vendredi 30 octobre 2015

Ecri'turbulence - Une photographie


  • Tu te souviens du mariage de la Mémère Loulou ?
  • Comment veux-tu que je me le rappelle ? Je n'étais pas née, c'est notre arrière-grand-mère !
  • Je sais bien ! Mais, comme moi, tu en as entendu parler, non ? Et de ceux qui assistaient à ces épousailles !
  • Ah ! C'était une sacrée bonne femme la Mémère ! D'ailleurs, c'est elle qui a toujours porté culotte dans le couple. Le Pépère, on dit qu'il a jamais eu trop droit à la parole !
  • De toute façon, il n'a pas eu le temps de parler longtemps ! La guerre l'a fauché promptement !
  • On dit que la Mémère s'en est vite remise de son deuil ! Qu'elle a pas gardé le noir pendant le temps réglementaire. Tu le reconnais, celui qu'elle a marié après ? L'accordéonneux, là, en bas à droite !
  • Bien sûr. Il avait mis sa fille dans la dot. Parce que quand la Gustine elle a décampé, elle s'est pas encombrée de la mioche.
  • C'est vrai, la Gustine… mais elle était pas aux noces de la Mémère ?
  • Mais si, regarde ! au troisième rang à gauche avec son chapeau à panache. Déjà, elle se mettait pas à côté de son homme : elle lorgnait sur le Paul. C'est pour ça qu'elle s'était placée derrière lui. Ni vu ni connu ! Et la p'tiote, c'est comme si elle le sentait, elle était venue se coller mine de rien à côté de la Mémère.
  • Pauvre gosse ! Remarque, elle a pas perdu au change ! Quand la Mémère a ouvert son hôtel de passe, place de la Carrière à Nancy, elle l'a mise derrière le comptoir, et c'est elle qui était chargée des encaissements.
  • Et les autres qui sont autour des époux, t'en reconnais quêque-z-uns ?
  • Oui, l'Adélaïde, juste derrière la mariée. On dit qu'elle est tombée dans la bouteille quand son Paul il est parti avec la Gustine.
  • Ah mais, elle était pas à côté de lui sur la photo ! T'as vu les nains qui l'encadraient ?
  • Oh mais le Paul c'était un galapiat. Il lui avait collé ses deux frères aux fesses et pendant qu'ils l'occupaient, il faisait le joli cœur avec la Gustine.
  • Mais… la Mémère Loulou, tu t'en souviens, toi ?
  • Bien sûr ! Quand j'étais petite, je devais aller lui souhaiter la bonne année. Elle m'effrayait avec sa figure complètement fardée, rouge aux lèvres, poudre et yeux maquillés. Je croyais que c'était une sorcière. Maman et Papa avait beau me dire que c'était mon arrière-grand-mère et qu'elle était gentille, j'étais complètement terrorisée.
  • N'empêche. Quand on regarde cette photo, c'est vrai qu'elle avait l'air gentil, la Mémère.
  • Elle n'en avait pas que l'air, tu sais. Elle l'était.

12 commentaires:

  1. Un texte bien enlevé, hop, les galipettes passées !

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  2. Faut pas croire que nos aïeuls se privaient de parties de jambes en l'air ! Mais il ne le divulguaient pas sur Facebook ;)

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    1. Excellent lol. Heureusement qu'il n'y avait pas Facebook 😃

      Très bon texte aussi, facétieux à souhait!

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  3. L'Arpenteur d'étoiles31 octobre 2015 à 10:12

    j'adore tout : la photo magnifique (et super nette), le dialogue, l'histoire familiale et la personnalité de Mèmère Loulou ... sourire et tendresse ...

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  4. Mon vieu pépé m'a un jour parler de son père qu'avait connu une certaine "goulue" un ou deux soirs.Il parait que quand elle arrivait dans le clac,plus personne ne bronchait...elle payait la tournée générale et montrait du doigt un homme (jamais le même).S'il ne voulait pas monter avec elle au "salon"...ses sbires s'en occupaient.
    Mon arrière pépé il revenait de six mois de pêche à la morue à Terre Neuve...biensure,il n'a pas hésiter !
    Parlons nous de la même dame au chapeau ?

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    1. Mon aïeule officiait à Nancy, dans les années 30/40. Je doute que les Terre-Neuvas, de retour sur la terre ferme, fassent le voyage jusqu'aux confins de la France... Mais, ma Mémère Loulou ne montait pas, elle. C'étaient ses filles qui faisaient les honneurs aux messieurs ; il paraît que la garnison de gendarmerie de cette époque y avait ses habitudes.

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    2. Aaah ouiii...mon arrière arrière mémé m'a bien aussi parler de c't'affaire ! En ce temps là c'était Dédé "la nancéen" qui tenait le haut du pavé et c'est certainement pour cela que moi-même je suis gendarme.
      Oups...nous allons procéder à une vérification d'identité madame Martine !
      Puis-je me permettre d'effectuer une palpation réglementaire de votre corps (pour voir si vous n'avez point une arme sous votre jupe...ou un truc çacomme) ?
      Eh...on est en 2015,on rigole plus là ! 8:)))

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  5. Au bon vieux temps des 'tuyaux de poele' on savait se marier et les chapeliers étaient riches !

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    1. Les chapeaux reviennent à la mode, mais les maisons dites closes ont perdu de leurs dorures. C'est maintenant dans de pitoyables camionnettes que ces dames font honneur aux messieurs. Il paraît que ma grand-mère-maquerelle était réputée pour "prendre soin" (à tous les sens du terme) de "ses filles", pas de les exploiter. C'est même à l'une d'entre elles qu'elle avait confié le soin de déniaiser son fils... mon grand-père. Les temps changent et les chapeliers reprennent du poil de la bête ;)

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    2. Aaaah ma pauvre dame...si vous saviez !
      Rue Blondel...y a plus que des ateliers de couture avec des jeunes chinoises qui sortent à 19 heure en parlant fort le chinois. On s'enmerde...bonsang !
      35 ans que j'habite avec maman,là-haut,au troisième étage,aussi avec nanie,une pute qu'est ma femme et que j'aime d'amour.
      Y a même plus les paniers à salade et les gueulantes vers 2 heures du mat,quand c'est que les alcooliques se battaient pour finir la nuit.Ni les coups de couteaux et la page des "faits divers" dans le journal du Dimanche.
      Plus rien...
      Le monde des apaches c'est finit !

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  6. Cette conversation superbement écrite m'a donné l'impression d'être assise dans un petit coin du canapé et de participer silencieusement à l'évocation des souvenirs...

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