Le cimetière de ma petite ville était un cimetière romantique.
C'était le jardin des souvenirs.
Au milieu d'une grande étendue d'herbe parsemée de coquelicots, trônaient des bancs de couleur vive.
C'était un lieu serein où les oliviers les magnolias les chênes veillaient sur les disparus.
Au pied des arbres, nos parents avaient créé des jardins miniatures de plantes grasses qui avoisinaient avec des fleurs multicolores.
Nous, les enfants, nous aimions courir à droite, à gauche au milieu des herbes folles qui poussaient à leur guise par endroit.
Il y avait beaucoup de douceur dans ce paysage. L'enfance et l'adolescence se mêlaient ''à l'odeur des plus âgés ,des vieillards et des morts''.
''La mort ne mettait pas de barrière''.
Nous vivions parmi les morts.
Notre jardin de cimetière nous était familier. Il n'était jamais désert.
Nous y allions de bon gré. On laissait les enfants jouer.
Plusieurs familles se donnaient rendez-vous, outils de jardin à la main, pour cultiver les végétaux, les entretenir, les embellir.On apportait de nouvelles fleurs au nom évocateur et on se partageait la terre, le fumier, au cours de discussions animées.
Il y avait aussi des moments où l'on chantait, tous ensemble, petits et grands, des chants religieux, gais, en accord avec nos traditions.
On nous apprenait à aimer Dieu et nous imitions nos parents dans le regard respectueux qu'ils portaient aux morts .
Certains jours, les tombes ''devenaient des églises'' et le recueillement venait interrompre nos jeux.
Mon père disait que les morts étaient plus ''proches de nous que certains de nos vivants''.
Nous ne comprenions pas tout ce qu'il voulait nous inculquer mais nous aimions bien nous asseoir, en rond, autour d'une tombe ''jardin'' et il nous contait l'histoire du défunt qui reposait là pour nous éduquer au souvenir.
Certains jours de printemps ou d'été le soleil tapant assez fort, on s'abritait à l'ombre d'un arbre.
Mais quand l'automne arrivait pour nous annoncer ''la mort prochaine de l'année'', nous nous sentions un peu monotones.
A la tombée de la nuit, nous avions toujours un peu peur de voir se lever les morts mais cela ne nous empêchait pas de guetter les feu-follets pour les voir danser. Ma copine Marie nous avait affirmé qu'elle en avait vu et nous la suivions dans son fantasme.
Je me sentais calme et heureuse dans mon enfance imprégnée des vieilles traditions du culte des morts.
Le charme du temps perdu, se retrouve dans le souvenir.
Si le regret s'installe, il est ''souriant'' et ne laisse pas de place à la mélancolie.
Voilà un jardin serein suspendu au culte des morts. Mais tous ses "habitants" ne sont vraiment morts que si les oublie...
RépondreSupprimerQuant à l'auteur qui t'a inspiré??
J'aime beaucoup ton jardin du souvenir Mamily et l'expression "tombe jardin". Les civilisations occidentales se défient de la mort mais pourtant, nous devrions l'apprivoiser comme le font les Egyptiens ou encore d'autres peuples qui vivent en permanence avec les ancêtres et qui chantent et dansent lors des funérailles pour honorer leurs défunts. Nous aurions peut être moins peur à son approche.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce texte. Je le trouve imprégné de sérénité, de douceur, de respect. J'aime cette évocation douce et mélancolique à la fois, (j'ai cliqué sur intéressant !) - je ne sais qui a inspiré Mamily, mais dans le fond, quelle importance ?
RépondreSupprimerl'oubli est le vrai tombeau des hommes.
RépondreSupprimerCe jardin "vivant" est une assurance de ne pas oublier, même d'une génération à l'autre. C'est un beau texte, touchant. Quant à l'inspiration .... Camus peut-être ?
ça aurait pu être!....mais non!:o)
SupprimerL'atmosphère de ton jardin me semble infiniment juste et touchante, un vrai "souvenir" d'une vraie "enfance". J'ai vécu de semblables moments, sauf que j'étais seule à courir dans les grandes prairies sauvages en attente d'autres tombes; maman priait devant celle de mon père. Ton récit est lumineux, Mamily!
RépondreSupprimerNarciso Yepes, à coup sûr !
RépondreSupprimerComment ? Vous n'avez pas entendu la musique de Jeux interdits au début ? Ce n'étaient Brigite Fossey et Georges Poujouly les enfants derrière le nous ?
Quoi ? Narciso Yepes n'est pas un écrivain ?
Oh, ben j'abandonne ! Il est trop dur ce jeu ! Et les textes sont trop beaux;-)
je ne sais pas non pus qui a pu t'inspirer, mais ce texte fait beaucoup de bien, par sa simplicité, et surtout par sa manière d'intégrer la mort comme une partie intégrante de la vie
RépondreSupprimerbeaucoup de sagesse là dedans
Je vous remercie pour vos commentaires.:o)
RépondreSupprimerJ'ai d'abord eu l'idée du jardin de cimetière si familier à mon enfance et ensuite pour le choix de l'auteur est venu à l'esprit celui qui m'est très cher pour sa philosophie, son écriture poétique ainsi que son humour: JEAN D'ORMESSON.Mon texte s'est inspiré de son roman:AU PLAISIR DE DIEU.