Le début de "L'invention des cendres" c'est ICI
« Je suis un accident... ». Elle arracha la première page et la déposa sur le feu. Elle saisit la deuxième page entre ses doigts et continua la lecture de sa vie.
« Je dois écrire. Je ne sais pas pourquoi, mais je sais que je dois écrire... »
Dès l'enfance, elle avait déjà cette volonté de se servir des mots, des mots écrits surtout. Pour ne pas oublier, pour comprendre.
« A la maison, la vie est tranquille. Très tranquille. Personne ne vient jamais. Mes amies, elles ont la visite de leur tante, de leur oncle, de leurs cousins et cousines… Moi, je ne vois personne.
Mais cela s'explique. Toute la famille ne vit pas dans le même pays que nous et le voyage coûterait trop cher, répète ma mère.
Les filles de ma classe ne viennent pas chez moi. C'est trop petit, disent-elles. Si je vais chez elles, nous devons rester dehors.
C'est ainsi. Mais je sentais bien qu'il y avait quelqu chose derrière tout cela. Je finirais bien par savoir….
"Quittant un instant le récit, elle se dit…. J'ai fini par le savoir, mais à quel prix...…. "
« Il se passe quelque chose à la maison. Mes parents bavardent , discutent … puis ça se termine en dispute. L'un et l'autre tient bon. Mon père, en partant et en claquant la porte, ma mère en frottant…
Le calme est revenu dimanche. Ma mère est allée chercher de la tarte. Mon père et mon frère ont mis leur costume. Ma mère a mis une belle robe. A moi, elle a enfilé la robe rose foncé, celle que je n'aime pas.
La table est mise.
J'entends le bruit d'une voiture. Un homme et une femme. Que je ne connais pas. Deux garçons et une fille… que je ne connais pas.
D'où viennent-ils ? Je n'en sais rien. On ne m'a rien dit. Et je sais que je ne dois pas poser de questions…
Ils s'embrassent et parlent fort, avec un accent que je reconnais. Il ne faudra pas longtemps avant qu'ils ne parlent plus français mais….Alors, j'irai jouer dehors. Peut-être avec la fille… et les deux garçons.
Je m'apprête à filer en douce. Ma mère me fait signe de rester.
J'écoute, je tortille mes mains et une mèche de cheveux, je piétine.
- Ah, alors, la voilà, la petite. Et elle travaille bien à l'école ! C'est une chance ! Elle n'est pas gentille ? Comment cela ? Ah, elle répond….elle parle tout le temps...Mais ce n'est pas grave…
Et puis, ils parlent de mon grand frère. Il est gentil et même timide, mais il travaille beaucoup. Il reçoit des livres et des jeux d'un voisin. Il sait déjà ce qu'il veut faire plus tard… c'est bien !!!!
Et combien d'années de différence avec la petite ? Ah, autant tout de même…
« C'est un accident…. »
Ces mots claquent, je les reçois comme une gifle... »
Elle soupira.
- A peine l'âge de raison et déjà ce fardeau s'est incrusté dans ma mémoire….
Elle regarda la pile de carnets avec compassion. Elle était un accident, c'était son entrée dans la vie. Elle pinça les lèvres en pensant au nombre de fois où cette phrase était venue ponctuer son identité.
Un sentiment d'amertume et de rage enflammèrent ses joues. Depuis quelques années, elle savait qu'il y avait encore un « avant » à ce commencement.
Elle saisit cette deuxième page, l'arracha en se demanda une fois de plus pourquoi tant de personnes, à leur fin de vie, se soulageaient des quelques sombres secrets qui avaient empoisonné leur vie.
La flamme, ravivée, engloutit la question et dévora le feuillet….
Une autre question déboula brusquement alors qu'elle s'emparait de la page suivante et qu'une photo apparut….
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