EPILOGUE
- En subsistera-t-il seulement
quelques traces ?
Elle se redressa du bain de
soleil où elle s’était allongée. La lueur d’amusement dans son regard lancé
par-dessus ses lunettes, et l’arc du sourcil gauche légèrement relevé, la
dispensaient de toute question.
Il avait complété simplement,
perdu encore dans ses pensées.
- Des traces … des traces de
nous.
Elle s’était assise, enroulée
dans le drap de bain blanc. Le temps était aussi passé sur le corps ferme et
l’ovale de son visage mais il lui avait conservé la finesse de la silhouette et
la douce jeunesse d’un sourire désarmant.
- Est-ce vraiment si important ?
- J’aimerai tant que des petits morceaux de nous adhèrent encore à ces lieux lorsque nous les aurons abandonnés, parce que la vie, parce que la mort peut-être. A cette maison où nous nous sommes aimés et nous aimons toujours. A la pierre des dalles chaudes sous le soleil. A l’horizon bleu que nos fenêtres ouvertes découvrent. Aux rires de nos amis qui résonnent encore. Au ciel étoilé des nuits de juillet. A l’ombre souple de nos chats assis au pied du saule, rêvant de pays que nous ne saurons jamais. Nous ne nous sommes pas prolongés dans d’autres nous-mêmes, j’en étais incapable et sans doute t’ai-je privée de ce bonheur-là …
- Est-ce vraiment si important ?
- J’aimerai tant que des petits morceaux de nous adhèrent encore à ces lieux lorsque nous les aurons abandonnés, parce que la vie, parce que la mort peut-être. A cette maison où nous nous sommes aimés et nous aimons toujours. A la pierre des dalles chaudes sous le soleil. A l’horizon bleu que nos fenêtres ouvertes découvrent. Aux rires de nos amis qui résonnent encore. Au ciel étoilé des nuits de juillet. A l’ombre souple de nos chats assis au pied du saule, rêvant de pays que nous ne saurons jamais. Nous ne nous sommes pas prolongés dans d’autres nous-mêmes, j’en étais incapable et sans doute t’ai-je privée de ce bonheur-là …
Elle l’interrompit :
- Mais en avais-je vraiment le
désir, au fond ? Tu vois, je crois qu’il est vain de vouloir laisser une
trace de notre existence petite, futile. Simples vies d’homme et de femme. Mais
j’ose imaginer que ceux qui nous survivront et qui nous auront connus, nous
garderont dans les replis de leur mémoire. Et cela est à mes yeux, plus
important que tout. L’oubli est le vrai tombeau des hommes.
L’été qui s’était fait tant
attendre n’en finissait pas de mourir dans la langueur de chaleurs torrides entrecoupées
des soubresauts d’orages brefs et violents. Les premières gouttes tombèrent
soudain, lourdes réponses au grondement d’un tonnerre s’approchant. Ils
ramassèrent livres, coussins et serviettes et regagnèrent l’abri de l’auvent
sur la terrasse. L’eau était désormais rideau rebondissant sur le sol, couchant
les fleurs des bordures.
Ils étaient serrés l’un contre
l’autre. Elle posa la tête sur son épaule et murmura :
- Regarde, c’est joli la pluie
sur la piscine.Où lire l'Arpenteur
Quelle belle fin... provisoire!
RépondreSupprimerAvec cette pépite L'oubli est le vrai tombeau des hommes...
Comme pour Chri, "l'oubli est le vrai tombeau de l'homme" interpelle.
RépondreSupprimerEt cette pluie sur la piscine me rappelle quelque chose, un ancien thème ou bien l'un de tes textes
Là, c'est vraiment la fin ! Thème respecté à la lettre, je trouve !
RépondreSupprimerJ'aurais vraiment aimé lire ce roman...vraiment.
RépondreSupprimerIl y a quelque chose de très vivifiant à te lire.
"Au ciel étoilé des nuits de juillet. A l’ombre souple de nos chats assis au pied du saule, rêvant de pays que nous ne saurons jamais." C'est très beau...
¸¸.•*¨*• ☆
Moi aussi, j'aurais sûrement aimé ce roman de deux vies mêlées et d'un amour qui ne sont pas finis. Et qui laisseront leur empreinte. "L'oubli est le vrai tombeau des hommes", c'est vrai.
RépondreSupprimerAmbiance clair-obscur, questionnements sans réponse, vagues à l'âme de fin d'été, et puis il y a cette certitude d'avoir déjà un pied dans le néant. Tu fais bien ressortir l'insignifiance de l'homme dans ce monde; cela mériterait d'approfondir le sujet par un autre chapitre... :)
RépondreSupprimerUne douce mélancolie se dégage de ce texte magnifique.
RépondreSupprimerL'amour, palpable et présent, présenté comme la seule éventualité d'universalité devant l'injonction du néant... Quel thème !
RépondreSupprimerQu'elle t'aime ? ;)