L'ombre de mon corps m'agaçait, Elle jouait la
dissidente et me contrariait. Bien sûr qu'elle réussît à me faire peur. Elle ne
m'obéissait pas. Je fus désarmé face à ses mauvais tours. La vie ne tenait
pourtant pas qu'à une ombre mais celle-ci me rendait d'une humeur noire.
Le premier avertissement, je le reçus alors qu'en
ombre chinoise je formais un cœur pour mon amoureuse du moment. Je fus dérouté de
le voir transpercé. Je tournais la tête, soulevais le drap, j'éteignis la
lumière, sans rien voir. Celle qui faisait battre mon organe, déconcertée, me
traita de tous les noms, me gifla puis s'en alla.
J'étais abasourdi. Mon ombre me desservait. .
Au fil du temps qui passait, cette immonde
démiurge, cette ombre malfaisante,
continuait de me harceler. Elle m'obligeait à choisir mon trottoir, le
côté mal éclairé celui sur lequel elle ne pouvait rien déformer sauf lorsqu'une
soudaine lumière se déclenchait.
J'en étais arrivé là, à me cacher du soleil, de la
lumière. Cette ombre me pourrissait la vie et bien entendu elle prit un malin
plaisir à continuer de le faire. Ses armes factices avaient dissuadé mes
prétendantes . Effrayées elles me quittaient la culotte en bas des genoux,
le soutien-gorge abandonné sur ma couette.
Je me masturbais violemment au fond du placard
dans le noir le plus complet pour être à l'abri d'une arme tranchante, en proie
à des envies irrépressibles. Mes amours impossibles excitaient mes sens. Je ne
me contrôlais plus.
Mais mon ombre était là, à l’affût.
Fatalement on m'enferma à l'hôpital psychiatrique.
Mes névroses s'amplifiaient. Ma conduite devenait irrationnelle. Le corps
médical voulait me protéger de moi-même. Je fus immobilisé par une camisole de
force alors que sous la lumière blafarde mon ombre se jouait de moi.
Elle plantait épée, couteau, paire de ciseaux,
fourchette imaginaires à chacun des endroits que je ne pouvais dissimuler. Plus
je criais, plus mes doses de neuroleptiques augmentaient, seules réponses
médicales à mes tourments.
J'avais peur de mon ombre, elle m’épouvantait.
J'avais peur de mon psychiatre, il m’inquiétait.
Ce thérapeute à la paupière fébrile me
surveillait, distraitement, il ne croyait pas à mes angoisses , trop
occupé à observer les tremblements de sa main gauche. Son état empirait jour
après jour. Peut-être qu'inconsciemment son ombre l'oppressait. J'étais contrit
pour lui. Le processus s'inversait c'était surréaliste. Un diable livré aux
mains de son homologue.
Ma propre ombre me pourchassait, impitoyablement,
sans relâche.
Lorsque je fus enfin libéré de mes entraves, je
dévissai l'ampoule du plafonnier pour me protéger. Accroché à la douille je reçus une décharge
électrique, ma main resta comme scotchée à la lampe. De mes cheveux à la pointe
de mes pieds, mon corps fut arc-bouté, tendu, presque cramoisi. Mes muscles
bandés tremblaient sous l'agression des 220 volts.
Le médecin se curait les ongles, indifférent.
Mon ombre s’agitait. Je la regardais se battre contre
la violence de la tension. Elle passait par toutes les couleurs. Elle se
décomposa, se liquéfia pour enfin disparaître.
Je m'habituais petit à petit à la lumière, au
soleil. Mon absence d'ombre ne me rassurait pas pour autant. Je me sentais
abandonné.
On est tous victimes de notre ombre. Je dirai - à ta décharge - que ce thérapeute était la seule ombre au tableau...
RépondreSupprimerC'est la peur de son ombre jusqu'au délires paranoïaques; c'est un texte très noir malgré une petite lueur, avec ce 220 volts... ;)
RépondreSupprimerEh ben dis donc ! quel imaginaire ! Je me suis bien amusée à la lecture de ce texte sans pouvoir en prévoir la chute, bon texte !
RépondreSupprimerUn texte "costaud" saisissant jusqu'à en avoir les cheveux qui se dressent sur la tête...
RépondreSupprimerJ'ai aimé cette description d'un univers particulier....