vendredi 18 mars 2016

Claudie - Animal

SOIF

J’entends un grondement au loin. Le soleil implacable me coupe les ailes. Cela fait des heures que j’ai quitté mon hôtesse. Une  ingrate qui m’a cruellement chassé à coups de queue. Je ne voulais pas l’énerver, l’efflanquée aux yeux stupides, simplement lui prélever un peu de sang si précieux.
L’hallali a sonné pour moi et mes congénères. On a raconté des sornettes dans les médias, écrit que je suis maléfique et nuisible. J’ai même fait la une des journaux télévisés. Rançon de la gloire, je les ai vus débouler dans les jardins, tous vêtus d’une combinaison blanche, masque à gaz sur le nez. Et que je t’arrose les futaies, les moindres flaques d’eau, et même les parterres de fleurs avec un produit volatile et mortel...
Je me suis bien regardé dans le miroir d’un étang. Narcisse très beau, zébré de noir et blanc. En habit léopard, très élégant comme dans les films d’autrefois. Ils n’aiment donc pas leurs créatures les plus élégantes ; celles qui se meuvent avec grâce !
Notre pauvre monde ne tourne plus rond et l’on m’accuse moi d’être un réducteur de cerveaux ! Ha ha, ils me font bien rire.  Ce sont eux les vrais coupables, eux qui prolifèrent et détruisent leur environnement. Dans leur soif de bien-être et leur arrogance, ils s’en prennent à nous les mutants. Mutant on ne le devient pas par hasard, à force d’ingérer toutes leurs saloperies chimiques, j’ai bien dû m’adapter et vite.
Poursuivi par une horde haineuse, Je me suis fait le passager clandestin d’une traversée  longue et difficile. J'ai bien failli y laisser la vie, ballotté comme un fétu de paille dans la soute d’un cargo puant. A peine débarqué sur mon radeau de bois, en fait un cageot griffé coca cola, j’ai aperçu  un bambin de leur race. Abandonné sur la plage le malheureux. Une aubaine, malgré sa peau bistre peu appétissante. Après des loopings acrobatiques pour me défroisser les ailes, j’ai atterri en douceur sur ses épaules nues. J’aime particulièrement les rondeurs de l’enfance. J’ai aspiré avec ma trompe tout le bon sang jeune et frais sans l’ombre d’un remords.
Vengeance effervescente. Celle de la créature que l’on cherche à éradiquer dans son lieu de vie.
Je suis devenu le plus dangereux et le plus féroce des moustiques. Celui au nom de danseuse de salsa qui ne fait pas rêver : Zika ! Quel dommage !
Voilà que défilent sous mes ailes les rives boueuses du fleuve. je vais y déposer mes œufs (car je suis femelle, eh oui ). Un endroit nauséabond, le nid douillet pour mes précieuses larves.
Dans ce nouveau monde, ils appellent la terre nourricière. Une aubaine !

4 commentaires:

  1. Un vrai plaisir de lecture. Merci.

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  2. Jolie idée de prendre le point de vue du moustique !
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  3. oh la belle idée et le beau texte dont tu nous gratifies... plein d'humour et de vérités...
    Là encore, j'ai un livre de jeunesse référence pour le moustique
    "Docteur piqûre" de Grégoire Solotareff... Ah ces moustiques !
    avec le sourire

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