À voir toutes ces émissions de télé-réalité d’aventure, je devine bien que le monde actuel tourne un peu blasé. Ce ne fut pas mon cas, car moi je dus survivre. À la vie, à la mort.
Mon esprit, lui, se promène librement sur votre monde, et j’ai sans doute mérité ceci, grâce à mes peurs bleues et grâce à toutes mes souffrances endurées de mon vivant.
En effet, il y a bientôt cinq cent ans que mon navire a sombré dans la nuit, et que je me suis retrouvé, seul, sur un banc de sable salvateur au large du Pérou.
Mais au petit jour le constat est sans appel, le banc de sable est minuscule, il n’y a pas de végétation, pas de gibier, pas d’eau potable. Ce n’est que du sable, sans un caillou, et de quelques mètres de hauteur.
N’ai-je survécu à ce naufrage pour venir périr ici d’une lente agonie ?
La marée rogne mon espace, et je me réfugie bien au centre le plus en hauteur possible. Le soleil est inexorable, alors je me protège dans les flots. Jusqu’au cou. J’ai faim et surtout je commence à avoir très soif. C’est l’enfer sur terre, ici bien au milieu de l’océan.
Mais je me dis, non Pedro, il te reste ton couteau... et ton cerveau. Je fouille les algues apportées par la marée, j’y trouve des crevettes, je creuse dans le sable et j’avale quelques coques bien salées.
Tout à coup de grosses tortues de mer. Elles viennent prendre un bain de soleil. Mon sang ne fait qu’un tour, je me précipite le couteau à la main et j’en égorge une sur le champ. Je me désaltère et je boucane sa chair découpée au soleil. J’ai très soif, je retourne la carapace vide. Dieu m’enverra peut-être de l’eau ?
Les averses viennent chaque nuit. Les tortues, chaque jour Les carapaces servent d’abri, de réserves d’eau. De là à dire que c’est la routine...
Pedro Serrano, il te faut signaler ta présence. Il faut faire du feu. Je mets ce goémon à sécher, et je cherche un caillou. Rien, rien de rien... Alors, il me faut plonger. Au bout de deux mois, en plongeant plus profondément, je finis par trouver quelques galets. Un couteau, une pierre à feu, l’étincelle, et c’est le commencement du monde des hommes.
Des hommes, oui, et le plus incroyable c’est que trois ans plus tard j’ai trouvé mon Vendredi ! Un naufragé arrive à quatre pattes sur le sable, un matin. Surpris, affolés, nous croyons tous deux voir le Diable en personne... horrifié par mon apparence pileuse il s’enfuie en hurlant, et moi je hurle en fuyant.
Puis l’autre diable tout à coup inspiré par je ne sais quoi entonne un "Cre-do in u-num de-um... ", ce chant fameux universel, Credo le plus célèbre de la chrétienté, un peu comme "Imagine" de vos jour, oui, imagine... je lui réponds. Nous tombons dans les bras l’un de l’autre.
Alors, on se partage les tâches, on se dit tout, on se raconte nos secrets, nos exploits, nos aventures, nos femmes, et ce pendant une année entière...
Puis la haine arrive avec ses méchancetés, ses insultes, ses bagarres...
On se réconcilie, par intervalle, faute de mieux, et Miguel et moi, on alimente le feu, et on attend.
Quatre ans ont passé à guetter l’horizon, quand un jour, un navire intrigué par la fumée du feu arrive et envoie une chaloupe. Mais tout à coup, les marins voyant s’agiter deux beaux diables velus et hirsutes sur le rivage, font demi-tour : « Signons-nous, et éloignons-nous de ces lieux maudits ! »
Alors unissant nos forces, Miguel et moi entonnons désespérément d’une seule voix tonnante et tonitruante à tue-tête le Credo !
Quelque jour après, Miguel mon compagnon meurt sur le chemin du retour. De trop d’émotions sans doute. Depuis en Europe, ayant barbe gardée comme une preuve, je vais de foire en foire exhibé à demi-nu comme une bête curieuse. Il faut bien manger.
L’Empereur Charles Quint roi d’Espagne qui a eu vent de mon histoire, me fait mander en Allemagne, et me fait don d’une bourse d’or de quatre mille pièces de huit reales. En rente. Un trésor dont je compte bien profiter un peu chez moi au Pérou, en face de mon île, mais j’ai la mauvaise idée de mourir sur le chemin, à Panama, là, entre les deux océans... Ce n’était pas demander le Pérou pourtant...
Depuis, j’erre de par le monde, et je vous observe. Je regarde la Télé et suis sur Internet aussi. Pour passer le temps. Mais mon état d’esprit ne risque pas d’évoluer, car quand je tombe sur Dual survival, Bear Grylls, Bienvenue dans ma tribu, Koh-lanta, Survivor ou The Island and so on... Je suis mdr top trop grave, grave...
Où lire Cavalier
Excellent texte ! Quelle inventivité ! J'ai adoré ce témoignage du passé rempli de sarcasme à l'égard de ces émissions d'aventures qui nous inondent. Je ne les ai jamais regardé et ne comprends pas non plus cette envie de l'homme moderne de retourner à l'état de nature alors que ses ancêtres ont toujours tout fait pour en sortir.
