussées)mais aussi et peut-être surtout au terrible et délicieux moment où elle avait assez joué et jetait son jouet : « Tu es très gentil mais je ne veux pas m’attacher. » Ca voulait dire : « Au suivant ! » Mais il est arrivé un moment que le sexe a pris plus de place, où les caresses allaient de plus en loin, où elle a fréquenté des garçons plus pressants. Elle maîtrisait de moins en moins le jeu et un soir elle a cédé à un garçon, grand, beau (ça aurait plus à ma mère) mais brutal qui a du la sodomiser et lui pisser dessus.
Ce garçon était si beau (comme les aime sa mère) que c’est encore avec lui (même brutal) qu’elle avait eu sa deuxième expérience sexuelle tout aussi désastreuse. « Cela t’apprendra » aurait pu dire sa mère que son frère et sa sœur ont prise comme modèle : attendre le prince (ou la princesse) charmant(e) pour cette première expérience.
L’avenir dira si cela leur réussira aussi bien qu’à leur mère….Christine respecte sa mère mais son couple et son mariage n’étaient pas pour elle à l’époque (et ne le sont toujours pas aujourd’hui) des modèles. Son père avait trompé sa mère, ça arrive ; il l’avait humilié, ça peut arriver ; elle lui avait pardonné, pourquoi pas. Christine les avait compris l’un et l’autre mais ça avait considérablement changé sa façon de voir les choses. Elle ne voulait pat être cette femme heureuse parce que résignée, satisfaite par ce qu’elle a uniquement parce qu’elle n’a rien connu d’autre. Christine voulait avoir de l’expérience (des expériences) avant de dire oui pour la vie. Et les expériences de toutes sortes se multiplièrent : souvent excitantes et heureuses au départ mais toujours des échecs à l’arrivée car ce n’était plus jamais elle qui rompait. On ne peut pas toujours mener la danse…Cependant, Christine repartait en chasse, jamais découragée depuis qu’un homme m’avait appris à aimer mon corps, à l’aimer tel qu’elle était. Elle se savait séduisante. Avec cette certitude, cet homme la manipula comme sa mère l’avait manipulé avec ses dénigrements. Mais alors que les manipulations (conscientes ?) de sa mère l’avaient amené à des conduites souvent destructrices, cet homme lui procura surtout beaucoup de plaisir et certains plaisirs inédits….Mais alors que sa sexualité s’était épanouie et démultipliée (allant parfois trop loin, jusqu’à la prise de risque)à un point que sa mère ne pourra jamais imaginer, sa vie intellectuelle battait la campagne. Dès la seconde, au lycée, elle était trop absorbée par ses aventures vaguement sentimentales et surtout ses rêveries pour construire correctement mon présent et préparer mon avenir. Après l’excellence jusque là, le bac obtenu de justesse. Et sa mère, averti par un professeur qui appréciait Christine, n’a pas voulu entendre, voir et on l’a orienté vers une filière qui ne l’intéressait qu’à moitié sans que personne ne proteste. Personne n’est parfait…Le choix en urgence pour l’après bac. La voilà à la fac de droit, passionnée parfois mais plus souvent occupée par ses amitiés et amours, ses rêveries, ses lectures (plus littéraires que juridiques) et à partir de ce moment par une nouvelle passion : l’alcool. Christine s’étourdit gentiment et elle, la timide, s’extériorise, se désinhibe. Puis il y a l’alcool violent où elle ce qu’elle fait, elle oublie qu’elle boit, elle s’oublie et finalement oublie qu’elle s’oublie.Comme le sexe, la bouffe, c’est une révolte contre sa mère.Son père était alcoolique et boire ne serait-ce qu’un seul verre est pour elle proche du crime. Là encore, elle ne s’est pas aperçue que Christine faisait ça encore pour la choquer, la sortir de toutes ses certitudes. Plus tard, ce sera le tabac. Une faiblesse de plus à son actif par rapport à elle si forte, si vertueuse. Elle voudrait ressembler à son grand-père (maternel) alcoolique et homosexuel pour enfin la toucher. Elle essaie tout ça mais elle ne voit rien.
La prison, ce serait vraiment grave (dit-elle) mais Christine n’irait pas jusque là pour l’atteindre. Le reste (l’alcool, les études ratées, le tabac, les hommes, les femmes etc.), ça lui (sa mère) a parfois coûté cher (ils le disent souvent) mais ils ne se sont pas aperçus que derrière tout ça, il y avait une souffrance, des souffrances.
Des souffrances (la mienne, la sienne) que je porte parce que sa mère a jugé bon de lui en faire porter un peu : l’obsession d’une vie/ salade (d’où vient-elle ?) : peu de nourriture, pas d’excitants, d’épices, d’assaisonnements, rien de tout ce qui peut donner du goût à la vie. Elle voudrait lui dire : « Oui, maman, je suis faible parce que je suis humaine et que je le revendique. Oui, tu m’as fait mal mais je n’essaie plus de te le faire comprendre car j’ai autre chose à faire… »
triste histoire :(
RépondreSupprimerton texte parle de toutes ces personnes qui souffrent depuis l'origine de ne pas avoir été aimées comme elles sont, par des parents qui ne s'aimaient pas plus eux-mêmes, et qui n'ont en général pas été bien aimés
tout est une histoire ensuite de "mendier l'amour de l'autre", tout accepter, pour des miettes, qui ne viennent pas
un "sacré" texte, Laura. Un portrait sans concession, réaliste, histoire de souffrance et d'amour déchirant (déchirure). Une écriture dense et forte.
RépondreSupprimerBrut, abrupt, brutal ... et juste, passionnant aussi ... voilà que je connais déjà cette Christine, et souhaite que ce soit une fiction ... très réussie
RépondreSupprimermerci à tous les 3
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