Mon
cycliste à moi
L’ombre de lui, c’est
ce qu’il m’restait quand tout fut cuit. Quand,
il s’en fut au vent mauvais, j’en restai paf, toute tristounette, les
bras ballants, les poils en berne, le cœur au puits.
Il avait un sacré braquet, de vélo cet asticot, il était mon péché, un
des sept, des capitaux.Je m’demande encore
pourquoi s’il est taillé, sans tambour, sans un mot, sans trompette, mes carnets
de chèques et mes valeurs au bois dormant, échappés, envolés. Lessivée que
j’étais, juste mes mouchoirs et mes cheveux ternes pour pleurer la belle
histoire, ce beau roman, l’amour toujours et les violons.
M’abandonnant lamentable, pantelante, et
flagada, ses paquets de clopes, ses vieilles chaussettes, le lampadaire, un vrai
foutoir qu’il me laissait, les cale-pieds, ses cassettes de kungfu, la vieille télé
et des briquets. Il ne manquait pas d’air, l’animal, avec intérêt et principal,
deux roues voilées, là, et de vagues effluves dans notre nid, aigres. Et la
rancune, le parfum de son aftershave,
ses aisselles, l’odeur des pétasses qu’il m’ramenait au lit, quel
sagouin ce malappris.
Si seulement, il avait été, aussi beau que
le charcutier. J’aurais pu lui trouver des excuses, des circonstances atténuées. Mais il avait une
sale gueule d’emmerdeur patenté, ce p’tit branleur pas distingué, toujours à
faire les 400 coups, bombance, et la fiesta, avec ses copains, ses casiers de
bière, ses chips au sel, pizza et paprika.Et le saucisson du père Justin,
Bridou ou Dodu, peu importait la qualité
pourvu qu’il ait l’ivresse, encore mieux que ses maîtresses, les pieds sur l’canapé,
les mégots au débouché.
Si seulement, il s’était comporté en
gentleman très distingué, des fleurs qu’il m’aurait rapportées, m’aurait parée
de colliers et de bracelets en or, en diamants. Se serait prosterné à mes
pieds, m’aurait acheté la terre entière pour m’épater, mais il jurait comme un
charretier, mentait comme un arracheur de dents cariées, une plaie, qui ne
manquait pas d’air. Il m’avait mise sur le trottoir, j’étais d’accord, j’suis
une bonne poire.Quand on aime, on ne compte pas ni son temps ni ses avoirs.
Si seulement m’avait laissé la jouissance
dans la masure. Mais en cette matière, pas question de faire bonne mesure.
M’avait plumé la toison, mangé la laine sur le dos, ratiboisé dans les
fondements. J’en serais bien restée là, tout esbaudie et l’âme en miettes,
quand il revint tout de go, me sonner sans tralala pour me demander sans plus
de façon, si je pouvais, tels des amis, en souvenir du bon vieux temps, lui
prêter ma bagnole qu’il ne m’avait pas chouravée, l’occupant, j’avais du bol, à
ce moment-là à mon usage et mes clients bien tarifés. Encore un peu, c’était à pied que je
découvrais le pot aux roses. Son sourire faux, ses yeux pervers, ses mots
menteurs, un vrai pari que notre fusion,
m'susurra-t-il, une belle alliance que
nous formions, toi et moi, nous,le fiel fielleux d’un serpent qui
se mord la queue, et ces moments
merveilleux, moi et toi, nous,le firmament !
Je lui dis oui, comme toujours et sans
morfler, suppliant dernier service, s’il le voulait, le désirait, de faire un
bout de chemin, jusqu’au p’tit bois, allez, une dernière fois, un p’tit câlin,
une sauterie sans façon, au débotté, et gratuitement, en souvenir de nos instants, des coups de
pédale de mon coureur, mon préféré, mon homme sans peur, mon héros de conte de
fées, aussi puissant et aussi fort, un athlète, un pur, un dur.
Si seulement il avait eu deux doigts de
jugeote. L’aurait stoppé net le vitriol qui suintait de tout mon corps et
j’allais lui servir, en surprise papillote, le menu dégustation, apéritif et
mise en bouche, plat de résistance et dessert, mignardises et coucougnettes,
emballées en point final, au fond des bois, trois petits tours, et il s’en fut.
Sous cinq mètres de terre et de bonne tourbe.
Probablement j’en doutais pas qu’il ferait bientôt un super fumier étoilé, un
compost de première qualité, car il demeurerait à jamais, le compagnon,
l’amant, le prince charmant et des blattes et des vers et des champignons, des
bolets, des cèpes et des amanites tue-mouche.
Où lire Anne de Louvain-la-Neuve
Où lire Anne de Louvain-la-Neuve
Le dopage au vitriol a ceci d'intéressant qu'il ne laisse aucune trace dans les urines :)
RépondreSupprimerQuelle aventure encore une fois, Anne!
Merci Vegas. Juste un petit problème de glu entre le "ver" et le "et" qui précèdent "champignons" à la dernière phrase. Bizarre : ce qui nous donne des "verset" (sans "s") de champignons, ça peut être aussi intéressant. Mais si vous en avez le pouvoir, ami des mots, saisissez votre hache et débitez donc cela en deux morceaux. Mais si ce n'est pas possible, je ferai comme l'héroïne assassine, je m'assiérai dessus en attendant que ça passe. En tout cas, merci pour vos toujours si gentils commentaires.
RépondreSupprimerVoilà qui est fait, Anne! Bonne journée
SupprimerOh, merci ! C'est super.
RépondreSupprimerL'ombre est tenace et tout aussi invivable.
RépondreSupprimerTotalement, et elle sent mauvais en plus !
SupprimerOuiii...moi-même,une fois,j'ai bien connu Ghislain Lambert ! ;o)
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=MU-kZOXbuo4
Aurions-nous le même voisin ?
SupprimerQuel excellent texte, un portrait un peu corrosif. Une de mes amies d'Afrique m'avait promis que je finirai dans le chaudron, j'ai eu chaud.
RépondreSupprimerMerci Fred pour ce compliment mirobolant. Auriez-vous commis quelque méfait ?
SupprimerJe découvre ici une plume volubile et ma foi, fort habile ! ;o)
RépondreSupprimerTous les commentaires sauf les deux derniers ont disparu aujourd'hui. Mais j'ai trouvé le vôtre et vous en remercie...
SupprimerBien envoyé ! Avec brio, le scélérat est terrassé ! :-)
RépondreSupprimerHeureusement, je vous trouve sur cette page quasi entièrement jaune ! Mon dieu, est-ce la vengeance du serpent à plume ? Merci Albiréo pour votre soutien à notre tueuse au vitriol parce qu'elle le vaut bien.
SupprimerCa part dans tous les sens et c'est sublime....
RépondreSupprimerJ'ai le rythme donné par la répétition des "si seulement"... et oui, si seulement.... Et pourtant, un jour....
Merci Clémence. Ma page est toujours aussi jaune pâle et seuls les trois derniers commentaires subsistent : mais que fait la police ? Je vous trouve donc, rescapée dans ce naufrage. Merci.
SupprimerJ'ai retrouvé ma page de commentaires et pu répondre à vous tous qui avez eu la gentillesse de me lire et de me laisser un gentil message. Merci à tous.
Supprimer