La bête pharamine.
C'était il y a plus de
cent ans. Le bourg
de Tirelignol - dont le bon Henri Queuille, futur Président du
Conseil et premier de nos illustres Présidents Corréziens -
s'éveillait doucement. Déjà les clameurs du marché envahissaient
les ruelles étroites. Les commères en fichu sombre vantaient leurs
œufs, beurre et volailles jacassantes aux bourgeoises pressées.
Soudain un cri perçant
déchira le village et l'on vit surgir le ramoneur brandissant ses
ustensiles en hurlant : "Je l'ai vue ! Je l'ai vue !" Les
bonnes gens se poussèrent du coude et s'esclaffèrent : on savait
que le bonhomme commençait tôt sa journée au bistrot "Chez
Boisec" pour se donner du cœur à l'ouvrage.
Les choses en seraient
restées là si, dans le quart d'heure, n'était arrivée, hagarde
et soufflant fort, la laitière attelée à sa charrette à la place
de ses chiens, ses bidons de lait s'entrechoquant dans un vacarme
épouvantable. "Mes petits sanglotait-elle. Quand il a bondi
sur nous, ils ont cassé leurs harnais. Il va me les mettre en
charpie "
Puis, le colporteur, les
yeux exorbités, déboula sur la place traînant derrière lui son
ballot éventré d'où pendaient colifichets et longs cheveux emmêlés
- il échangeait ses merveilles contre des chevelures et aussi des
peaux de lapin - "Mon Bramadan ! Mon âne ! Il s'est ensauvé !
Je n'ai rien vu de pareil, non, jamais !"
La rumeur avait balayé
le village comme une tornade. Les bonnes gens déboulaient des
quatre coins de Tirelignol. Même ceux qui n'avaient rien vu
ajoutaient leur grain de sel à l'affaire. Ah ça ! Tout de même :
on devait s'inquiéter à la fin. Tout le monde fit cercle autour du
trio. Le ramoneur sautait sur ses jambes comme sur des ressorts, la
laitière pleurait dans son tablier et le colporteur s'arrachait ses
derniers cheveux. "Mais qu'en est-il ? Vite ! Vous autres,
prévenez le maire, le garde champêtre et la maréchaussée !"
s'époumonait la foule des badauds.
- J'ai vu, commença le
ramoneur en gesticulant, un bœuf sans
cornes debout contre un arbre ! Il poussait des grognements terribles
!
- Moi, hoqueta la
laitière, c'est le diable que j'ai vu oui ! Le diable rouge comme du
sang ! Ah ! Pauvres de nous !
C'est la punition : je le savais bien !
Le
colporteur assura qu'il avait croisé un cochon énorme, avec des
longs poils, qui se déplaçait en se dandinant.
Les
conversations allaient bon train et chacun s'interrogeait sur ladite
bête quand Monsieur le Clerc de notaire passant par là affirma
doctement qu'il s'agissait sûrement de la bête pharamine. Cela
tombait sous le sens. Personne n'osa poser de questions. Monsieur le
Clerc savait : il avait étudié !
Mais
bête pharamine ou pas, il fallait d'urgence se mettre à l'abri. Les
femmes, toutes classes confondues, se précipitèrent à l'église.
Monsieur le curé, profitant de l'aubaine les enjoignit à la prière
pour éloigner le Malin. D'ailleurs, il avait bien remarqué que si
certaines tremblaient de peur, d'autres frissonnaient délicieusement
!
Les
hommes s'en furent à la gargote boire la goutte pour se remettre de
leurs émotions et échafauder des plans afin de défendre le
village. Les plus vaillants parlaient déjà d'organiser une battue
avec fourches et fusils.
Près
de là, pendant ce temps, dans la clairière ensoleillée et vibrante
de chants d'oiseaux, Marcello s'étirait voluptueusement après une
bonne nuit de sommeil. Il siffla son ours qui se laissa docilement
enchaîner et museler. Tous deux, l'un tirant l'autre, prirent
tranquillement le chemin de Tirelignol. "Allez Pépo ! Allons
amuser la galerie mon compère ! C'est l'heure ! Basta."
Et voilà comment créer un monstre de toute pièce!
RépondreSupprimerLe baladin avait un caractère assez renfermé, au moins autant que son ours,
RépondreSupprimerMoralité : Les ours se suivent et ne ressemblent pas ! ];-D
Tu m'as bien fait marrer Marité.
Comme tu racontes bien ! Je redeviens une petite fille en lisant ton histoire ! :)
RépondreSupprimerAh, bien, je la connaissais pas cette bête-là, joli conte campagnard bien troussé (j'ai pensé au gorille de Brassens un moment...)
RépondreSupprimerSouvent, la rumeur précède la réalité. C'est bien raconté.
RépondreSupprimerCa m'a fait penser à cette histoire de loup dîtes donc. Sacré rumeur.
RépondreSupprimer*Sacrée
SupprimerC'est sûr, j'y étais sur cette place de marché! C'est si bien raconté !!
RépondreSupprimerBelle histoire prenante et du cru
RépondreSupprimerQui l'eut cru
:)
Lustrucu !
SupprimerSi j'étais Stouf, j'aurais dit autre chose. Muhaha ! :-)
Ben, sans vouloir le faire...:-))
RépondreSupprimerlustucru naturellement !!!
Dit c'est dit mdr :))) stouf sort de ce corps !!!!
SupprimerMerci pour vos coms et merci aussi d'avoir souscrit (et écrit sur) à mon thème ;-)
RépondreSupprimerC'est encourageant. En attendant le prochain, j'en prépare d'autres ! Ha ha !!!