Entre deux mers…
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Ce matin, deux heures de réunion pour écouter la sainte
parole nous parler dans un jargon de plus en plus insupportable pour moi, au
fil des ans, des « modalités de mise en place du projet d'école »...Cela fait trente
ans, que les Jargonos de l'Eduknatt nous bourrent le mou avec ce « machin
».
- Rhôô ! Célestine !
- Mais si ! Pas d'autre mot, pour désigner cette usine à gaz
à laquelle il nous faut nous coller régulièrement, tous les trois ans, rempli
de chiffres imbitables, et qui nous fait suer sang et eau pendant des heures,
pour finir dans un placard. De précieuses heures volées à ce qui fait le sens
de notre métier. Un océan de banalité, de phrases creuses…
Mon projet d'école à moi, il est simple. Il tient en
quelques aphorismes qui ont été inventés par de géniaux prédécesseurs. L'art du
questionnement de Socrate, Mens sana in
corpore sano chez Juvénal, la substantifique moelle de Rabelais, et « je n'enseigne pas, je raconte » de Montaigne.
Enfin le « lire, écrire, compter » le mantra de Jules, auquel j'ajouterais
volontiers « penser, créer, rêver. »
Alors à certains moments, aujourd’hui, j'ai pratiqué
l'évasion intérieure. Arpentant mes landes bien-aimées, buvant à grands traits
l'air chargé de bruyère et de sel en tremblant sur mes jambes, ivre de trop
d'oxygène. Pour éviter de me noyer dans les barbarismes à deux balles,
synergie, ressources, conceptualisation, indicateurs, cadre de référence...
Je sais, madame l'Inspectrice, je n'ai pas le positionnement
idoine. Est-ce ma faute si vous ne parvenez pas à m'émouvoir avec vos paperasses
imbuvables, vos tournures alambiquées, si j'ai le syndrome de Zazie qui me
chatouille gravement, et qu'à toutes vos phrases j'ai envie de répondre « Mon
cul » d'un air ingénu et frondeur ?
Alors j'ai rêvé. J'ai fait la mauvaise élève. Tout ce que
les « conseilleurs pédagogiques » nous somment d'éviter chez nos élèves: je me
suis ennuyée avec bonheur. Et j'ai trompé mon ennui en m'asseyant devant
l'océan, les yeux emplis de vert, de bleu et de gris. Ouessant... ce mot est
venu me caresser l'âme de ses sonorités cotonneuses...C'est impressionnant,
cette force mentale qui nous permet de nous abstraire au point de devenir
sourd. La logorrhée de Jargonos s'est perdue dans le fracas des paquets de mer
sur le phare de la Jument.
Et je repense à ce beau film, qui se passe dans le
paysage-même de ma rêverie. Et à cette petite phrase :
« Qui voit Ouessant voit son sang » …
Bigre ! J'espère survivre quand même à la rédaction du
projet d'école...
alors tout d'abord à lire le titre de ton texte, j'ai pensé à un verre d'Entre deux mers à déguster avec des huitres :)
RépondreSupprimerensuite j'ai pensé que tu avais bien fait de prendre un grand coup d'air frais intérieur et de vents océaniques force 10 lors de cette réunion où tu aurais sinon pu prendre un coup de sang !
ce que tu décris là est en quelque sorte de l'auto-hypnose pour amener quelque chose de positif là où il y a douleur ou ennui
un jour, un garçon âgé de 12 ans, en difficulté scolaire, m'a décrit très précisément ce qui se passait pour lui lorsqu'il n'était pas concentré en classe. il m'a évoqué ses yeux qui regardent un point du mur, et le vide qui s'installe dans sa tête...il était entrain de me décrire une auto-hypnose pare-ennui
J'ai toujours essayé de positiver les trucs obligatoires et particulièrement rébarbatifs (pour rester poli)
SupprimerMe concentrer sur la nuque délicieusement attirante de mon voisin de devant, ou sur les yeux du gars qui s'ennuie à côté du conférencier, sur l'estrade...
Appelons cela de l'auto-hypnose, oui Tisseuse, c'est fort juste.
Ou de la PPP : Pensée Positive Permanente...
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Ton école buissonnière est chargée d'embruns... comme je t'envie !
RépondreSupprimerL'usine à gaz attendra :)
C'est ce que j'ai toujours dit : il est bon de respirer un peu l'air du large, quand la lourdeur administrative devient irrespirable et asphyxiante... ;-)
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
Dressée nez rouge face à l'océan
RépondreSupprimerEn Iroise loin d'Ouessant
Tu te dresses fière comme Artaban
Tu es mon phare mon confident
Tu portes un joli nom La Jument !
