jeudi 8 février 2018

Marité - Le chat me fixe

Daisy.

Il y a eu des chats. Beaucoup de chats dans la ferme de mon enfance. Mais ils n'étaient pas là pour qu'on les cajole. Tout comme les chiens qui se sont succédé, ils avaient un travail à accomplir.    Finette, Mirette, Sultane ... avaient pour tâche de surveiller le troupeau. Les chats - qui n'avaient pas de nom - se devaient de débusquer les souris dans les greniers à grain. Ils étaient à moitié sauvages. Tout juste s'ils se faufilaient en douce dans l'étable pour mendier un peu de lait. Qu'ils ne buvaient d'ailleurs qu'après le départ de mes parents.  Bien sûr, il y avait prolifération et de temps en temps, quand une portée était découverte, il fallait bien s'en débarrasser. Je ne m'attarderai pas sur ce point car je sais que parmi ceux qui voudront bien me lire, beaucoup seraient horrifiés. Mais c'était ainsi. Cela se faisait par nécessité, sans cruauté excessive et surtout à l'abri des regards des enfants que nous étions.

Les chats, nous en avons eu deux ensuite, un pour chacun de nos fils qui cherchaient la compagnie d'une boule de poils. Mais, la proximité d'une route a eu raison des félins, occasionnant des drames à la maison. Nous avons alors opté pour la race canine, plus facile à tenir à distance de la circulation des véhicules à moteur. 

Les chats, je ne les connais donc pas beaucoup. Mais aujourd'hui il y a Daisy, l'insondable, l'indomptable Daisy de mes enfants. Daisy est un chat de gouttière adopté par Marije à la SPA. Elle a souffert, son précédent maître l'enfermant toute la journée dans un placard, sans doute pour éviter les plaintes des voisins à cause de ses miaulements. Pendant quelques temps, la petite chatte noire et blanche s'est réfugiée sous un lit et il fallait approcher son écuelle pour qu'elle puisse se nourrir. 
A force de patience et d'amour, Marije a réussi à apprivoiser Daisy et elle reste la seule à avoir vraiment toute sa confiance. 

Intriguée et amusée par la façon qu'avait Daisy de me snober, j'ai décidé un jour d'arriver à mes fins.  
J'ai mis trois ans à tenter d'amadouer la sauvage, l'indépendante Daisy qui passe ses journées dans les granges, dans les prés et ne vient à la maison que pour manger ses croquettes et boire son lait, quelquefois amochée dans des batailles rangées avec ses pairs. Quand elle regagne la maison, elle se poste derrière la fenêtre de la cuisine, guettant sa maîtresse pour qu'elle lui ouvre. Elles se parlent alors et se comprennent. Marije devine tout de Daisy et Daisy sait que Marije l'entend. J'imagine que quand elles sont seules, leur complicité et leur amour se prodiguent par d'autres gestes, des caresses, des pétrissages pour l'une, des ronrons et des miaulements de plaisir pour l'autre.

Daisy aime bien aussi aller dormir à l'étage de la maison, dans la chambre d'amis ou sur le fauteuil du bureau de Marije, là où sont disposés pour elle des coussins moelleux; enfin, à l'écart des intrus qui fréquentent son foyer le dimanche ! 

Il m'a fallu trois ans pour que la chatte consente à venir vers moi. Inutile d'essayer d'aller vers elle : chaque fois, elle me fixait de son regard fendu et tranquillement, prenait la poudre d'escampette. J'avais beau y mettre de la bonne volonté, redoubler de persuasion, désireuse de dispenser des cajoleries, rien n'y faisait. Daisy m'observait avec méfiance et même hostilité et fuyait. 

Jusqu'au jour où Marije m'a confié un secret : "Daisy aime bien se plaindre et surtout qu'on la plaigne. Essayez de l'amadouer en prenant un ton bas et chagrin." Bingo !  Avec Marije à mes côtés au début, la supercherie a fonctionné. Et voilà la féline qui s'approche prudemment, se frotte d'abord à mes jambes, s'en va puis revient nonchalamment et daigne enfin  se laisser caresser. Sur le dessus de la tête uniquement, là où il lui est plus facile d'exercer un contrôle. J'ai gagné. Non son affection sans doute mais le plaisir de pouvoir - quand elle le veut bien - lui grattouiller le crâne. Si je prends pour la grattouille le peigne à dents de fer qui sert à toiletter Jarjar, le chien des enfants, le plaisir de Daisy s'en trouve décuplé et je peux me régaler de ses ronrons. Jusqu'à ce qu'elle arque le dos et s'en aille plus loin, lassée.  

