Il leur
avait fallu du temps. Une marche sans fin dans cette plaine herbeuse au silence
bruissant. Le petit groupe avançait en se frayant un chemin dans les
inflorescences enchevêtrées et odorantes.
Toumba marchait devant.
Après
l’apparition dramatique du Dieu Zoor surgissant du lac sacré pour emporter la
fille du chef Koury dans les entrailles du volcan, le peuple de Zilla s’était
disloqué.
Certains
étaient restés pour vouer leur vie au culte de Zoor. Chaque treize lunes, ils
trouvaient une jeune fille à lui offrir en sacrifice. Zoor, à la fois serpent
et oiseau, corps d’écailles et aile de feu, poussait son mufle énorme hors de l’eau dans un jaillissement épouvantable et entraînait
la victime dans les profondeurs. Ainsi, le peuple pouvait vivre en paix, sans
craindre la colère du Muchinga.
Les autres
étaient peu à peu partis, bravant les anathèmes et s’étaient éparpillés dans la
nuit des temps.
Toumba et
sa tribu avait été les derniers à quitter l’abri du ventre de la montagne
sacrée. Ils avaient rassemblé leurs maigres avoirs, flèches en silex, arcs,
peau de bête et avait profité de la nuit la plus noire pour filer dans l’étroite
anfractuosité rocheuse, unique moyen de déboucher sur la savane. Mais ce qu’ils
avaient pu conserver avec eux étaient un véritable trésor. Opposé depuis
longtemps aux sacrifices, désorienté par les rites imposés par le nouveau grand
prêtre, Toumba, désormais vieux sage, avait su garder dans le plus grand secret,
et leur écriture, et leur mythologie fondatrice. Ces deux éléments essentiels
de la civilisation du peuple de Zilla étaient à présent considérés par ceux qui
le gouvernaient, non seulement comme illicites,
mais encore comme dangereux, et propres à provoquer la colère de Zoor. Toumba
était le dernier à pouvoir déchiffrer les pierres gravées et à en comprendre le
sens. Son seul but dans sa fuite était de pouvoir transmettre à son plus jeune
fils la pensée unique de son peuple perdu.
Bientôt,
une colline se profila à l’horizon, baigné par les lueurs pourpres du soleil
couchant. Ils accélérèrent le pas et entamèrent l’ascension d’un raidillon caillouteux. Les grandes
herbes se faisaient plus rares, l’air plus frais. Toumba demanda d’aller encore
plus vite. Il craignait qu’ainsi à découvert, ils deviennent une proie facile
pour les bêtes sauvages peuplant la contrée. Tous obéirent et malgré la
fatigue, ils se serrèrent un peu plus, les plus rapides attendant les plus
lents. Les femmes portaient les enfants, les hommes forts les vieillards usés.
Toumba, lui, restait devant. Il savait où il conduisait sa tribu. Les écritures
sacrées lui avaient indiqué le chemin.
Au détour
du sentier, ils commencèrent à entendre le bruit. Sourd, d’abord, puis de plus
en plus présent. Toumba attendit d’atteindre une espèce de plateau étroit,
dominant la grande plaine pour stopper la marche. Quand tous l’eurent rejoint,
il prit la parole :
- regardez
pour la dernière fois le mont Muchinga, là-bas, au fond du monde. Il reste le
dernier dans la lumière. Nous ne le verrons plus jamais. Nous allons marcher
sur des terres inconnues, ou personne n’a encore marché. Ecoutez le bruit
devant nous. N’ayez pas peur. Les pierres nous disent qu’il s’agit de l'énorme
chute d’eau d’un fleuve que nous ne savons pas. Derrière, se cache le pays où
nous vivrons en paix, libres de continuer ce que nos vrais ancêtres avaient
commencé à construire. Allons, courage, nous arrivons au terme de notre voyage.
Toumba se tut. Il chargea son sac sur l’épaule et se mit à marcher. A sa suite,
ils reprirent la route sans un mot, mais le cœur plus léger.
Après
avoir contourné le plateau, ils s’arrêtèrent à nouveau, sidérés. Devant eux, s’élevait
comme un mur immense, une gigantesque cataracte
que la lune montante éclairait d’or.
Un enfant échappa à sa mère. Il s’approcha doucement du bord du chemin et, face au fleuve, se mit à fredonner une espèce de mélopée ignorée. Toumba le regarda et murmura. « C’est toi, petit qui redonnera vie à notre peuple ». Son plus jeune fils lui lança un regard sombre.
Un enfant échappa à sa mère. Il s’approcha doucement du bord du chemin et, face au fleuve, se mit à fredonner une espèce de mélopée ignorée. Toumba le regarda et murmura. « C’est toi, petit qui redonnera vie à notre peuple ». Son plus jeune fils lui lança un regard sombre.
Hugolien en diable ! On croit entendre "peaux de bêtes" "Toumba se fut enfui du pays Muchinga".
RépondreSupprimerEt pourtant personne ne peut chanter "Vamos à la plagiat" : c'est de l'Arpenteur tout craché !
"vamos à la plagiat" il n'y a que toi pour touver un truc pareil
Supprimeret t'as les amitiés de Victor :o))
Walt Disney sort de ce texte...!
RépondreSupprimerOui bon, non. C'est moi qui sors, oké ;p
c'est pas tout à fait faux ... n'oublie pas d'éteindre en sortant :o))
SupprimerOn a envie de suivre Toumba les yeux fermés... bien qu'avec la cataracte...
RépondreSupprimer:o)
SupprimerIncroyable ! tu es reparti de cette ancienne histoire de type "Fantasy" qu'on avait commencé comme un dialogue en 2006
RépondreSupprimerje n'en reviens pas !
:)
il faudrait peut-être remettre les textes en ordre les uns à la suite des autres (sachant que tu as bien dû en écrire 80%)....
oui, j'ai repensé à Toumba et c'est depuis le mot "cataracte" que l'idée à pris corps
SupprimerC'est superbe, l'Arpenteur! Ton inspiration ancestrale nous ramène dans ce coin du monde où nous aimerions vivre encore!
RépondreSupprimerC'est passionnant!J'aime beaucoup cette jolie histoire que tu racontes si bien .J'ai été transportée à mille lieues:Un rêve!:o)
RépondreSupprimerBonjour l'Arpenteur ! J'aime les contes et ici j'ai trouvé de quoi me satisfaire ! Longue vie à Toumba et à sa tribu dans leur nouvelle vie !
RépondreSupprimeret merci à tous de vos lectures et commentaires
RépondreSupprimerAh ! un texte qui se termine comme je dis parfois « la patte en l'air » c'est à dire sans se terminer vraiment. Surprenant et agréable. J'aime bien ! Il laisse de l'espace pour notre imaginaire.
RépondreSupprimerComme toujours, une écriture soignée et enrichissante de mots rarement utilisés ( je parcours mon dictionnaire à presque chacun de tes textes, et je prends note ! ) et d'histoire. Bravo l'Arpenteur !