lundi 5 mars 2018

Emma - Le pied à l'étrier


J' suis pointeur d'anomalies. Depuis lundi.
C'est pas vraiment un métier, c'est un pied à l'étrier. Un pied à l'étrier ! un stage professionnel, quoi.
Comme j'avais terminé mes études, (en queue de poisson, comme dit gros bide, mon beau père actuel), ma mère a demandé à son frère Daniel, celui qu'a bien réussi, (l'exploiteur du peuple, il dit, gros bide), de me prendre dans sa supérette pour me mettre le pied à l'étrier.
Il était pas chaud, Daniel. Il est franchisé, et ça, on peut pas dire, la franchise, il connait. Il a dit à ma mère "et j'en fais quoi, de ton bras cassé ?" Et là j'ai pas bien entendu ce qu'elle lui a répondu, vu que gros bide se tenait les côtes, sauf qu'il était question de mettre au parfum la femme à Daniel.
C'est comme ça que j'ai été embauché. Pour trois semaines, mais ça me fera une expérience, m'a dit Gaby, la secrétaire à Daniel qu'a des faux cils jusqu'en bas des joues et une jupe au ras du bonbon.
C'est un travail à responsabilité. Je me poste sur le chemin de ronde du magasin, exactement comme dans le château de "medieval total war", et je fais le guet.
Je dois pointer sur un carnet toutes les anomalies que je remarque.
Si c'est vraiment une grosse, genre les mecs de ma bande se pointent emmitouflés dans leur écharpe avec des sacs à dos raplaplas, je laisse faire le vigile, j'suis pas engagé caméra.
- C'est quoi une anomalie ? j'ai demandé lundi à Daniel, quand il a eu fini de donner ses instructions à Gaby. Elle doit pas être futée, Gaby, parce qu'il lui donne des instructions sans arrêt, et ça doit être top secret, parce qu'il ferme la porte du bureau.
- Si je savais, il m'a répondu, j'aurais pas besoin d'un spécialiste. Et il s'est mis à se marrer avec Gaby.
- Ouais, mais genre quoi ? j'ai insisté. J'aime bien qu'on soit précis.
- Eh ben, genre regard de connivence entre un client et une caissière, ou un vigile qui regarde sa montre plusieurs fois de suite.
Le lundi soir, j'avais compté 6 connivences, et repéré une vieille dame avec des mollets de coq et des baskets dorés.
- Qu'est-ce que ça peut me foutre qu'y ait une vieille avec des mollets de coq ? il m'a dit Daniel.
- c'est une anomalie, non ?
- tu crois que c'est à ça que j'te paie ?
- mais tu m'paies même pas !
- Eh ben si, parce que te voir là comme une grande saucisse, ça m'coûte ! Et le v'là qui s'fend la poire avec c'te vieille poule de Gaby.
Pas grave, avec Djibou, mon pote vigile, qu'a un doctorat d'histoire médiévale, on a créé un angle mort des caméras du côté des cannettes.

Où lire Emma

11 commentaires:

  1. J'ai sacrément bien ri à l'histoire de gros bide, seigneur de supérette et grand pourvoyeur de pieds à l'étrier et d'instructions top secrètes :)

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  2. Tout comme Vegas, j'ai bien ri. Les personnages sont on ne peut plus crédible dans leur lourdeur banale !

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  3. On s'croirait dans mon coin ! Sauf que chez moi le gonze de la supérette c'est Momo, il a une tronche de radis qu'a lisé en plus !!

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  4. Super ! c'est vrai qu'on croit à tes personnages ! je te lisais en attendant le début de l'histoire ! :)

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  5. Très drôle, dès le titre ! Un pointeur d'anomalies réjouissant.

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  6. Pleine immersion dans le monde secret de la supérette, l'envers du décor avec des personnages criants de vérité !

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  7. oui, les stages bidons Ne sont des pieds à l'étrier, souvent
    mais parfois, oui
    c'est rare, mais ça arrive

    bien écrit,
    les personnages sont bien croqués, et à croquer... ho gaby, ho lui chanter la mer

    :)

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  8. J'ai adoré !
    C'est vraiment bien vu. Gros bide m'a fait penser à Collignon dans Amélie Poulain.
    Collignon, tête à fion.
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  9. J'ai idée que trois semaines , ça va être long !... ;-)

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  10. C'est d'un réalisme et d'un humour ! Super, j'ai adoré !

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  11. un petit côté Daniel Pennac, avec son personnage Benjamin Malaussène

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