Loup,
es-tu là ?
Ils
arrivent, échevelés, suant et criant à tue-tête : " On a vu un loup. On a
vu un loup ! "
Les
enfants s'arrêtent, essoufflés devant la porte de l'église. Ils abandonnent
sacs de mousse, pommes de pin, branches de houx et de sapin. Sylvie, alertée
par les cris, sort de la chapelle en courant. Mais que se passe-t-il ?
Elle
a envoyé cet après midi les grands du catéchisme, qu'elle enseigne elle-même,
dans les bois voisins afin qu'ils ramènent de quoi orner l'église pour la fête
de Noël.
Les
gamins l'entourent, tout excités :
- On
l'a vu Sylvie. Il est très gros, ce loup. Et il n'avait même pas peur. Il
buvait au bord du ruisseau.
Il
nous a regardés puis il s'est caché derrière les arbres. On a couru.
-
Calmez-vous. Racontez-moi.
Sylvie
n'ignore pas que la presse, la radio, la télévision régionale et tout le monde
ici parle du retour du loup dans le département. On ne parle même que de ça.
Certains disent l'avoir aperçu. D'autres ont trouvé des carcasses de chevreuil
ou de sanglier qui, c'est sûr, avaient été dépouillées par le prédateur. On a
relevé des traces et trouvé des poils gris. D'autres enfin affirment que les
chiens, eux, savent et ne se trompent pas. Depuis quelques nuits, ils aboient à
la mort et c'est significatif de la présence de l'animal dans les parages. Et
puis, il y a l'odeur. Une odeur de fauve que l'on sent, paraît-il, de très
loin.
Sylvie
sait que les enfants ont une imagination féconde et qu'il suffit d'un rien pour
qu'elle s'enflamme. Mais comment éviter
cela alors qu'il n'est question que du loup dans le village depuis un ou deux
mois. Elle affiche un certain scepticisme cependant et se dit : voilà la vieille peur qui se réveille.
Comment accorder foi à tout ce qui se colporte ? Mais au fond d'elle, elle
ressent un certain malaise. Elle se rappelle ce que lui racontait sa grand-mère
quand elle était enfant. Elle ne parlait pas du petit Chaperon Rouge qui est un
conte inventé pour les gens de la ville disait-elle. Elle lui confiait d'une
voix sourde où affleurait encore l'effroi une toute autre histoire, bien réelle
celle-là. Elle expliquait comment elle
avait fait fuir la Bête en tapant ses sabots l'un contre l'autre comme on le
lui avait appris. Un loup efflanqué menaçait de s'en prendre à ses moutons un
jour où elle gardait le troupeau, là-haut, au Suquet de Bonnefond. Et c'est justement
à cet endroit que se trouvaient les enfants aujourd'hui.
Il
faut quand même faire quelque chose. Et si les gamins avaient vraiment vu le
loup ? Ce n'est pas parce que des histoires non contrôlées se promènent qu'il
faut faire comme si elles n'existaient pas. Il y a un réel danger se dit Sylvie
qui prend la résolution d'aller voir le maire, accompagnée par les enfants.
Quoi ? Ce n'est pas possible. Il y a foule devant la maison communale. La
nouvelle s'est déjà répandue au grand galop.
Le
maire fait de grands gestes et élève la voix pour être entendu. Quelques
hommes, le fusil à l'épaule s'agitent et rêvent d'en découdre avec la Bête.
-
Cette fois, on l'aura dit le menuisier du village, président de la société de
chasse qui n'écoute plus le premier magistrat de la commune. Rassemblez-vous et
filons au Suquet.
-
Stop crie le maire. Il ne faut pas le tuer. Vous savez que nous n'en avons pas
le droit.
- Et
alors ? vocifère le grand Chaussade. C'est toi qui viendras me nourrir quand il
aura pris toutes mes brebis ? Me restera plus qu'à fréquenter les restaus du
cœur. Je ne me laisserai pas berner cette fois. Allons-y les gars.
- Ne
partez pas si vite s'égosille la vieille Marguerite en se tordant les mains. Il
faut aller faire bénir les balles par Monsieur le Curé. Sinon vous ne
l'atteindrez pas. C'est le Malin. Il va tous vous ensorceler. Regardez ce
soleil : il est rouge comme le sang. C'est un signe.
- Oh,
tais-toi Marguerite s'énerve le Maire. Rentre chez toi et récite tes prières.
