samedi 28 novembre 2015

Anne de Louvain-la-Neuve - Musiques actuelles

écrit d'après "Funambule" et "Christine"...


Il danse


Sur le fil galactique, et se dresse en chandelle à l’appel des cimes. Caracole de caoutchouc, s’élance, mosaïque polychrome, et vibre comme un diapason d’argent, toc, toc, toc. Autour de lui palpitent les sons, instruments et voix, en écho de son corps vibratoire, oscillations et impulsions. Gondole.

Il tourne, et sur son visage de la poudre d’étoiles et ses tresses. Il ne tient pas debout, mais si pourtant, arabesque ses bras souples, et les doigts se rejoignent en prière sans adresse, ses longues jambes soudain en grand-écart, triangle sol et cieux, une géométrie sans normalité.

Ses pieds nus en apnée, l’enveloppe céruléenne l’entoure, carapace de bleu, bandelettes pour une momie récalcitrante au souffle sans limites.

Voilà que crient dans la posture les châteaux de sable des certitudes, friables, refuges trois étoiles pour asticots albinos. Et dans cette architecture à colonnes d’arcs en chapiteaux, la terre battue de boue et de débris accueille les mouvements. Ils résonnent, tambours de carnaval, postulats d’un sang vivant, envers et contre l’abandon et l’absence, pneus crevés et carcasses, senteurs de moisi, indifférence crasse.

Aux murs lépreux, s’agrippe la grâce de l’acier. Elle grignote l'effritement, crochets de vie dans ce squat à la singulière prégnance. L’air voyage dans des steppes où l’infini de la matière tisse une dentelle de mousseline et de satin. Prestidigitateur d’un espace de science-fiction, il crée un nouveau monde en apesanteur, libère du poids des croyances et de l’ennui, arachnéen.

Ses doigts nets comme des couteaux découpent en faux l'atmosphère stagnant d’immobilisme. Naissent la cadence et le rythme qui palpitent comme un cœur. Ainsi bat le mien à l’unisson.

Théâtre du déséquilibre des certitudes en noir et blanc, la cathédrale résonne de la toute-puissance des ignorances magnifiques. L’équilibre fragile et fort du funambule entre ses tours rouges recule les désespérances.

Mais le danseur tangue soudain, en danger sur les pointes. Il se redresse pourtant et fait face au ciel mensonger, à toutes les questions sans réponse et aux ambitions des mortels et du néant qui l’attire et qu’il repousse. Ondulations. Voyez, la nef se rit de la tempête et son capitaine épouse la force des flots, flux, reflux, pièges. Hardi matelots, il faut tenir pour franchir le cap ! L’audace du minuscule face à l’immensité, quel toupet !

À l’abri des sentiments sans domicile fixe, les croyances et les dogmes ploient. Et l’on suit passionnément la chevauchée fantastique de ses respirations et des battements. Il n’y a plus de certitudes hormis la douceur et la force des cadences et les chemins qui s’éparpillent au hasard dans l’onction des gestes. De la suffisance de la foi apparaissent alors les poussières d’ombre de l’humilité. La lumière du tempo est un hors-piste que le magicien de l’espace dresse sur le vide. Et puis.

Il vient de sauter dans l'abîme, à l’envers du décor, dessous, dessus. Disparait dans les reflets bleus du ciel et des profondeurs. Comme ça !

Éberlués, nous revoilà sur terre, lourds, patauds, boiteux et orphelins de la beauté et de l’harmonie.


10 commentaires:

  1. j'ai envie de transmettre ton texte à Grichka Caruge, danseur hip-hop sur le clip "Funambule", tellement tes mots sonnent juste sur l'articulation perpétuel du danseur entre équilibre et déséquilibre
    mais aussi peut-être bien à Mehdi Kerkouche (un des danseurs du clip de "Christine")

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  2. Merci Tisseuse : je suis en transe, réellement quand je vois et que je vis la danse, dans son ensemble, classique, contemporaine, hip hop, capoeira, tango, claquettes, et j'en passe. Il m'est même arrivé de pleurer sans plus pouvoir m'arrêter. Je suis complètement dans l'ailleurs, ailleurs !

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  3. Pas le temps de lire...pas le de rien...je suis crevée ! Vive la belgique !
    https://www.youtube.com/watch?v=uedFlj86CAk&feature=player_detailpage

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  4. L'Arpenteur d'étoiles29 novembre 2015 à 18:07

    un texte formidable qui est aussi, comme le signale Tisseuse, une trame, un synopsis d'un clip ou d'un ballet,

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  5. superbe ce déséquilibre incessant de la danse, qui est aussi un équilibre galactique incessant ... mais tu l'as beaucoup mieux exprimé

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  6. J'ai vu un peu de l'Albatros, aussi, dans ce texte. Mais quel texte ! Je serais incapable d'écrire le tiers du quart de ceci...

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