C’était les soirs d’été, pleins des bruits lointains montant de la vallée ou d’autres plus proches descendant des collines. Les aboiements des chiens ramenant de maigres troupeaux aux étables. Les cris des martinets traversant le ciel en arabesques désordonnées. Les voix glissant sur la douceur de la brise, de quelques-uns appuyés aux murs de pierre bordant les fermes cachées dans les ourlets de la terre. Des lambeaux de nuit, écharpes d’ombre mauves piquetées des premières étoiles se couchaient sur les contours.
J’avais atteint le petit col de
Chavanol. Debout à côté de mon vélo, j’écoutais les histoires
murmurées par les grands sapins dont les cimes battaient le rythme
lent et sauvage de la nature. L’air sentait les blés et les vaches
et les bruyères. En bas, dans l’autre monde, la ville environnée
de coteaux insensibles s’ensevelissait et je la regardais mourir
dans le clignotement pâle et minuscule des réverbères.
Les journées brûlantes me
gardaient derrière les persiennes, accroché à mes livres, étonné
souvent par la poussière dorée dansant dans les rais de soleil.
Les soirs, après le repas, je montais toujours vers la houle
échevelée des montagnes rondes. Au fond, le Pic des trois dents et
le Crêt de l’Oeillon brillaient encore des derniers feux du
couchant, droits et raides dans l’échancrure du col ; j’étais
déjà dans la nuit d’un ciel tremblant.
Le clocher de Saint-Martin
égrenait les dix heures du soir. Il me fallait quitter le cloître
des collines dont j’aimais plus que tout la paix austère et
bruissante des échos de la nature et des hommes. Je redescendais
tranquille, voyageur presque immobile tant le temps se fissurait dans
le poème de cette route étroite et sinueuse me ramenant vers la
maison. J’allais rassurer ma mère qui attendait que je sois rentré
pour aller se coucher.
Puis, assis longtemps sur le perron
de pierre, j’écoutais encore le silence s’installer dans mon
cœur et regardais les fenêtres des maisons d’en face fermer une à
une leurs paupières de tulle.
C'est magnifiquement écrit. Plein de nostalgie et de poésie.
RépondreSupprimerLe parc du Pilat semble t'avoir profondément inspiré... n'oublie pas d'expirer en redescendant :)
RépondreSupprimerCe cher PILAT que j ai tant arpenté dans ma jeunesse, je te retrouve si joliment ici
RépondreSupprimerJe ne connais pas le Pilat. Ça me fait un peu penser à Giono, mais c'est quelqu'un d'autre.
RépondreSupprimerHenri Bosco ?....
RépondreSupprimerle massif du Pilat, contrefort est du massif central, descendant jusqu'au Rhône, bordant l'Ardèche et le nord des Cévennes. J'y ai passé tellement de temps, à pied ou en vélo, seul ou avec mes parents ou en bande garçons et filles pour des randonnées adolescentes, puis plus tard à cheval. Le crêt de la Perdrix culmine à 1432 m !!
RépondreSupprimerLe petit col de Chavanol juste au-dessus de Saint-Chamond doit être aux alentours de 900 m à 6 km de ma maison d'enfance. D'un côté une végétation de pins et de broussailles méditerranéennes ; de l'autre côté, des genêts et des grandes forêt de sapins.
Aujourd'hui (et depuis longtemps), un parc régional très prisé des stéphanois et des lyonnais ...
Sinon, pour la tentative de style, vous êtes subtiles et perspicaces :o)
Bucolorique à plaisir ;) Du Fournier, peut-être ? Presque du Camus...
RépondreSupprimerJe suis subjuguée par l'atmosphère de ton récit; je ne connais absolument pas la région, mais je la "vis" grâce à ton écriture et au souffle qui te porte. Tu me fais penser à Jean Giono.
RépondreSupprimerMerci, l'Arpenteur,
Beau comme du beau Giono...
RépondreSupprimerC'est ,beau!!Merci l'Arpenteur d'étoiles de nous donner envie de connaitre cette région par tes descriptions toujours précises et poétiques! C'est un plaisir!. Tu as sûrement aiguisé ta plume à celle de Giono....Non?0)
RépondreSupprimerVous avez de la chance, d'avoir de pareils paysages en France... Si seulement je pouvais voyager là-bas !
RépondreSupprimermerci ami(e)s fidèles de vos commentaires
RépondreSupprimeren effet j'ai bien essayé d'adopter le style de Giono, que j'ai découvert vers 13 ans avec cet incroyable Angelo Pardi "le hussard sur le toit", puis "le grand troupeau" et après plein d'autres en particulier "les âmes fortes" et "le chant du monde" et puis ses nouvelles comme "Solitude de la pitié" ...
bon dimanche à toutes et tous
Ah ben c'est dommage d'arriver après la bataille ! A cause de Saint-Chamond, j'ai cru un instant que c'était une imitation des mémoires d'Antoine Pinay (qui s'en souvient de ce mec-là, à part moi ?). Avec l'histoire du mec qui monte les cols à vélo, j'avais pensé en second (!) à Raymond Poulidor ! Mais bon, si c'est Giono, vu que je n'ai jamais rien lu de lui, je peux pirouetter pour sortir et dire que Giono l'aurais jamais deviné !
RépondreSupprimerje m'en souviens très bien aussi ; il habitait à côté de nous, le Toine, avec son chapeau et son manteau un peu trop long pour lui :o)))
Supprimerje sais que ça ne "compte plus", mais j'avais pensé à Giono lorsque j'ai lu ton texte
RépondreSupprimermais il est vrai que je sais que tu aimes cet auteur pour sa façon unique de décrire, et puis je connais la région :)