Chri - Si on m'avait dit

Si on m’avait dit qu’il faudrait dans le muscle de l’été, se sortir du sommeil vers les  trois heures du matin, s’habiller en silence pour ne pas réveiller ceux qui, dans la maison, ne venaient pas, avaler vite fait un café noir et dévorer une tartine pour ne pas y aller le ventre vide.
Si on m’avait dit qu’il nous faudrait une bonne heure de route dans cette nuit d’été chaude et toute noire, quitte à se rendormir un peu pendant le trajet.
Si on m’avait dit que nous devrions descendre de la voiture au coeur d’une aube à peine naissante, dans le bruissement léger des branches des pins, dans leurs odeurs puissantes exhalées sous l’effet de souffle.
Si on m’avait dit que nous devrions marcher deux belles heures sous un fin croissant de lune, à la frontale, en croisant les perles brillantes de chevreuils ou de renards apeurés.
Si on m’avait dit que nous ne serions accompagnés que par les hululements des chouettes et les aboiements des chiens de la plaine d’en bas qui monteraient le long des pentes raides en cascades.
Si on m’avait dit que nous arriverions en presque sueur au sommet du géant du coin alors qu’une très pâle lueur nous viendrait de l’Est et que nous ne devrions pas être étonnés puisque c’était pour voir ça que nous nous étions levés de si bonne heure.
Si on m’avait dit qu’assis, posés à même le sol nous nous régalerions d’un thé encore brûlant sorti du thermos, de quelques biscuits au beurre et que nous échangerions des sourires de brigands complices en nous extasiant de ce miracle entrevu.
Si on m’avait dit qu’il faudrait se soumettre à tout ça pour ressentir un immense bonheur d‘être là, à cet instant précis dans ce petit jour sur cette pierre avec ceux qui y étaient…

Si on m’avait dit tout ça, j’y serais venu bien bien plus tôt.

Où lire Chri
et où voir les photos