Passé simple.
C'est un jardin extraordinaire. Il a marqué ma mémoire à jamais. Encore aujourd'hui, bien des années après, dès que son souvenir affleure à ma mémoire, les couleurs, les senteurs, les chants d'oiseaux sous le soleil encore chaud de ces premiers après midi d'automne, me submergent pour des instants de pur bonheur. J'y vole parfois quand la vie est trop lourde à porter.
J'ai 6 ans ou 7 ou 8. J'accompagne ma chère grand-mère rendant visite à sa sœur dans un petit hameau perché au sommet d'une colline. Après les effusions d'usage avec la tante Millie, je laisse les deux femmes à leurs intarissables bavardages.
Je me dirige très vite et avec gourmandise vers le portail en bois tout rongé qui ouvre sur le jardin. Un minuscule jardin où voisinent joliment quelques légumes et des fleurs poussant à leur gré. Zinnias aux couleurs vives courant le long des allées, dahlias émergeant orgueilleusement d'un carré de salades, buddleias alourdis, retombant nonchalamment sur la lavande et le thym... Un enchantement ! Du haut des trois marches en pierre évidées en leur milieu par le temps, j'aperçois le fond de la vallée avec la rivière bleue qui serpente entre les prés.
Mais déjà le jardin m'accapare. Des multitudes de papillons aux couleurs variées volettent autour de moi. Je suis tout à coup transportée, loin. Je ne suis plus moi mais une princesse évoluant parmi ses sujets ne songeant qu'à la distraire. Je m'assois au milieu des pétales odorants des roses rouges et blanches qui me font une somptueuse robe de bal.
Des buis forment une haie touffue autour de l'enclos. Il s'en dégage des effluves suaves et sucrés qui me saoulent. Les abeilles, mes vaillants soldats, vont tranquillement de fleur en fleur et montent, sans en avoir l'air, une garde rapprochée autour de moi. Seuls, leurs bourdonnements monotones couvrent le silence parfois interrompus par le cri strident d'une hirondelle bleue traversant le jardin en frôlant le sol. Un beau papillon jaune, mon prince, me conduit bientôt vers les arbustes noueux. Il a découvert pour moi des trésors. Une multitude de coquilles d'escargot de toutes les tailles et de toutes les nuances - du blanc nacré délicat à l'oranger éclatant - recouvre la terre. Je les ramasse précieusement et les dépose dans un creux de la muraille en pierre sèche.
Au fond du jardin, la tante Millie a laissé pousser quelques ronces pour ses gelées et pour ma plus grande joie. Elles débordent de mûres que j'avale goulument épiée par l'œil rond des mésanges venues elles aussi, se régaler.
Étourdie, enivrée, repue, je m'endors souvent dans ce paradis merveilleux.
Les deux vieilles femmes, attendries et amusées me secouent doucement pour me réveiller. Il est temps de partir.
Pour ceux qui veulent savoir où se trouve ce jardin enchanteur
Il repose maintenant et pour toujours au fond de mon cœur.
J'ai songé au jardin du pays des Merveilles de Lewis Carroll, mais je me suis peut-être laissé emporter par le goût des mûres que j'aime comme toi!
RépondreSupprimerun jardin comme un rêve éveillé qui demeure à jamais au fond de ton cœur ... et le goût de mures sauvages, comme une madeleine doit réveiller toujours ces souvenirs ...
RépondreSupprimerC'est un beau jardin en effet. On aimerait y rêver avec toi. Si par hasard je passe par là, je my arrêterais pour déguster ette langueur de l'été.
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RépondreSupprimerCoucou Claude ! Merci d'être passée par là. Tu nous rejoints ?
RépondreSupprimerUn petit goût du jardin de Colette?
RépondreSupprimerNon, Nounedeb : je n'ai pas pensé à Colette !
SupprimerImpossible de ne pas fredonner.
RépondreSupprimerJ'aimerais "Trenet" dans ce jardin !
Ce jardin extraordinaire n'appartenait pas qu'à Trenet! C'est celui d'une petite fille qui s'envole dans son monde, ou plutôt le crée par la magie de la sensibilité. Les détails sont si justes, mélange de personnages inventés et de papillons magiques. J'aime beaucoup mais je ne sais pas quel écrivain(e) tu as suivie.
RépondreSupprimerMerci Lorraine ! Bien sûr, pour respecter la consigne j'ai pensé à..(.chut ! ) pour écrire mon texte.
RépondreSupprimerMais ce jardin a vraiment existé et demeure pour moi un lieu magique par ce que j'y ai vécu.
Azalaïs de porcairagues...une jolie trobairitz de l'ancien occitan chantait la tornada (débrouillez vous pour traduire ;)...Ar em al freg temps vengut Quel gels el neus e la fainga El aucellet estan mut, C'us de chanter non s'afraingaI.
RépondreSupprimerIl est beau le jardin de ton enfance. ;o)
Je ne sais pas si l'assimil de l'occitan sans peine que j'ai acheté un jour m'aiderait beaucoup... J'ai toujours été fascinée par la langue d'Oc !
SupprimerMerci pour ce clin d'œil ! Ici, nous connaissons mieux Bernard de Ventadour et Gaucelm Faidit.
RépondreSupprimerCe n'est quand même pas Jaufré Rudel o;) Il n'y est point question de princesse lointaine ni de comtesse de Tripoli...
SupprimerFinalement ce jardin merveilleux c’est le tien décrit avec tant de poésie
RépondreSupprimerC'est vraiment une chance que ce jardin ait existé et qu'il revive sous ta plume:un jardin enchanteur et enchanté .Je comprends tout à fait que tu le gardes au fond de ton cœur:o)
RépondreSupprimerPivoine : l'occitan - enfin plutôt une sorte d'occitan mâtinée de patois - a bercé mon enfance et je le comprends très bien et le parle aussi à l'occasion quand je le peux. Par contre, l'écrire...Ici, régulièrement, des profs d'occitan organisent des journées où il y a dictée, chants, etc... J'adore cette langue si riche et imagée !
RépondreSupprimerje me suis enivrée des senteurs qui se dégagent de ton texte et j'en ai oublié de me demander de qui tu avais pu t'inspirer
RépondreSupprimerj'en ressors un peu ivre de senteurs et c'est bon :)
Bien sûr, je me suis inspirée de Trenet pour écrire ce texte. Je pense que tout le monde avait trouvé.
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