RépondreSupprimermerci merci tomtom
Supprimermoi non plus jamais vu
sauf à zapper dessus rapidement... ;)
ça date sans doute de Marie Antoinette avec ses petits moutons et sa ferme et sa brioche, ou de Rousseau, ou de Levi-Strauss, que sais-je
le progrès est irréversible, avec ses hauts et avec ses bas
résilles
bonne soirée
à te lire
:)
C'est excellent. ... j'adore .
RépondreSupprimerque de talents d'écriture.
Dit comme cela en effet c'est assez effrayant.
merci c'est trop
Supprimeroui, effrayant en effet...
à te lire joli nom de fleur
:)
Marie Antoinette et Lévi Strauss n'ont quand même pas mérité cela ...
SupprimerMiguel et Pedro vécurent heureux et n'eurent jamais d'enfants !
RépondreSupprimerExcellente histoire, de bon matin ça fait du bien . ];-D
ha ha j'y avais pensé aussi
Supprimermais pour le placer dans mon texe... heu
merci de me dire ça, en tout cas
de bon matin, l'Empereur sa femme et le p'tit prince...
en tout cas je te serre la pince
:)
Une narration pleine d'humour, j'adore !
RépondreSupprimermerci Maryline
Supprimerj'ai beaucoup aimé l'écrire en tout cas
je me suis bien amusé, et j'ai appris plein de trucs
:)
j'ai cru que tu nous racontais les aventures de Kendji Girac et Maître Gims qui jouent les nouveaux robinsons sur TF1 dès demain je crois :)))
RépondreSupprimeret ils pourront chanter "crados comme jamais !!!!"
non non tu exagères Tisseuse des mots
Supprimerc'est du propre, tiens...
"J'ai eu beaucoup de chance de faire l'émission avec Kendji car sans lui, je serais mort. Il me nourrissait, il faisait du feu, il connaissait tout sur les poissons..."
nan mais
:)
Ton île de la désolation est fabuleusement bien décrite...
RépondreSupprimerJe coince un peu d'assimiler le credo à « Imagine » qui est pour moi bien supérieur ;-)
mais quand même, quel souffle, quelle imagination ! Et plein de petites trouvailles géniales
(Il s'enfuit en hurlant et moi je hurle en fuyant)
Wouaouh !
¸¸.•*¨*• 🦋
merci merci Célestine
SupprimerImagine c'est mieux mais bon Lennon et yoko n'étaient point nés
bon du coup je me réécoute le Credo, ben oui c'est dans mon texte quand même...
https://www.bing.com/videos/search?q=credo+in+unum+deum+gospel&&view=detail&mid=EC646DF8558C97A1C5D9EC646DF8558C97A1C5D9&&FORM=VRDGAR
bisous cavaliers farfalla blu ��
Bon c'est vrai, cette version est magnifique...
Supprimer¸¸.•*¨*• 🦋
Il faut vite éteindre la télé.
RépondreSupprimeroui, nœud gordien pour Pedro pour retrouver enfin le Paradis au Ciel
Supprimermon mari, et j'en serais bien marri
car j'aime bien son regard
oui, mais la génération Z la nouvelle vague de jeunes, a bien éteint la Télé
cette démodée
et ils consomment beaucoup,
du streaming, avec YouTube Netflix LiveTV...
ultraconnecté, c'est mieux
sans doute, et pas de redevance
mais pour moi c'est du kif-kif bourricot
à te lire Pascal
Evidemment la télé réalité fait pâle figure à côté de tes aventures Pedro! ;-)
RépondreSupprimermerci mapie
Supprimeroui mais des zaventures vécues
et réelles
pourtant
Pedro Lucas :)
J'ai aimé le t(h)on de ton récit et ta critique des Robinson des temps modernes :)
RépondreSupprimermerci vegas
Supprimersont trop ces gars-
là, souvent sur-protégés en coulisse
ha, Alain Bombard, Thor Heyerdahl,
où vous cachez-vous ?
:)
Quelle aventure ! Le roman de Defoe mis au goût du jour sur la fin. Bien vu et irrésistible.
RépondreSupprimermerci merci Marité
Supprimermais Defoe pas croire
mais Alexandre Selkirk
c'est presque 200 ans après Pedro
c'est lui le précurseur
:))
Super texte drôle et instructif aussi ; merci pour Charpentier que perso je préfère, de loin à Lennon ;-) Étonnant non ?? ;-)
RépondreSupprimermerci merci :)
Supprimerétonnant ? pas du tout Annick SB, on est pas des clones et heureusement
allez je vais me réécouter :
https://www.bing.com/videos/search?q=credo+in+unum+deum+gospel&&view=detail&mid=EC646DF8558C97A1C5D9EC646DF8558C97A1C5D9&&FORM=VRDGAR
Charpentier, Credo c'est bien aussi...
Selkirk sors de ce corps ! Aventure "drôlement" bien racontée.
RépondreSupprimeroui, qu'il sorte ! enfin
Supprimermerci Lira
heureux que cela ait plu
j'ai eu du bonheur à l'écrire, aussi...
:)