Prends la route océane belle Célestine...
Ah oui, le phare de la Jument, dressé face aux tempêtes comme un guerrier protecteur de l'île...
SupprimerJoli quintil ! ;-)
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Bon, Célestine, je ne veux pas te narguer mais, je suis en vacances ( première zone ... ) littéralement écroulée à la lecture de ton texte ( pardon ! ) Mon chien râle, sa sieste est interrompue !!!
RépondreSupprimerAvec quelques collègues on applique dans ces heures perdues la technique du fou rire quoi qu'il arrive comme des mômes de six quand tu casses une craie... J'essaierai la prochaine fois la Ouessantisation rêveuse en pensant à toi ! Bon courage en attendant ! ( mon programme pédagogique : lire, écrire, compter, parler, chanter et rire ... )
Chanter et rire...ah oui, plutôt deux fois qu'une !
SupprimerC'est ainsi que l'on se sort de toutes ces galères ...
Bisouilles célestes
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trop drôle et tu as bien fait
RépondreSupprimerha ces IA
je vois que rien n'a changé :)
« Qui voit Ouessant voit son sang » ok
et à Morlaix pas si loin par ici on dit
« s'ils te mordent, mords-les »
même avec des couleurs jolies de l'océan en tes yeux
:)
Merci pour ta dernière phrase, Cavalier ! C'est agréable à lire.
SupprimerMe noyer dans un regard, ça m'est arrivé.
A Morlaix, ils ne s'en laissent pas conter si j'ai bien compris.
Bisous d'océan
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Les réunions enquiquinantes sont un bonheur puisqu'elles donnent ce texte là, Célestine.
RépondreSupprimerEnnuie-toi encore.
A quelque chose malheur est bon disait ma grand-mère.
SupprimerElle était d'un optimisme rafraîchissant !
Merci Chri
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Voyager par la pensée...Sans trop d'effort et sans bouger, si ça c'est pas être libre !
RépondreSupprimerIls n'auront pas...ma liberté de penser !
SupprimerJe sais, tu peux me dire : Florent Pagny sors de ce corps... ;-)
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Ah zuuut ... tu me rappels l'école, pour sure que je vais mal dormir c'te nuit ! Remarque que madame Chalvet m'avait donner un A au CP parce que je gardais bien la pendule et que personne ne l'a jamais volé !!!;o)
RépondreSupprimerhttp://idata.over-blog.com/0/49/15/10/robert-doisneau/l--horloge.jpg
T'es trop mignon sur la photo Stouf !
SupprimerMais moi je suis une gentille, j'ai jamais traumatisé mes élèves !
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De l'océan de tes yeux
RépondreSupprimerÀ celui de mes rêves bleus
Du rire de l'élève à qui tu enseignes
Aux billets dans lesquels tu baignes
Il n'y a qu'un pas qu'à l'instant je franchis
Quittant de l'école les péripéties
Pour humer avec toi l'air marin
Celui qui guérit de tout chagrin
Joli Petrus ! Merci pour ce double quatrain je suis touchée.
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
Il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Je reconnais qu'il est plus distrayant d'écouter la pulsation de l'océan que le rabâchage des pontes de l'Education Nationale.
RépondreSupprimerJ'irai même jusqu'à dire qu'il n'y a pas photo !
Supprimer¸¸.•*¨*• ☆
Remède efficace : programmer une classe de mer à Ouessant !
RépondreSupprimerVoilà une idée qu'elle est bonne ! ;-)
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Aha, on fait sédition et on s'en remet aux vertus apaisantes de l'océan...je t'envie et aimerais en faire autant (pour l'océan bien sûr - ici c'est Garonne en crue).
RépondreSupprimerJe suis désolée, les crues sont toujours terriblement traumatisantes pour ceux qui les subissent.
SupprimerDe tout coeur avec toi
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Restez couverte, Madame Célestine !
RépondreSupprimercar le reste de la chanson dit "Qui voit Sein voit sa fin !"
Ok, je sors ! ;-)
Muahaha ! quel petit plaisantin tu fais, mon oncle !
SupprimerAllez reste encore un peu...
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S'ennuyer est justement primordial pour les élèves. Le problème est qu'aujourd'hui, ils ne s’ennuient plus puisque les écrans les en empêchent...Toute créativité et rêverie est donc bloquée par la technologie. Heureusement, ca n'est pas ton cas. Très jolie évasion et preuve que tout est source d' inspiration;)
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