Il ne s'est pas développé entre nous deux une osmose affective, c'est certain. A défaut de comprendre tous les mystères de ce chat libre et insaisissable, je ne me lasse pas d'observer ses comportements singuliers, imprévisibles et je me satisfais des quelques lambeaux d'intérêt qu'elle veut bien me manifester.  Étonnante et incomparable Daisy, moi je t'aime bien.

12 commentaires:

  1. C'est une très belle histoire de ta relation avec les chats et de celle bien particulière que tu tentes d'établir avec Daisy. Cette indépendance du chat est sans doute ce qui fait une partie de son mystère.

    RépondreSupprimer
  2. A lire ton récit on voit bien que tu as fini par "comprendre" comment fonctionne Monsieur chat... quant à l'éradication des portées encombrantes, j'en ai été spectateur étant petit et c'est toujours un souvenir douloureux

    RépondreSupprimer
  3. Tu sais Marité tu ne me choques pas en avouant qu'il fallait bien se "débarrasser" des chats ou chiens lorsque la chatte ou la chienne de la maison mettait bas, mes parents n'auraient jamais fait stériliser chienne ou chatte, d'abord point de véto là où j'habitais ! Et puis l'argent faisant défaut pour le nécessaire, alors hein ?
    Ta Pomponnette elle est bizarre, j'ai des copains qui ont eu une chatte semblable, il lui aura fallu des années pour qu'elle ne se sauve plus quand nous arrivions chez eux, Andiamette et moi. ];-D

    RépondreSupprimer
  4. je comprends tout à fait
    le chat non imprégné par l'homme
    depuis tout chaton
    tout petit


    là, il y a beaucoup plus que le mystère du chat domestique
    domestiqué

    le chat non imprégné restera libre
    mais il peut s'approcher
    se faire caresser
    avec de la patience

    mais sera-t-il domestiqué, comme on dit : non
    jamais

    singulier, imprévisible, comme tu le dis, oui
    "chat libre et insaisissable" oui

    enfin si j'en parle, c'est que j'ai chez moi les deux sortes de chats
    et ce n'est pas du tout la même chose...

    sinon, oui, ton histoire est très belle
    et bien contée
    tu es patiente

    mais que se passera-t-il si Daisy a des petits ?


    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un chat domestique domestiqué ? Ça existe ? ;-)
      ¸¸.•*¨*• ☆

      Supprimer
    2. Cavalier : Daisy n'aura pas de chatons. ;-)
      Je comprends tout à fait ce que tu veux dire quand tu parles de chat domestique domestiqué : il y a des chats qui ont un toit mais peuvent très bien vivre dehors et d'autres, plus "pantouflards" qui ne quittent pas leur fauteuil.

      Supprimer
  5. Elle me plaît cette Daisy ! belle et rebelle...
    ¸¸.•*¨*• ☆

    RépondreSupprimer
  6. Et oui, les chatons noyés. Mes grands-parents faisaient sans doute la même chose. Heureusement, les hommes sont moins cruels aujourd'hui (??!).
    Quant à Daisy, c'est laborieux dites donc ! Mais j'adore cette façon douce et compréhensive de raconter l'apprivoisement et le fait que tu te contentes de si peu, parce que tu as de l'empathie pour cette petite Daisy.

    RépondreSupprimer
  7. quelle patience pour apprivoiser cette minette :)
    j'avoue que je te tire mon chapeau !
    il y a une des minettes présentes chez L'arpenteur que je n'ai jamais même réussi à voir alors que lors de nos séjours nous résidons sur place

    RépondreSupprimer
  8. J'aime cette histoire, fort bien contée. Patience, délicatesse, respect : tout ce qui sied à un chat...

    RépondreSupprimer
  9. Merci pour vos commentaires. ;-)

    RépondreSupprimer

Les commentaires sont précieux. Nous chercherons toujours à favoriser ces échanges et leur bienveillance.

Si vous n'avez pas de site personnel, ni de compte Blogger, vous pouvez tout à fait commenter en cochant l'option "Nom/URL".
Il vous faut pour cela écrire votre pseudo dans "Nom", cliquer sur "Continuer", saisir votre commentaire, puis cliquer sur "Publier".