LES
DERNIERS JOURS DES SOURDS
Depuis bien longtemps, les vieilles maisons
se serraient l’une contre l’autre, simplement pour tenir debout ; elles
habitaient « L’impasse aux chats » , hommage silencieux aux félins
qui hantaient les escaliers croulants, un perron voûté, une vitrine fendue
derrière laquelle, obstiné et vaillant l’horloger Jasmin s’entêtait à mettre
les pendules à l’heure.
Il avait sa clientèle furtive de petites
gens, gênés d’être quelconques et pauvres pour toujours. Ce qui ne les empêchait
pas de sourire à l’horloger dont les doigts de fée effleuraient le cadran, le
désincrustaient, en deux parties, tandis que son œil nanti d’une loupe lisait
le secret des écrous minuscules et des roues dentelées. Jasmin aimait le temps
qui passe et, quelquefois, ayant fureté longtemps au vieux Marché dominical,
parmi les clous, les vis, les couteaux ébréchés, les ferrures de portes étalées
à même le sol, il en ramenait une pièce unique à ses yeux, qui affinerait
encore son labeur d’artisan. Ce jour-là, il ramena une ampoule.
Pas une ampoule ordinaire, non ;
elle brillait seule d’une petite flamme intérieure, inutile et intrigante sur le pavé disjoint.
Il l’acheta pour presque rien. Elle battait sur son cœur, dans la poche de sa
veste. Quand il la déposa sur la table, elle battait encore. Et quand il se
retourna d’un bond inconsidéré sous l’explosion, elle ne battait plus, elle
irradiait…Jasmin voulut crier ; il n’avait plus de voix. Jasmin, courut
dans la ruelle, se heurta au boulanger,
se cogna contre l’épicière, ne comprit pas ce que criait le cabaretier, vit au
fond de la ruelle les pompiers qui se démenaient, Et comprit soudain : il
était sourd. Sourd comme tous les habitants de l’impasse, sourd comme son
voisin, la coiffeuse éperdue, le nain d’à côté qui se frappait la tête contre
le mur, sourd comme un pot et tous les
autres avec lui…
Souhaitons que la suite du conte leur redonne l'ouïe et qu'on ait pas inventé l'horloge parlante pour rien :)
RépondreSupprimerPromis, Ils entendront sonner les heures!...
Supprimerje suis saisie car je suivais tes descriptions de cette "impasse", et je m'y voyais presque, lorsque tout à coup la déflagration m'a atteinte de son onde de choc, et je reste abasourdie
RépondreSupprimertu tiens un début d'histoire très intéressante il me semble
Désolée pour la déflagration, Tisseuse!C'est vrai que, vous, les lecteurs, n'êtes pas sourds!..
Supprimergrand plaisir de te relire chère Lorraine et le début de cette histoire est une vraie "bombe" et pas à retardement :o)
RépondreSupprimerIls l'entendirent tous, puis cessèrent d'entendre...Ensuite? Mystère complet, y compris pour moi!
Supprimertu sais installer une ambiance, c'est certain, captivante et mystérieuse, et quelle originale façon d'y amener les sourds
RépondreSupprimerLa couverture du livre m'a frappée, j'y ai vu l'humble labeur de l'horloger, le reste a suivi...sans savoir où il pourrait me mener!
SupprimerBelle atmosphère et grand mystère ! C'est très bien amené. Bravo !
RépondreSupprimerMerci, Albiréo!
SupprimerInattendu en tout cas.
RépondreSupprimerAvant de parler des "Derniers jours des sourds", je me suis dit qu'il fallait d'abord les présenter! Voilà qui est fait! :)
SupprimerJ'ai aimé ce contraste entre le tic tac de la rue et l'explosion "en mots" subtils....
RépondreSupprimerBien frappé!