lundi 12 février 2018

Andiamo - D'un océan à l'autre

Entre deux océans.

Elle l'avait rencontré au "Royal Lieu" un guinche sur le boulevard des Italiens, à côté de l'immeuble du journal Le Monde, assise sur une banquette de moleskine rouge, il s'était incliné afin de l'inviter à danser, elle s'était levée...
Elle s'appelle Nina, grande, brune aux yeux verts, lui s'appelle Claude, brun, une belle jactance, la chanteuse sur la petite scène qui leur roucoule "non ho l'età", tout juste s'il ne lui murmure pas "t'as d'beaux yeux tu sais", il la serre un peu, et c'est la gamelle du siècle, pas un car-wash, non, tout dans le langoureux, le suave, il sait y faire le garenne, le Royal Lieu c'est son terrain de chasse, la cousette accro aux romans photos de Nous Deux, la charcutière du lundi qui vient se faire reluire pendant que son pépère récupère de la fatigue de la semaine.
Ils ont dansé un moment, enfin quand je dis danser c'était plutôt la danse du ventre à ventre, ils sont sortis, puis il l'a emmené prendre une glace au café de la Paix, en terrasse, la foule du mois de juin, les touristes mitraillant le Palais Garnier, allant chercher l'ombre de Coco Chanel rue Cambon, juste en face, des amoureux enlacés passent devant eux, clin d'œil complice.
Au volant de sa "Dauphine" il l'a raccompagné chez elle, rue Rambuteau, un dernier baiser, puis un p'tit rencard pour le lendemain... Demain c'est Dimanche ! Alors oui a t-elle répondu avec des étoiles dans les yeux.
Ils sont partis : "je t'offre une croisière sur une île" lui a t-il promis, elle s'est blottie contre son bras, et s'est laissée bercer par le ronron du vaillant petit quatre cylindres.
Au pont de Chatou il a pris une petite route, puis s'est arrêté et a garé sa voiture sous un grand platane. Il est tout bizarre Claude, cette fille le fascine, elle est si belle dans sa jolie robe blanche juponnée qui se balance gentiment au rythme de ses pas quand elle marche, il ne comprend pas trop ce qui lui arrive, lui qui habituellement a hâte de "conclure", est tout intimidé, et déjà il craint de la perdre.
Les voici sur l'île des impressionnistes, un lieu à l'abri du temps, Chronos lui même n'y plante pas ses griffes. Un joli restaurant "La maison Fournaise" Maupassant en personne avait écrit un poème sur le mur, depuis afin de préserver ce joli témoignage du passé, on repeint autour, mais jamais on ne recouvre ce témoignage d'un temps révolu. Si vous aimez l'endroit vous entendrez encore les flonflons des guinguettes d'antan, les odeurs de peinture de Caillebotte, Renoir, ou autre qui venaient là brosser leurs toiles.



Une jolie terrasse ombragée, le rosé frais a mis le rouge aux joues de Nina, après les cafés Claude a loué un canot pour une balade sur la Seine, c'est un canot à l'ancienne, en acajou verni comme il se doit, ils ont fait le tour de l'île, certes ça n'a pas été d'un océan à l'autre, mais plutôt une romance entre deux rives.


(Daguerréotypes : Andiamo)

23 commentaires:

  1. Y 's'rait'y pas tombé amoureux l'Claude ?

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    1. Maryline : a bien y réfléchir ça lui ressemble beaucoup ! ];-D

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  2. Belle romance entre deux rives ; y'a pas de plus beau lieu que celui où surgit le tic tac boum des coeurs ! Merci aussi pour Maupassant ; du coup je viens de relire son mur ... si beau aussi !

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    1. Annick : En Cet endroit je me suis rendu plusieurs fois, et ce fut toujours avec bonheur ! ];-D

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    2. Sous le platane l’ombre géante
      Un vélo posé contre un piquet attend comme moi
      Je la vois qui arrive au loin
      Elle porte sa veste lilas et le parfum de nos soupirs ….

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    3. Comme c'est joli, un platane sur lequel, comme chez Temporel, figurent deux cœurs gravés au couteau... ];-D

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    1. Tisseuse : un coup c'est Hyde qui est au clavier, une autre fois c'est Jekill ! ];-D

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  4. Que c'est joli... Et ce mur existe vraiment? incroyable ;-)

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    1. Mapie : Dans mon village qui s'appelle Paris, il existe encore des endroits oubliés du temps.
      Le mur existe bien sûr, la preuve cette photo prise par mes soins, le poème est de la main de Maupassant. Il règne en cet endroit, le parfum de Mimi Pinson et le musc des pensionnaires de la maison Tellier... UN monde, une époque, poussières d'antan. ];-D

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  5. Dommage qu'elle ait les yeux verts...pour un peu, j'aurais pu m'y croire...
    Une bluette ? Une verdette plutôt, du coup...
    Mais tout compte fait j'aime Jekyll bien plus que Hyde ! ;-)
    ¸¸.•*¨*• ☆

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    1. Célestine : Allons tu me connais ? Je ne voulais pas que l'on te reconnaisse. Dans une autre vie je t'y emmènerai. ];-D

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  6. j'ai aimé te lire Andiamo

    un sens du récit
    oui

    et une chute renversante

    dans un village nommé Paris...

    un canot d'acajou verni joli
    alors
    j'y vais de mon couplet aussi
    pas que les dames
    mais ce sera le dernier
    car après mes tits com's seront bien plus laconiques, sans doute

    Impression

    Canotier, ainsi flottant et naviguant, il peindra sur l’abyme. Et mille nénuphars se déploieront sur son esprit :

    « … Peintre parmi l’impression, le bleu, l’or et le blanc ; la tache dans la matière ; rêveur en Marne ou Seine - mises en scène -, se voilant et ne touchant point la berge du savoir, mais colorant de verdure, huilant aux auvents jaunes vifs, et endimanchant à la hauteur du rêve une barque immense…

    Au tableau du midi s’étalant, endormi, reposant aux matures le voilier des sillages. Alors, sans doute, les barques immobiles, traçant sous le soleil à la lumière des diaphanes, embrumant des visions précises sous le repos de l’astre…

    Au Dimanche déramant, déclamant aux avirons des guinguettes sa passion aux dentelles des femmes, dans l’ombre des voilettes… »

    :)

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    1. Cavalier : Comme c'est bien troussé ! Je le vois ce Maupassant, moustache d'ébène au poil luisant, jurant, riant, troussant, mais avec l'élégance d'un poète charmant. ];-D

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  7. Ben alors ? V'la ti pas que le tombeurs de ces dames se met à tomber amoureux. Très joli. L'histoire m'a bien emportée avec elle.

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    1. Tomtom : Et oui tel et pris qui croyait prendre. ];-D

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  8. J'aime beaucoup ce road movie; c'est bien écrit, on suit, on est voyeurs de ce couple en rodage... :)

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    1. Pascal Dupont : un couple en rodage... Belle expression ! ];-D

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  9. C'est léger comme un amour qui nait!
    Ca donne envie de s'offrir un petit tour d'île en amoureux.

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    1. Marie Kléber : L'embarquement pour Cythère ? J'ai une trière à quai qui attend ! ];-D

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  10. Un souffle de nostalgie heureuse agréable à lire.

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    1. Lira : Et ça fait du bien au milieu de toutes les "joyeusetés" actuelles ! ];-D

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