Les
enfants échauffés et n'éprouvant aucune crainte repartent vers l'église avec
Sylvie. Les temps ont bien changés se dit-elle. Les gamins n'ont plus peur du
loup. Qu'est-ce qui les effraie aujourd'hui
se demande-t-elle ? Elle se souvient : quand sa grand-mère racontait, de
délicieux frissons la parcouraient et elle se blottissait dans les bras
chaleureux de son aïeule. C'était le bonheur. C'est quoi aujourd'hui le bonheur
pour ces enfants ? Où est le merveilleux ? Il semblerait que rien ne peut les
atteindre. Elle espère se tromper.
Les
chasseurs ont arpenté tout le grand bois du Suquet, visité taillis,
broussailles et landes de bruyère, dévalé les ravins. Ils n'ont rien trouvé.
Certains pensent que les gamins ont fabulé. Qu'ils ont inventé cette histoire
de toute pièce pour se rendre intéressants. D'autres, au contraire, n'en
démordent pas : la Bête rôde. Les
enfants l'ont bien vue et d'ailleurs, il y a des preuves de sa présence ici. Il
faudra revenir et surtout être prudents.
Info
ou intox ? Rumeur avec ou sans fondement ? Le préfet vient toutefois de créer
une cellule de veille dans le département le jeudi 22 février 2018. Il souhaite
mobiliser tous les secteurs concernés - associations de protection de la
nature, sociétés de chasse et de louveterie, professions agricoles et
forestières... afin d'établir un suivi de l'éventuelle existence du loup en
Corrèze.
le loup déclenche les passions, mais ne serait-il plus qu'un objet de curiosité pour les enfants ?
RépondreSupprimerleur merveilleux, ou leurs terreurs, est peut-être plus "hors norme" : Harry Potter, les zombies....
Je ne sais plus ce qui marque les enfants. Ils sont tellement submergés d'images que leur imaginaire - justement - fonctionne peu.
Supprimer"J'ai vos dents" seigneur loup, c'est donc la preuve que vous n'êtes pas une rumeur ! ];-D
RépondreSupprimerExcellente histoire Madame.
La rumeur du loup. Joli texte.
RépondreSupprimerBien raconté ! Plus ça va, plus on est prêt à abattre l'animal. Mais pas celui qui est en nous ! ;-)
RépondreSupprimerUne autre rumeur concernait, dans ce même département de Corrèze , un foyer de présidents de la République. Heureusement le dernier vient d'âtre abattu l'année dernière ... par un jeune loup ! ;-)
Belle histoire, chère Marité.
RépondreSupprimerEtant d'un département également concerné par le retour des loups, j'épprécie.
J'adore aussi le commentaire désopilant de mon cher oncle Joe
¸¸.•*¨*• ☆
Oui, mais on a de la ressource ici : on mange bien et on boit bien. C'est pas un petit freluquet avec sa mère-grand qui va nous faire peur. Na.
SupprimerOn va bien en sortir un autre de derrière les fagots dans quelques temps. ;-)
Alors comme ca, Le Petit chaperon rouge est un conte pour les enfants des villes ? :)
RépondreSupprimerC'est la rumeur... ;-)
SupprimerJoli conte que j'ai lu avec empressement !
RépondreSupprimerMerci Maryline ! Mais ce n'est pas un conte. D'ailleurs, moi qui suis grand-mère, je ne me promène pas dans les bois sans ma bombe lacrymogène. Au poivre. ;-)
Supprimerd'aucuns souvent crient au loup
RépondreSupprimerbien écrit,
il y a un musée du loup par ici
mais de loup plus aucun
alors on éradique le renard, on fera leur musée ensuite...
Petit Chaperon Rouge, arrête d’aller en boîte,
Savate, Tu danses, balances, bois,
Aux abois, tu t’ saoules,
Raoul. Ne vois-tu pas, petit bouchon,
Tout rond, les fauves
Mauves, rangés autour de
Toi, dans l’ bois ? Ce loup aux yeux de velours,
Glamour, qui t’guette,
Ma guêpe ? Taille fine, formes en
Forme, ta nuit tu la passes avec ce beauf
En daube qui chou rave ton cœur tout naze.
Passe-lui le beurre pour ta galette,
Minette. Fais-lui mirliton
Ton… ton… Laisse-lui ton clafoutis
Ti… ti… Tire sur sa chevillette,
Chevrette, régale-le
Leu… leu…
Pense à ta mère, Grand
Dieu, qui comme toi,
Baba, allait au bal,
Cymbale, et qui t’a eue, dans l’…
Dos, mon P’tit Chaperon Cru !
:)
Grand merci Cavalier ! Si tu passes par ici, je te promets une grosse part de clafoutis. :-)
SupprimerMerci !
RépondreSupprimerEn plus de loup et d'ours, j'aurais pu vous parler de corbeau. Mais trois textes auraient été indigestes peut être. Faut pas exagérer.