Entre
deux portes, la Rumeur m’a parlé aujourd’hui. Oh tu sais, pas bien fort,
c’était plutôt quelques murmures glissés dans le creux de mon oreille attentive
avec des intonations d’encore, avec des espérances en forme de futur à croire, d’autres
décors, avec des nouvelles anciennes, mais toujours heureuses à réécouter.
C’était
une caresse facile à mon âme latente, un peu d’eau bleu clair à mon moulin
fragile, un peu d’encre bleu turquoise à ma plume gracile, quelques lettres bleu
nuit bien en ordre pour ne pas guérir, pour ne pas blesser et entretenir ma
passion quelques instants, un rayon de chaleur pour mon cœur abîmé, une source d’eau
fraîche chuchotant ses secrets dans les pierres trop dépolies de ma déraison…
La
Rumeur avait un parfum suave d’allégresse ; elle était porteuse de
messages en bleu ciel pour abreuver ma pauvre tête flétrie. Elle avait des
effluves de pommade pour soigner mes bleus au cœur. Elle s’insinuait dans mes
rêves en vrai, pour prendre toute la place que je lui donne, que je lui offre
et qui lui appartient. Elle insinuait tant de bonheur en bouquets de pensées
toutes multicolores et, pendant un moment, j’ai pensé chavirer sous le poids de
ces senteurs printanières tellement inespérées. Je fermais les yeux pour
traduire au plus près ces soupçons irréels…
La
Rumeur avait des chansons en forme de mes hymnes les plus écoutés, les plus
chéris, les plus loyaux. Ces tendres refrains refrénés pour murmurer ma requête
effrénée, dispersés sous le manteau, à l’ombre des turpitudes des autres, des
sourds et des malentendants, ont fait pousser quelques frissons dans le champ
refleuri de mes espoirs. C’était une forme de vibration musicale. C’était une
sorte d’élan sans bouger, une communication directe avec mon entendement, avec
ce que je veux entendre, avec ce que je sais mettre au diapason, pour alimenter
l’harmonie de mes croyances fidèles et intimes…
C’était
la bonne clé pour la bonne serrure pour avancer sans pêne. C’était une
ouverture pour planer vers mon ciel bleu austère, c’était une couverture pour
me réchauffer encore à l’histoire sublime de cette aventure en solitaire. La Rumeur
s’est mise à danser dans ma tête refleurie. J’ai quitté ma carcasse un moment
pour flotter et danser avec elle. Et mon ombre applaudissait ces desseins en
belles couleurs ! Je voyais un pauvre homme, habitant dans un fauteuil
bleu de Prusse, dans l’application sournoise de sa profession…
En
équilibre, sur le fil de ces mots dans le vent, je pouvais tout croire pendant
ces instants et j’auréolais sans pudeur mon plaisir renouvelé de comprendre, à
ma façon, cette fontaine bleue limpide, désaltérante et salutaire. Echo
opportun, la Rumeur se faisait ma confidente inespérée pour tuer ces jours de sombre
brouillard ; j’entrevoyais les bourgeons de nouvelles hypothèses mille
fois semées dans la terre de son île que je veux croire encore tellement
accueillante. C’était bien…
On
peut planer avec la Rumeur quand elle pense dans le même sens que les débordements
de son cœur. Elle est comme un drapeau grand ouvert, bercé par un vent favorable,
comme une voile lointaine qui s’éprend du grand large bleu outremer et qu’on ne
peut regarder qu’avec l’envie de voir où le soleil se cache. Elle est comme un
parfum capricieux, mais tellement utile à des narines attentives…
Elle
est une drogue obligeante…
Et
puis, j’ai fait parler la Rumeur, trop longtemps, plus que de
raison, pour lui faire avouer ce que je voulais entendre, ce que je
voulais croire sans être sage, pour rester encore sur mon petit
nuage, couleur d’orage bleu indigo ! Alors, la Rumeur s’est
tue et elle a tué un vieux nigaud…
Il faut toujours prévoir un broc d'eau pour que la source ne se tarisse jamais, son son est salutaire est si doux...
RépondreSupprimerTon texte est magnifique, j'y retourne :) !
Hello Maryline, j'ai écrit ce texte, il y a dix ans; les Impromptus ont rajouté la conclusion qui manquait à ma Rumeur... ;)
SupprimerVoilà que quand le monde est gris, le monde est bleu ! Quelles belles visions elle te donne, en tout cas ! Une drogue puissante !
RépondreSupprimerIl manquait le dénouement, Joe. Les Impromptus l'ont rajouté... ;)
SupprimerIl en est des rumeurs comme les humeurs ? Il y a les bonnes, et les mauvaises ?
RépondreSupprimerUn texte tout en douceur. ];-D
Je te dédie mon prochain texte, Pascal...Pardon de t'avoir oublié.
RépondreSupprimerTon écriture flamboyante est toujours aussi agréablement poétique.
¸¸.•*¨*• ☆
La rumeur est telle que nous la voyons et nous l'approprions. Toi, tu sais l'apprivoiser en la faisant douce. Magnifique texte Pascal que j'ai lu deux fois - pour me l'approprier - avec un grand plaisir
RépondreSupprimerTon dévoué. :)
SupprimerHello Célestine, je t'enjoins de lire la conclusion qui manquait... ;)
RépondreSupprimer;-)
SupprimerUn bien joli chant
RépondreSupprimer"Un drapeau grand ouvert, bercé par un vent favorable"... C'est bien le problème, et avec quelle acuité, aujourd'hui !
RépondreSupprimerC’est fichtrement bien écrit !
RépondreSupprimerBien conservé pour un 10 ans d’age :-)
RépondreSupprimerPas une ride... ;)
SupprimerJ'ai pas trouvé de suite "la bonne clé pour la bonne serrure pour avancer sans pêne", mais c'est le privilège des grands textes : bravo.
RépondreSupprimerEt qui gagne à la relecture : très belle écriture.
Un autre regard porté sur la rumeur, tout en douceur oui.
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